"Un homme d'honneur", "entier"... Après ses bras d'honneur, le gouvernement au secours d'Éric Dupond-Moretti
Ce doit être une question de point de vue. Le double geste injurieux exécuté par Éric Dupond-Moretti après que le patron des députés LR l'a interpellé dans l'hémicycle mardi a provoqué la colère de l'opposition comme de la majorité. Mais au lendemain de l'incident, le gouvernement assure qu'il faut voir dans ces deux bras d'honneur l'émotion d'un "homme entier", ou justement d'un "homme d'honneur". C'est du moins la ligne qu'ont défendue ce mercredi matin trois des collègues du garde des Sceaux.
"C'est quelqu'un d'entier, Éric Dupond-Moretti", a ainsi avancé Gabriel Attal, ministre délégué aux Comptes publics, sur BFMTV.
"Il s'est excusé"
Olivier Marleix, député élu en Eure-et-Loir et président du groupe LR à l'Assemblée nationale, était en train d'évoquer les mises en examen de plusieurs membres du gouvernement, au rang desquels figure Éric Dupond-Moretti, lorsque ce dernier a perdu son calme. "Il a été attaqué personnellement sur la présomption d'innocence par un député, en tout cas il l'a vécu comme tel", a renforcé Gabriel Attal qui a fait valoir une nuance ténue, affirmant que le garde des Sceaux s'était contenté de "mimer un bras d'honneur". Et ce, non pas à l'égard de son interlocuteur donc, mais pour souligner une entorse à ladite présomption d'innocence.
Telle a d'ailleurs été l'explication fournie dès mardi par l'intéressé au moment de présenter des excuses à la représentation nationale pour son écart. Faut-il pour autant le croire? "Je crois Éric Dupond Moretti mais ça ne veut pas dire que je considère que c'est bien", a commenté Gabriel Attal, ajoutant plus tard: "Je ne suis pas là à excuser, à dire que ça n'est pas grave, que ce n'est pas une erreur."
L'affaire fait en tout cas désordre alors que l'exécutif traverse de grandes difficultés face à une opinion largement hostile à son projet de réforme des retraites, et après qu'il a brocardé le comportement des parlementaires Nupes au Palais-Bourbon. "Ce type d'incidents évidemment on s'en passerait, je ne vais pas vous mentir, vous dire autre chose", a admis le ministre des Comptes publics qui a tenté d'évacuer: "Maintenant il s'est expliqué, il s'est excusé donc justement on peut passer à autre chose".
Un ministre "très engagé"
Pour autant, la sortie de route a servi de fil rouge à toutes les matinales politiques du jour. Obligeant d'autres ministres à employer les mêmes éléments de langage. Car Olivier Véran, ministre du Renouveau démocratique et porte-parole du gouvernement, a lui aussi estimé qu'il fallait placer le dérapage de son collègue au débit de son caractère, et de sa bonne foi.
"Vous le connaissez, c’est un homme entier, un homme d’honneur qui se bat pour le droit des victimes et qui reconnaît la liberté de pouvoir se défendre et notamment la présomption d’innocence", a-t-il lancé sur RTL.
"C'est quelqu'un de très engagé dans tout ce qu'il fait pour les autres et parfois pour lui-même", a-t-il insisté sur le même registre.
Olivier Véran a préféré rappeler que le ministre avait fait amende honorable après ses bras d'honneur: "Il s’est excusé deux fois - il était important qu'il le fasse -, il a expliqué que son geste ne ciblait pas le député, qu'il ne le ferait plus, et les débats ont pu reprendre à l’Assemblée nationale."
"Il faut qu’on soit tous absolument exemplaires. Il faut qu'on se tienne et qu'on se comporte encore mieux", a-t-il toutefois concédé.
Un risque politique?
Le ministre des Transports Clément Beaune a renvoyé un écho similaire, au même moment, sur LCI: "C'est la question de nos comportements collectifs, il faut toujours être vigilant dans les mots et les gestes". "C'est un geste qui n'a évidemment pas sa place dans l'Hémicycle en particulier, et le garde des Sceaux a d'ailleurs présenté ses excuses, je pense que c'était nécessaire", a-t-il encore jugé.
"Nécessaire", on peut le dire car le geste est d'autant plus malheureux qu'il menace de corser les relations du gouvernement avec la droite. Une droite sur laquelle il mise grandement pour faire adopter son projet de réforme des retraites. Mais Olivier Véran en est certain, "il n’y a pas de brouille" entre le pouvoir et "Les Républicains".
"Il ne faut pas mélanger la politique avec un geste inadapté dans un contexte particulier", a-t-il soutenu.
"Ce que je note, c'est que cette nuit, la majorité sénatoriale a adopté elle-même un article qui permet de montrer vraiment sa détermination à voter le texte car il s'agit de l'article qui reporte de deux ans l'âge de départ à la retraite", s'est-il félicité.