Immigration : le projet de l’Allemagne qui divise l’Europe
Expulsion d'immigrés, retour des contrôles aux frontières, l'Allemagne décide de durcir sa politique. Un changement de cap sur l'immigration qui divise ses voisins.
Un sujet décidément au coeur des discussions en Europe. Alors que le nouveau Premier ministre LR Michel Barnier veut "maîtriser l’immigration (…) avec de l’humanité", un thème sur lequel le Rassemblement national "l'attend", le sujet s'est également invité outre-Rhin.
En Allemagne, l’extrême droite a aussi obtenu des résultats élevés aux élections régionales, sur fond d'attentats meurtriers perpétrés par des personnes radicalisées. Une poussée qui s'observe également au niveau continental avec les scores élevés l'extrême droite aux élections européennes de début juin.
Un retour des contrôles aux frontières de l'Allemagne
L'Allemagne est la première à passer concrètement à l'acte, avec la généralisation des contrôles de police aux frontières durant six mois, à partir du 16 septembre. Justification de ces mesures : "la protection de la sécurité intérieure contre les menaces actuelles du terrorisme islamiste et de la criminalité transfrontalière".
Concrètement, après les frontières avec la Pologne, la République tchèque, l'Autriche et la Suisse, ces contrôles vont désormais avoir lieu aux frontières avec la France, les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark et le Luxembourg.
Renvoyer des demandeurs d'asile dans le pays de l'UE par lequel ils sont arrivés
Autre mesure prise, la suppression des aides aux demandeurs d'asile qui sont entrés en UE via un autre Etat de l'Union européenne avant d'aller en Allemagne, et une volonté affichée d'accélérer l'expulsion de réfugiés ayant été condamnés sur le plan pénal. Une politique déjà amorcé avec le retour de 28 Afghans condamnés sur leur sol, une première depuis le retour des Talibans au pouvoir.
Enfin, le gouvernement a également déclaré son intention de refouler davantage de migrants aux frontières allemandes. Concrètement, l'idée est de renvoyer les demandeurs d'asile dans le pays de l'Union européenne par lequel ils sont arrivés, sans leur permettre de déposer une demande en Allemagne.
Un changement radical de politique migratoire
Au-delà d'un radical changement de cap de la politique allemande, qui au cours de la crise migratoire de 2015-2016, avait accueilli plus d'un million de réfugiés, dont de très nombreux Syriens et pris en charge environ un million d'Ukrainiens, la situation tend les relations avec les voisins de l'Allemagne.
Car en Pologne ou en Autriche, pays frontaliers de l'Allemagne, on n'entend pas accepter les migrants refoulés d'Allemagne. Pour le Premier ministre polonais Donald Tusk, ces mesures et notamment les contrôles aux frontières sont une "suspension à grande échelle" de la libre circulation dans l'espace Schengen. Une opposition qui le pousse même à requérir une concertation en urgence avec les "autres pays affectés par ces décisions" en vue d'une "réaction au sein de l'Union européenne concernant cette question".
Une remise en cause "des acquis fondamentaux de l'UE"
Même incompréhension du côté de la Grèce, où le Premier ministre estime qu'"il ne serait pas juste de s’orienter vers une logique d’exemptions ad hoc de Schengen, avec des contrôles aux frontières qui pourraient finalement ne pas permettre la libre circulation des citoyens et nuire aux acquis fondamentaux de l’Union européenne".
Sans surprise, à rebours de la tendance européenne, Viktor Orban a salué la décision de Berlin. "L’Allemagne a décidé d’imposer des contrôles stricts aux frontières pour stopper la migration illégale. Chancelier Scholz, bienvenue au club ! #stopmigration", écrit-il sur X.
Une source d'inspiration pour Michel Barnier ?
Des mesures qui sont toutes provisoires, prises pour six mois et qui ne peuvent pas être prolongées au-delà de deux ans.
En France, les soutiens du chef de l'État regardent de près ce qui se fait outre-Rhin. "Il serait à mon avis de très mauvais ton que la France ne réagisse pas alors qu’elle est confrontée aux mêmes enjeux et difficultés. C’est la raison pour laquelle nous regardons de très près ce qui se passe en Allemagne, et il nous faudra considérer si nous faisons assez ou pas", souligne Charles Rodwell, député Ensemble pour la République (EPR) et co-rapporteur du budget immigration.
Autant de mesures qui pourraient inspirer la "maîtrise de l'immigration avec humanité" voulue par Michel Barnier, défenseur en 2021 d'un moratoire sur l'immigration et qui devrait lever le voile sur sa politique en matière d'immigration début octobre lors de sa déclaration de politique générale.