Immigration, État de droit…Bruno Retailleau parle encore comme le RN (et la Macronie le découvre)
POLITIQUE - Qui a dit : « je pense qu’une société multiculturelle comporte des risques de devenir aussi une société multiraciste » ? Non, il ne s’agit pas d’un élu d’extrême droite mais du ministre LR de l’Intérieur Bruno Retailleau. Dimanche 29 septembre, les déclarations du numéro 4 du gouvernement ont choqué sur sa gauche, au sein du NFP mais pas uniquement.
Dans une interview au Journal du Dimanche puis sur LCI, le nouveau ministre a réitéré plusieurs de ses positions. Sur l’immigration d’une part, « pas une chance » selon lui. Il a dit notamment « regretté » qu’un référendum ne puisse pas être organisé et plaide pour une révision de la Constitution en ce sens. Bruno Retailleau a aussi à nouveau fait part de ses réserves sur une « société multiculturelle », qui « comporte des risques de devenir aussi une société multiraciste. Je pèse mes mots » , a-t-il lancé sur LCI. Interrogé sur de précédents propos dans lesquels il jugeait qu’une « société multiculturelle » était une « impasse » et « conflictuelle », le nouveau ministre LR a répondu : « je le pense toujours ».
D’autre part, Bruno Retailleau a aussi minimisé le concept d’État de droit : « L’État de droit, ça n’est pas intangible ni sacré. C’est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs. Mais la source de l’État de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain », a-t-il déclaré dans le JDD. Le concept juridique de l’État de droit repose entre autres sur le concept d’égalité des citoyens devant la loi. Un socle démocratique que certaines propositions soutenues par Bruno Retailleau - sur l’immigration par exemple - sont susceptibles d’abîmer, comme l’avait indiqué le Conseil constitutionnel en censurant une large partie de la loi immigration en janvier 2024.
Yaël Braun-Pivet « assez inquiète », Thevenot alerte
Sans surprise, les positions de Bruno Retailleau ont provoqué un tollé à gauche - « Quelle serait la différence avec un ministre de l’Intérieur RN ? », s’est interrogé le chef de file des députés PS Boris Vallaud.
Mais au-delà du NFP, plusieurs figures du camp présidentiel ont aussi exprimé leurs craintes, à l’image de la présidente de l’Assemblée nationale Renaissance Yaël Braun-Pivet, qui s’est dite « assez inquiète » après cette sortie. « L’État de droit, c’est ce qui protège nos citoyens, c’est l’égalité de tous devant la loi, c’est la hiérarchie des normes. Lorsque la situation est tendue, il ne faut surtout pas remettre en question l’État de droit, c’est ce qui protège notre démocratie », a-t-elle déclaré sur France 2 ce lundi 30 septembre. « Je pense que l’État de droit c’est quelque chose de sacré. Quand on est aux responsabilités, il faut avoir des propos apaisants » et pas « clivants », abonde l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne sur RMC, sur la même ligne que l’ex-ministre Clément Beaune.
L'État de droit est sacré. Il nous protège, il garantit que personne, pas même un ministre, ne puisse faire ce qu'il veut. Renforçons l'application de nos règles, mais sans jamais contourner le cadre qui nous protège tous : l'État de droit. #4V pic.twitter.com/KytHRUjrqS
— Yaël Braun-Pivet (@YaelBRAUNPIVET) September 30, 2024
Je me dis que cette tribune reste d’actualité. Malheureusement. https://t.co/GLvwJGEqWY
— Clément Beaune (@CBeaune) September 29, 2024
Prisca Thevenot, ancienne porte-parole du gouvernement, s’est elle émue des déclarations sur l’immigration. « On peut parler immigration sans dénigrer les Français qui en sont issus. Notre langue permet de faire la différence entre immigration illégale et légale. La première est à combattre, la deuxième à contrôler. Ne pas faire la distinction fait le lit du RN », a-t-elle fustigé sur X. Même le prédécesseur de Bruno Retailleau à Beauvau, connu pour défendre une ligne ferme, a aussi pris ses distances : « L’immigration légale, bien sûr, est une chance pour notre pays », a déclaré Gérald Darmanin.
À la faveur de la nomination de Bruno Retailleau dans un gouvernement dirigé par un Premier ministre LR, le camp présidentiel s’étrangle. Mais le discours du nouveau « premier flic de France » n’a rien de nouveau ni de surprenant. Pendant l’examen de la loi immigration, le chef des sénateurs LR défendait déjà des mesures copiées-collées sur celles du Rassemblement national. Et au-delà de Bruno Retailleau, ce sont les cadres des Républicains dans leur ensemble qui ont multiplié les emprunts à l’extrême droite ces dernières années.
En pleine campagne présidentielle, Valérie Pécresse évoquait ainsi les « Français de papier » et le concept du « grand remplacement », théorie infondée mais socle de l’extrême droite européenne. Enfin, impossible de ne pas mentionner Éric Ciotti, ex-président de LR et qui est allé jusqu’à former une alliance avec le Rassemblement national lors des législatives de juin. Autant de signes (flagrants) de la proximité entre l’ex-UMP et l’extrême droite… que la Macronie a choisi de ne pas voir, au point de privilégier l’alliance LR dans le cadre de la constitution du gouvernement Barnier. Un peu tard pour s’en rendre compte.
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