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Hygiène intime : et si vous nous lâchiez avec les savons intimes qui ne servent à rien ?

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Le savon intime fait généralement plus de mal que de bien. © Getty Images

A la télévision, dans les magazines féminins, sur les réseaux sociaux : les publicités pour les produits d'hygiène intime sont partout. Ils promettent de "rééquilibrer le pH du vagin", d'assurer une toilette intime en douceur, en particulier pendant les règles, mais aussi tout au long de l'année. Résultat, bon nombre de personnes ont développé une véritable hantise à l'idée que leur vulve dégage une odeur désagréable. Cela se traduit par une utilisation abusive de produits qui ne servent en réalité pas à grand-chose. En cette journée mondiale de l'hygiène menstruelle du 28 mai 2022, il serait temps de dégommer ce mythe.

La première fois que j'ai entendu dire que le vagin était auto-nettoyant, je devais avoir bien plus de 25 ans. C'était dans une vidéo réalisée par Masha Sexplique, créatrice de contenu et spécialiste de l'intime. Et sur le coup, je me rappelle avoir levé un sourcil interrogateur. Comment ça, "auto-nettoyant" ? Biberonnée aux publicités pour des nettoyants intimes, aux histoires de douchette vaginale et née dans une génération où les cours d'éducation sexuelle se résument à "Prenez la pilule pour ne pas tomber enceinte", je suis tombée de haut. Et je ne suis probablement pas la seule.

Il suffit de voir le nombre de commentaires offusqués à chaque fois qu'une personne (femme ou assignée femme à la naissance) affirme que le vagin n'a pas besoin d'être lavé pour voir fleurir de charmants commentaires, dont les plus polis clament : "Elle doit avoir la chatte qui pue". Charmant.

Non, il ne faut pas se nettoyer le vagin

Avoir un vagin auto-nettoyant, qu'est-ce que ça signifie, au juste ? Eh bien, cela veut dire que rien n'a été pensé au hasard dans notre organisme, même si cette partie de l'anatomie est bien souvent oubliée dans nos cours de biologie. La flore vaginale microbienne est en effet composée à 60% de bonnes bactéries (qui s'appellent les lactobacilles), dont le rôle est de protéger le vagin des agressions extérieures. Par ailleurs, au niveau du col de l'utérus, se trouvent des glandes qui sécrètent du mucus : les fameuses pertes qui peuvent prendre différentes couleurs et consistances selon la santé de votre intimité, et la période de votre cycle menstruel. Le but de ces pertes est d'entraîner sur leur passage toutes les impuretés qui doivent être évacuées du vagin, pour le nettoyer.

Voilà, pas besoin de se savonner l'intérieur du vagin pour le récurer. A ce sujet, les spécialistes sont formels, et leurs recommandations sont même affichées sur le site de l'Assurance Maladie : "Ne savonnez pas l’intérieur du vagin et ne prenez pas de douches vaginales (qui détruisent la flore et favorisent ainsi la survenue d’infections comme les mycoses vaginales)." Une bonne toilette intime, c'est du savon sur le pubis et le haut des cuisses, ainsi qu'entre les fesses, de l'eau claire sur la vulve, et c'est tout.

L'odeur est un signal d'alerte

Depuis toujours, le sexe féminin est associé à toutes sortes de choses peu glamour, et en règle générale, il est considéré comme "sale" à plusieurs niveaux. Le fait qu'il soit constitué de muqueuses visibles, contrairement au pénis qui a un aspect "chair", le lien avec les règles, encore trop souvent considérées comme sales également, sans oublier les pertes intimes mais aussi la cyprine : le vagin est un véritable écosystème, et comme tout écosystème, il a une odeur. Et c'est normal ! Tous les sexes ont une odeur différente, quel que soit le genre de la personne, et cette odeur est un signal d'alerte.

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Si vous avez des pertes ou une odeur intime plus prenante que d'habitude, c'est généralement un signal envoyé par votre organisme pour vous dire : "Attention, il y a quelque chose qui ne va pas." Cela peut être le signe d'une IST (infection sexuellement transmissible), d'une infection urinaire ou encore d'une mycose. Et dans cette situation, la solution ne sera JAMAIS un nettoyant intime, mais un traitement médical, soit sur ordonnance d'un·e médecin ou d'un·e gynéco, soit sur recommandation de votre pharmacien·ne.

La toilette intime, un business juteux

Si le vagin est auto-nettoyant, pourquoi les produits d'hygiène intime pullulent-ils dans les rayonnages ? Malheureusement, parce que ces nettoyants surfent sur les mythes autour du manque d'hygiène du sexe féminin et sur la peur d'avoir une odeur intime trop marquée. Ces marques se targuent de proposer des produits qui "assurent la propreté vulvo-vaginale" sans "perturber la flore intime", contrairement au savon standard ou aux gels douche qui sont "en général trop agressifs pour la région vulvo-vaginale." Un bon moyen de culpabiliser les personnes dotées d'une vulve, et de gagner beaucoup d'argent avec des produits qui peuvent faire plus de mal que de bien.

Dans une étude publiée dans le journal BMC Women’s Health, des chercheurs ont conclu que les femmes qui utilisent des nettoyants intimes sont 3,5 fois plus susceptibles de souffrir d’une infection bactérienne et 2,5 plus susceptibles de développer une infection urinaire. Au même titre, celles qui utilisent des désinfectants sous la forme de gel sont huit fois plus susceptibles de souffrir de mycoses, et près de 20 fois plus susceptibles de souffrir d’une infection bactérienne, et celles qui utilisent des lingettes féminines sont deux fois plus susceptibles de souffrir d’une infection urinaire. S'ils précisent qu'il est difficile de déterminer si ce sont les produits en question qui entraînent des infections ou si les femmes utilisent ces produits afin de régler leurs problèmes vaginaux. Mais toujours est-il qu'il y a un lien entre l'utilisation de nettoyants intimes et la présence de problèmes intimes.

D'ailleurs, dans les colonnes de Marie Claire, le médecin infectiologue Jean-Marc Bohbot précisait : "Tous ces gestes et produits chimiques risquent de fragiliser les muqueuses et de bloquer des sécrétions naturelles. La vulve, dans la mesure où c’est un pli, doit nécessairement rester humide. Il y a une lubrification et une hydratation naturelle qui permet d’éviter bon nombre de désagréments. Les parfums sont allergisants et sur une peau fragile comme celle de la vulve, ils peuvent provoquer de graves irritations."

Les bons gestes pour prendre soin de son vagin

Pour avoir un vagin en bonne santé, pas question de le récurer ou de suivre les différentes astuces à la mode qui préconisent le sauna vaginal, le bicarbonate de soude ou encore les huiles essentielles pour bien le nettoyer. Votre vagin se débrouille très bien tout seul, et toute intervention extérieure non-recommandée par un·e professionnel·le de santé risque de déséquilibrer la flore vaginale, et donc de créer des problèmes. On le rappelle donc : de l'eau sur la vulve, un savon doux sur le pubis, les cuisses et les fesses, et rien dans le vagin.

Pour aller plus loin, vous pouvez également miser sur des sous-vêtements en coton à changer au quotidien, éviter les vêtements serrés et les matières synthétiques. Et surtout, en cas d'odeur surprenante, n'hésitez pas à consulter. Un vagin ne doit sentir ni la fraise ni le savon, mais avoir une odeur légèrement musquée, naturelle. Si ce n'est pas le cas, une consultation s'impose pour déterminer l'origine du problème, et sa solution.

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