De Hugo à Barbara en passant par Renaud Camus: les références hétéroclites de Zemmour dans son clip

Le discours d'annonce de candidature à l'élection présidentielle du polémiste Éric Zemmour le 30 novembre 2021.  - Thomas Samson / AFP
Le discours d'annonce de candidature à l'élection présidentielle du polémiste Éric Zemmour le 30 novembre 2021. - Thomas Samson / AFP

Dans sa vidéo de candidature à la présidentielle, entrecoupée d'images de violences en France ou d'archives historiques, Éric Zemmour esquisse un projet présidentiel. Pour appuyer sa démonstration, il multiplie les très nombreuses références, à la fois contemporaines pour dénoncer "un sentiment de dépossession", tout en s'appuyant également sur les clichés de la France d'antan, "que l'on cherche partout avec désespoir."

Sa vidéo commence d'abord sur un constat très sombre: celui d'un "sentiment (qui) vous étreint, vous oppresse, vous hante: la dépossession". Pendant que le polémiste lit son texte pendant une dizaine de minutes, des images défilent.

L'actualité pour illustrer ses propos déclinistes

Les toutes premières sont celles de tirs de mortiers dans un parc à Paris en fin de journée l'été dernier alors que des enfants étaient en train d'y jouer. Puis les affiches de la campagne de communication du Conseil de l'Europe mettant à l'honneur le port du hijab, finalement retirée sur demande de la France, apparaissent, à peine vingt secondes après le début de la vidéo.

Avant de laisser la place à d'autres tirs de mortiers sur le commissariat de Champigny en octobre dernier, faisant dire à l'ancien journaliste du Figaro que "longtemps vous avez cru être le seul à voir, à entendre, à penser, à craindre. Vous avez eu peur de le dire, vous avez eu honte de vos impressions. Longtemps, vous n’avez pas osé dire ce que vous voyiez, et surtout vous n’avez pas osé voir ce que vous voyiez".

Elles sont suivies par celles de policiers agressés en mai 2016 à Paris puis l'évacuation musclée de tentes de migrants place de la République en novembre 2020.

Le polémiste propose ensuite de "cesser de livrer nos enfants aux expériences (...) des Docteur Folamour des théories du genre et de l’islamo-gauchisme. Pendant ses propos, on voit des images des Femen en train de manifester en 2020.

"On a sous les yeux les images d'une France à feu et à sang, très proche de celle que Houellebecq décrit dans ses livres, entre des femmes voilées et des Femen seins nus dans la rue", analyse le communicant Philippe Moreau-Chevrolet pour BFMTV.com.

Les arts pour montrer une France qui n'existerait plus

Le polémiste qui aime se mettre en scène comme un intellectuel s'appuie également sur de très nombreuses références culturelles, souvent proches de l'image d'Epinal.

Alors que pendant toute la vidéo, on peut entendre le second mouvement de la Septième symphonie de Beethoven, le candidat, pour développer ses références culturelles, commence par s'appuyer sur des images de Jeanne d'Arc, le film de Luc Besson, avant de décliner une sorte de Panthéon personnel.

"Vous vous souvenez du pays que vous retrouvez dans les films ou dans les livres; le pays de Jeanne d’Arc et de Louis XIV, le pays de Bonaparte et du général de Gaulle; le pays des chevaliers et des gentes dames; le pays de Victor Hugo et de Chateaubriand", explique-t-il, sur fond d'images en noir et blanc, montrant notamment des extraits des Mémoires d'outre-tombe.

Avant d'aller sur le terrain des arts et d'évoquer "le pays de Gabin et de Delon, de Brigitte Bardot et de Belmondo; de Johnny et d’Aznavour, de Brassens et de Barbara; des films de Sautet et de Verneuil", photo à l'appui de ces chanteurs. Défilent ensuite notamment des extraits des Choses de la vie de Claude Sautet, du Quai des brumes de Michel Carnet ou encore Le voyage dans la lune de Georges Méliès.

Autant de symboles français qui font dire à l'écrivain que "le pays que vous cherchez partout avec désespoir, dont vos enfants ont la nostalgie sans même l’avoir connu, ce pays que vous chérissez… est en train de disparaître".

"Toutes ces références mettent en scène une image de la France éternelle fantasmée dans laquelle on était forcément plus heureux, avec des oeuvres connues principalment des plus de 50 ans. D'une certaine façon, il raconte son enfance par ces oeuvres et regrette sa jeunesse qui ne reviendra pas", décrypte Émilie Zapalski, conseillère en communication pour BFMTV.com.

Des figures de la campagne présidentielle pour justifier sa candidature

Enfin, Éric Zemmour s'est fortement appuyé sur des figures politiques pour construire sa vidéo, d'abord dans une référence directe à Charles de Gaulle. Installé derrière un imposant micro, les yeux rivés sur son texte tout au long de la vidéo, la mise en scène ressemble fortement à l'appel du 18 juin 1940.

L'écrivain multiplie aussi les images de ses adversaires, qu'il considère eux, comme des contre-modèles. Sans jamais prononcer leur nom, il s'attaque sévèrement à Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Michel Barnier. Pendant la diffusion d'extraits d'interviews des candidats au congrès LR, l'ancien éditorialiste explique avoir "compris qu'aucun politicien n'aurait le courage de sauver le pays du destin tragique qui l'attendait".

"J'ai surtout compris que ces prétendus compétents étaient surtout des impuissants, que Macron qui s'était présenté comme un homme neuf était en vérité la synthèse de ses deux prédécesseurs en pire (...) Droite ou gauche, ils vous ont menti", continue l'ex-chroniqueur.

"J'ai compris que, dans tous les partis, ils se contenteraient de réformettes alors que le temps presse. Il n'est plus de temps de réformer la France mais de la sauver", ajoute encore le candidat pendant que des images de Yannick Jadot, Anne Hidalgo et Emmanuel Macron défilent.

Le polémiste ne manque pas non plus d'utiliser la photo d'Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. Elle lui permet d'expliquer "devoir reconquérir notre souveraineté, abandonnée aux technocrates qui ont dépouillé le peuple français de sa capacité à décider de son sort, au nom des chimères d’une Europe qui ne sera jamais une nation."

"Ses critiques politiques sont presque proches de la parodie. Il attaque les autres candidats sans jamais rien proposer et tombe à chaque fois dans les clichés", estime Émilie Zapalski.

Des classiques de l'extrême droite

Le polémiste utilise également de nombreuses références du débat politique de la droite. "Vous vous sentez étrangers dans votre propre pays. Vous êtes des exilés de l’intérieur", avance-t-il. Cette expression fait référence à Roland Jaccard. Cet écrivain, journaliste et psychologue suisse s'est suicidé le 20 septembre dernier à Paris.

Dans une ultime note de son blog, l'intellectuel écrivait qu'il n'avait "jamais caché (sa) sympathie pour Éric Zemmour", inquiet que ses "efforts à relever la France du pétrin où elle se trouve" ne soient "voués à l'échec".

Éric Zemmour estime également que "les politiques ont caché la réalité de ce remplacement", une référence à la notion très controversée de grand remplacement inventée par l'écrivain d'extrême droite, Renaud Camus.

"Ces références sont du Zemmour pur jus. Très loin de lui permettre d'élargir son électorat, il utilise toujours les mêmes références, très marquées politiquement", décrypte Emilie Zapalski.

Le désormais candidat sera ce mardi soir au 20-Heures de TF1, avant son premier meeting de campagne au Zénith, le 5 décembre prochain.

Article original publié sur BFMTV.com