Immigration, état de droit... Les déclarations de Retailleau critiquées à gauche et par une partie de la macronie
Le nouveau ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, s'attire les foudres d'une partie de la classe politique et choque jusque dans les rangs du camp présidentiel après avoir notamment estimé que "l'immigration n'est pas une chance".
Des déclarations qui font réagir. Bruno Retailleau est critiqué par une partie de la classe politique après avoir affirmé dimanche sur LCI que "l'immigration n'est pas une chance" mais également que l'"État de droit, ça n'est pas intangible ni sacré" dans un interview accordée plus tôt au Journal du dimanche (JDD).
Interviewé de son bureau, place Beauvau, le ministre a exprimé son "regret" qu'on ne puisse pas faire de référendum sur l'immigration en France et a estimé qu'"il n'y aura(it) de maitrise de l'immigration que si on a un plan d'ensemble".
"Quelle différence avec un ministre de l'Intérieur RN?"
Pointant "un maquis de règles juridiques", il s'est dit prêt utiliser "tous les leviers", tout en se disant "respectueux" du Premier ministre Michel Barnier qui doit faire sa Déclaration de politique générale mardi et "annoncera un certain nombre de mesures".
Bruno Retailleau a notamment cité la piste d'une extension de la durée maximale de la rétention pour les personnes soumise à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). "On peut l'étendre de beaucoup, en doublant" à 180 jours, a-t-il jugé, mais "ce n'est pas suffisant".
Il a également cité le sujet des expulsions, estimant qu'"on doit assumer un rapport de force" pour renvoyer les personnes dans leur pays d'origine, en citant "trois leviers": l'octroi de visas, l'aide au développement et le commerce. Interrogé pour savoir s'il était pour la double peine, c'est-à-dire à l'expulsion systématique après que la peine a été purgée, il s'est par ailleurs dit "bien sûr" favorable.
"Quelle serait la différence avec un ministre de l'Intérieur RN?", s'est interrogé le chef de file des députés PS Boris Vallaud. Le député du Nouveau Front populaire, Benjamin Lucas, a quant à lui déclaré que "Bruno Retailleau, ce n'est pas la France", en référence à un post qu'il avait fait en décembre 2023 dans lequel il écrivait que "l'accueil, c'est la France, la fraternité, c'est la France, l'immigration, c'est la France".
"Nous n’avons pas fait front républicain le 7 juillet dernier pour entendre les mots que Jordan Bardella aurait pu prononcer s'il avait été premier ministre", a écrit de son côté le député socialiste Jérôme Guedj.
Thevenot juge que Retailleau "fait le lit du RN"
Le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a rebondi sur les réserves émises par le locataire de la place Beauvau concernant une "société multiculturelle", susceptible selon lui de basculer vers une "société multiraciste".
"La République est laïque et anti raciste. Je me demande lequel de ces trois mots, République, laïque et antiraciste, Bruno Retailleau ne comprend pas", a-t-il déclaré sur X.
Ces propos choquent jusque dans le camp présidentiel. L'ancienne porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, a estimé sur X qu'on pouvait "parler immigration sans dénigrer les Français qui en sont issus".
"Notre langue permet de faire la différence entre immigration illégale et légale. La première est à combattre, la deuxième à contrôler. Ne pas faire la distinction fait le lit du RN", a-t-elle fustigé.
Face à quoi, le coordinateur national de La France Insoumise, Manuel Bompard, a ironisé: "Encore un petit effort et Prisca Thevenot votera la censure!".
"Dérive immédiate vers le populisme"
Le ministre de l'Intérieur, critiqué lors de sa nomination - y compris par une partie des macronistes - pour ses positions particulièrement conservatrices (soutien à la Manif pour tous, opposition à la constitutionnalisation de l'IVG...) était déjà l'objet de réprobations ce week-end après des propos tenus au JDD ce samedi.
L'ancien sénateur de Vendée est revenu dans les colonnes de l'hebdomadaire d'extrême droite sur le meurtre de Philippine, étudiante de 19 ans de l'université Paris-Dauphine, retrouvée enterrée dans le bois de Boulogne, dans l'ouest parisien. Le fait que le suspect - un Marocain de 22 ans déjà condamné pour viol en 2021 - est sous le coup le coup d'une OQTF avait suscité de vives réactions, en particulier à l'extrême droite.
Bruno Retailleau en remet une couche, dénonçant un "point de déséquilibre où les règles finissent pas protéger les individus dangereux davantage que les victimes de la société." Le patron de la place Beauvau va jusqu'à remettre en cause "l'État de droit" qui "n'est pas intangible, ni sacré".
"C’est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs. Mais la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain", ajoute-t-il.
L'interview, tout comme celle de LCI, fait réagir à gauche. "La démocratie est tout à la fois souveraineté populaire et état de droit, ne serait-ce que parce qu’être majoritaire ne donne pas le droit d’écraser les minorités", répond Olivier Faure sur X. Tout en soulignant que "le peuple souverain" "n'a pas donné à Retailleau le moindre mandat", son parti étant arrivé "dernier aux législatives", ou plus exactement très loin derrière le bloc de gauche, celui du camp présidentiel et celui de l'extrême droite.
Cette sortie crispe également le camp présidentiel. Au Modem, dont les députés ont hésité à soutenir le nouveau gouvernement, Erwan Balannant appelle Michel Barnier à "recadrer" son ministre de l'Intérieur et met en garde: "le peuple souverain sans l’État de droit, c’est la dérive immédiate vers le populisme et le rêve des extrêmes."