Impôts, retraites, immigration... Ce qu'il faut retenir du discours de politique générale de Michel Barnier

Ce discours de politique générale était attendu. Pendant près d'une heure et demie, ce mardi 1er octobre, Michel Barnier a dévoilé devant l'Assemblée nationale les grandes orientations de la politique de son gouvernement, principalement composé de macronistes et de représentants des Républicains.

Le Premier ministre a notamment évoqué la réduction des dépenses publiques, mais aussi sa volonté de maîtriser davantage l'immigration. Il a aussi, à plusieurs reprises, prôné la simplification des démarches administratives et des normes.

Le début de sa prise de parole a été perturbé par des députés LFI, qui ont brandi leurs cartes d'électeur, avant que des huissiers de l'Assemblée n'interviennent. Les députés du Nouveau Front populaire fustigent l'arrivée de Michel Barnier à Matignon, estimant que le poste devait revenir à une personnalité de gauche après que leur alliance est arrivée en tête des dernières élections législatives.

• Un effort fiscal pour les entreprises aux "profits importants" et "les Français les plus fortunés"

Michel Barnier s'est engagé pour la "réduction de notre double dette budgétaire et écologique". "La véritable épée de Damoclès, c'est notre dette financière colossale", a-t-il estimé. Le Premier ministre s'est donné pour objectif de "ramener le déficit de notre pays à 5% (du PIB, NDLR) en 2025" et 3% en 2029.

Pour cela, le chef du gouvernement a promis de réduire les dépenses publiques, avec "une attention particulière aux plus fragiles" et "avec les collectivités locales" toutefois. Il veut aussi des dépenses publiques plus "efficaces", promettant par exemple une "chasse aux doublons" et aux "fraudes". Michel Barnier a également annoncé "une participation au redressement collectif aux grandes entreprises qui réalisent des profits importants" et une "contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés".

"Une réflexion" à venir sur la proportionnelle

Dans un moment de grande tension politique, "nous avons besoin d'une nouvelle méthode", a estimé Michel Barnier, qui compte demander à son gouvernement de "s'appuyer sur le travail parlementaire". Le Premier ministre a aussi promis "écoute" et "respect" à toutes les formations politiques de l'Assemblée nationale, alors que le Rassemblement national, dont les voix pourraient faire adopter une motion de censure, a placé le gouvernement "sous surveillance".

Michel Barnier s'est aussi dit "prêt à une réflexion sans idéologie sur le scrutin proportionnel" pour les élections législatives, réclamé par une partie de la classe politique, de la gauche au Rassemblement national en passant par le Modem.

"J'ai bien entendu les appels à davantage de représentativité", a assuré le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale devant le Parlement. Sans entrer dans le détail, il a relevé que ce mode de scrutin était "déjà mis en œuvre au Sénat et dans les collectivités et pratiqué, à des degrés différents d'ailleurs, chez beaucoup de nos voisins".

• "Des aménagements raisonnables" de la réforme des retraites

Michel Barnier appelle à "reprendre le dialogue" sur la réforme des retraites, adoptée en 2023 malgré une vive opposition des syndicats. Le chef du gouvernement veut "réfléchir à des aménagements raisonnables et justes" de la réforme avec les partenaires sociaux.

"Certaines limites de la loi votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées. Les questions des retraites progressives, de l'usure professionnelle, de l'égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite méritent mieux que des fins de non-recevoir", a-t-il déclaré devant l'Assemblée nationale.

Le report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie

Michel Barnier a annoncé que les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie seront reportées "jusque fin 2025" et que le projet de loi constitutionnelle de dégel du corps électoral, à l'origine des émeutes qui ont enflammé l'archipel, ne "sera pas soumis au Congrès".

Le Premier ministre s'est dit désireux de s'impliquer "personnellement" dans ce dossier. "Une mission de concertation" conduite par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, se rendra sur place "prochainement". "Une nouvelle période doit maintenant s'ouvrir, consacrée à la reconstruction économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie, à la recherche d'un consensus politique sur son avenir institutionnel", a-t-il encore dit.

"Aucune remise en cause" à venir du droit à l'IVG ou du mariage pour tous

Le Premier ministre a également donné certaines de ses "lignes rouges": "il n'y aura aucune tolérance à l'égard du racisme et de l'antisémitisme", a-t-il promis. "Aucune tolérance" à l'égard des "violences faites aux femmes", du communautarisme, "aucun accommodement sur la défense de la laïcité" non plus.

Son gouvernement comporte des ministres qui s'étaient opposés à certaines avancées sociétales. C'est par exemple le cas de Bruno Retailleau, nouveau ministre de l'Intérieur, qui a mené la bataille contre l'inscription de l'IVG dans la Constitution, ou de Laurence Garnier, secrétaire d'État à la Consommation qui s'était opposée au mariage pour tous.

Sur ces points, Michel Barnier a promis qu'il n'y aura "aucune remise en cause des libertés conquises au fil des ans", en listant notamment le droit à l'IVG, le mariage pour tous et la PMA pour toutes.

La réforme de l'assurance chômage renvoyée aux partenaires sociaux

Le Premier ministre Michel Barnier a redonné mardi la main aux syndicats et au patronat pour négocier "sur notre système d'indemnisation du chômage" ainsi que sur "l'emploi des seniors", enterrant du même coup la réforme de l'assurance chômage prévue par le gouvernement Attal.

Les partenaires sociaux "sont les mieux placés pour apporter des solutions", a estimé le chef du gouvernement lors de son discours, demandant que cette négociation s'ouvre "dès les prochaines semaines", alors que les règles actuelles d'indemnisation des demandeurs d'emploi ont été prolongées par décret jusqu'au 31 octobre.

• Le Smic revalorisé de 2% dès le 1er novembre

Michel Barnier a par ailleurs annoncé mardi une revalorisation du Smic de 2% "dès le 1er novembre par anticipation de la date du 1er janvier". Il a aussi promis des "négociations rapides" dans les branches où les minimas sont encore inférieurs au Smic.

La santé mentale, "grande cause nationale" de 2025

Michel Barnier veut faire de la santé mentale "la grande cause nationale de l’année 2025". "Les problèmes de santé mentale touchent un Français sur cinq, particulièrement les jeunes", insiste le Premier ministre. "Les maladies psychiques sont le premier poste de dépenses de l’assurance maladie."

Or "ces maladies se soignent et la prévention est essentielle", rappelle le chef du gouvernement. Si Michel Barnier évoque les progrès de la recherche en la matière, il estime qu'il y a encore beaucoup à faire "dans les modes d’accompagnement des malades et des aidants".

Des restrictions de visas plus importantes pour certains pays

Les politiques migratoire et d'intégration ne sont plus maîtrisées de "manière satisfaisante", a estimé le Premier ministre devant l'Assemblée nationale. Alors que la faible exécution des obligations de quitter le territoire français est revenue dans l'actualité avec l'affaire du meurtre de Philippine, Michel Barnier a déclaré envisager de restreindre "davantage" les visas pour les pays qui se montrent réticents à accueillir leurs ressortissants expulsés.

Dans ce cadre, le Premier ministre veut également "faciliter la prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière".

"Des peines de prisons courtes" pour certains délits

Le Premier ministre a dit sa volonté de "réduire les délais de jugement". Il a aussi promis de "construire réellement des places de prison", alors que la densité carcérale globale s'établit à 127,3% dans les maisons d'arrêt, selon des chiffres du ministère de la Justice publiés lundi. Le nombre de détenus en France a atteint un nouveau record au 1er septembre, avec 78.969 personnes incarcérées contre 78.397 le mois précédent.

Une construction d'autant plus nécessaire que Michel Barnier souhaite proposer "des peines de prison courtes" pour certains délits et une "limitation" des "possibilités" d'aménagement de peines. Le Premier ministre entend également "stopper la violence des mineurs", avec une réflexion sur des "atténuations" de l'excuse de minorité ou encore sur une procédure de comparution immédiate pour les plus de 16 ans "déjà connus de la justice et poursuivis pour des actes graves d’atteinte à l’intégrité physique des personnes".

Il a néanmoins rappelé la nécessité du "respect de l'État de droit", alors que son ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a suscité de nombreuses critiques au sein du camp présidentiel et à gauche après avoir déclaré que l'État de droit n'était "pas intangible, ni sacré".

Une "reprise du dialogue" sur le projet de loi sur la fin de vie

Michel Barnier a par ailleurs annoncé mardi qu'il souhaitait "reprendre le dialogue" avec le Parlement en début d'année 2025 sur le projet de loi sur la fin de vie, dont l'examen avait été suspendu à l'Assemblée en juin par la dissolution.

Pour "accompagner les personnes en fin de vie", "nous allons reprendre le dialogue avec vous, avec le Sénat, les soignants et les associations, en début d'année prochaine sur le projet de loi dont l'examen a été interrompu par la dissolution", a déclaré le Premier ministre devant les députés, lors de sa discussion de politique générale.

Michel Barnier n'a pas sollicité de vote de confiance des députés comme peut le faire le Premier ministre après sa déclaration de politique générale. Ses prédécesseurs Élisabeth Borne et Gabriel Attal ne l'avaient pas fait non plus, privés comme lui de majorité absolue.

Article original publié sur BFMTV.com