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Hollande promet de maintenir la pression pour les éleveurs

BORMES-LES-MIMOSAS, Var (Reuters) - François Hollande a promis lundi de maintenir "la pression" pour que des prix décents soient garantis aux éleveurs français, qui ont poursuivi leurs actions, à la grande colère des producteurs allemands et espagnols ulcérés par leur concurrence "déloyale". Des accords sur le relèvement des prix du boeuf, du porc et du lait ont été conclus la semaine dernière et le gouvernement a annoncé un plan qui déclenchera un soutien pouvant aller jusqu'à 1,1 milliard d'euros, notamment pour l'allègement de la dette des éleveurs confrontés à une crise protéiforme. "Le ministre de l’agriculture a fait en sorte que nous puissions faire la pression nécessaire sur les distributeurs, les transformateurs, sur les abatteurs", a dit François Hollande lors d'un déplacement à Bormes-les-Mimosas (Var). "Nous avons des prix a relever et je pense que cela fait partie de ce que les consommateurs doivent comprendre." Il a réitéré l'appel à "manger français", s'engageant à ce que l'Etat applique ce slogan dans la restauration collective publique, et rappelé qu'un conseil des ministres européens de l'Agriculture se réunirait le 7 septembre pour débattre des demandes françaises, notamment de relèvement des prix du lait. "D’ici-là, nous continuerons la pression, et que les agriculteurs soient sûrs, actions ou pas actions, que nous sommes à leurs côtés", a conclu le président français. Selon la Fédération nationale de l'industrie laitière, la Commission européenne a commencé lundi à acheter de la poudre de lait pour retirer des excédents du marché dans l'espoir de faire remonter les cours, un geste salué par la Fnil qui l'a toutefois jugé insuffisant pour soutenir les prix. Sur le terrain, la mobilisation ne faiblit pas. Environ 400 tracteurs ont envahi lundi matin l’autoroute A81 entre Vaiges (Mayenne) et le péage de la Gravelle (Mayenne), répondant à un appel de la FDSEA locale. POIDS LOURDS CONTRÔLÉS Un millier de manifestants et 500 tracteurs ont ensuite bloqué les accès du siège du groupe Lactalis, leader mondial des produits laitiers, à Laval. "Les 600 millions d’aides annoncées la semaine dernière par le ministre de l’agriculture ne représentent pas grand-chose quand on sait que le manque à gagner pour la production agricole dans le seul département de la Manche sera de 200 millions en 2015", a dit à Reuters Sébastien Amand, président de la FDSEA de ce département. "Le compte n’y est pas." "Ce ne sont pas des aides qu’on veut mais un prix rémunérateur et moins de normes", a déclaré à Reuters Arnaud Pottier, 36 ans, producteur de lait en Mayenne qui met en cause l’importation de produits étrangers en France. A Laval, un camion frigorifique immatriculé en Espagne a été vidé en quelques minutes de sa cargaison de croque-monsieurs. Des remorques remplies de gravats et de fumier ont été vidées près des bâtiments de Lactalis, mais les agriculteurs ont ensuite regagné leurs exploitations dans le calme. Dans le Bas-Rhin, de 250 à 300 camions étrangers transportant des denrées alimentaires ont été bloqués à la frontière franco-allemande entre dimanche soir et lundi midi par les agriculteurs qui avaient mis en place des barrages filtrants sur six points de passage, a annoncé la FDSEA. Aucun incident n’a été constaté et les barrages ont été levés après une entrevue à la préfecture. "On veut montrer qu’on est des Européens convaincus à condition qu’on n’ait pas de distorsion de concurrence sur nos exploitations. Il n’est pas acceptable qu’en Allemagne, on travaille moins cher, il n’est pas acceptable qu’ils soient moins taxés que nous", a dit Franck Sander, président de la FDSEA du Bas-Rhin, dans une déclaration sur le pont de l’Europe, entre Strasbourg et la ville allemande de Kehl. COLÈRE ESPAGNOLE ET ALLEMANDE Parmi les découvertes faites au fil des contrôles, des carcasses animales abattues par les abattoirs allemands situés de l’autre côté de la frontière mais aussi du persil allemand dans des cagettes sans étiquette sérigraphiées "Prince de Bretagne" et destinées à un grossiste strasbourgeois. Au Pont de l’Europe où une centaine d’agriculteurs étaient présents, Reuters a assisté au contrôle d’un camion espagnol venant d’Allemagne et transportant du jambon "Saint-Alby" dont seule une inspection minutieuse révélait l’origine germanique. "On met un petit nom français pour faire bien et derrière, on ne sait pas ce qu’on a", a commenté Jérémy Lux, qui travaille sur l’élevage de porcs familial à Schnersheim (Bas-Rhin). Ces actions commencent à irriter les éleveurs des autres pays de l'Union européenne, dont les productions sont achetées bien moins cher encore que celles de leurs homologues français. "Nous, les Espagnols, voulons la même chose que les Français : des prix décents pour nos produits", peut-on lire dans un communiqué du syndicat UPA, qui n'exclut pas un boycott des produits d'élevage français. Le syndicat des producteurs laitiers allemand (MIV) juge dans un communiqué les actions françaises "inacceptables" en ce qu'elles mettraient en danger le marché unique, et ont demandé à la Commission européenne de les soutenir contre la "concurrence déloyale" de leurs homologues français. (Yves Clarisse, avec Jean-François Rosnoblet à Marseille, Pierre-Henri Allain à Laval et Gilbert Reilhac à Strasbourg, Tracy Rucinski à Madrid et Sybille de la Hamaide, édité par Yves Clarisse)