Immigration : Comment le gouvernement n’a tiré aucune leçon de sa mauvaise alliance avec LR depuis les retraites

Élisabeth Borne et Gérald Darmanin lors d’une réunion à Matignon le 30 juin. (illustration)
STEPHANE LEMOUTON / AFP Élisabeth Borne et Gérald Darmanin lors d’une réunion à Matignon le 30 juin. (illustration)

POLITIQUE - « Debout les campeurs et ô les cœurs, n’oubliez pas vos bottes parce que ça caille aujourd’hui ». Voilà ce qu’entend inexorablement Bill Murray au réveil, condamné à revivre la même boucle spatiotemporelle dans le film Un jour sans fin du cinéaste Harold Ramis. Si ce n’est pas le jour de la marmotte que doit subir le gouvernement, le scénario de sa paralysie à l’Assemblée se répète avec une similitude déconcertante.

Car si ce n’est l’issue d’une motion de rejet, qui a été fatale lundi 11 décembre au texte porté par Gérald Darmanin, l’exécutif bute sur le même obstacle depuis le résultat des élections législatives de 2022 : une majorité relative, qui l’incite à vouloir négocier avec Les Républicains, seule force politique perçue comme étant en capacité idéologique de toper avec le gouvernement. Or, la réforme des retraites l’a démontré. La Macronie ne peut rien attendre du groupe présidé par Olivier Marleix, lui-même traversé par des divisions qui, bien loin de faire le jeu de l’exécutif, l’empêchent de bâtir une « majorité de projet ».

« On a déjà payé pour voir »

Et ce, même sur des sujets chers à la droite, que ce soit sur l’allongement de l’âge légal du départ à la retraite, toujours défendu par Les Républicains, ou l’immigration, colonne vertébrale de son ADN. Un sujet sur lequel le parti d’Éric Ciotti réclamait de longue date un débat devant le Parlement. Mais dans un contexte où LR ne cesse de se droitiser afin de conserver son étiquette de formation d’opposition, et sans négliger les rancœurs envers un Emmanuel Macron qui a cassé le bipartisme en débauchant allégrement au sein du parti de droite, cette force d’appoint sur laquelle misait l’exécutif est devenue son point faible.

Ce que reconnaît auprès du HuffPost un conseiller ministériel. « On sait que LR n’est pas fiable parce que très faible. On a déjà payé pour voir une fois. Ils sont condamnés à faire de la politique par coups puisqu’ils n’ont plus de ligne, ni de leader, ni d’espace politique », décrypte notre interlocuteur. Raison pour laquelle, selon lui, le parti de droite « a décidé d’infliger une seconde claque à la majorité » sur l’immigration, après le fiasco de la réforme des retraites, qui n’était pas loin d’être fatale à Élisabeth Borne. Malgré cet avertissement sérieux, le gouvernement a répété sur l’immigration les mêmes erreurs qu’au printemps dernier. Les députés LR dénoncent la copie du gouvernement ? La Macronie y voit du bluff visant à faire monter les enchères, répète que la « sérénité » domine et juge que la droite ne saurait sanctionner un texte proche de ses idées.

La même chorégraphie

La situation se tend dans la dernière ligne droite ? Les ministres et entourages font chauffer les téléphones pour s’assurer des votes, comme les investisseurs mal inspirés sombrent dans le « panic-buy » en voyant leurs certitudes sur le marché s’effondrer. Ce mardi 12 décembre, les socialistes rapportent à Libération que le député PS de l’Eure Philippe Brun a été contacté la semaine dernière par le cabinet de Gérald Darmanin qui lui a proposé une brigade de gendarmerie en Ardèche en échange de son opposition à la motion de rejet… Avant de réaliser que la proposition ministérielle était en fait destinée à son homonyme, le député LR Fabrice Brun.

« Il a cru jusqu’au dernier moment pouvoir gagner des voix par-ci par-là, mais il s’est mis dans l’impasse », explique au quotidien le député socialiste Arthur Delaporte. De quoi rappeler les heures plus tendues de la réforme des retraites, quand plusieurs députés LR accusaient le gouvernement de vouloir acheter leur vote contre des faveurs à destination de leur circonscription. En parallèle, l’aile gauche de la Macronie s’estime lésée, et multiplie les sorties médiatiques compliquant les perspectives de sceller un accord. Au printemps : sur les mesures d’équilibre de la réforme des retraites et le report de l’âge légal. Ces dernières semaines : sur l’article 3 du projet de loi, relatif à la régularisation des travailleurs sans papier dans les métiers tensions. Exactement la même chorégraphie. Avec les mêmes acteurs.

La droite pose (encore) ses conditions

Se sachant en position de force, renforcée cette fois-ci par un texte sénatorial sur mesure, la droite joue son jeu à fond, bien consciente que le gouvernement s’est lui-même placé dans le besoin de son appui pour sortir de l’impasse. Et se retrouve désormais à exiger les termes du débat. « Je suis ouvert à la discussion sur la suite de ce texte mais je le ferai avec la Première ministre », a prévenu Éric Ciotti, faisant de la mise à l’écart de Gérald Darmanin un préalable aux négociations à venir.

De quoi vacciner définitivement l’exécutif des alliances bancales avec LR ? Pas forcément, puisque le gouvernement a décidé de renvoyer le texte en Commission mixte paritaire, où la droite est majoritaire. Après le Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a appelé les forces politiques à « faire un pas les uns vers les autres » pour parvenir à « un compromis » et a nié toute paralysie de l’exécutif, alors que l’hypothèse d’une dissolution pour sortir de l’impasse est sur toutes les lèvres. Les conditions pour revivre une nouvelle journée de la marmotte semblent réunies.

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