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Hollande et Merkel mis au défi de parler d'une seule voix

François Hollande et Angela Merkel vont tenter lundi de parler d'une seule voix sur les moyens de conserver la Grèce dans la zone euro malgré la fracture des opinions des deux pays qui s'accentue encore après la victoire du "non" au référendum. /Photo prise le 1er juin 2015/REUTERS/Hannibal Hanschke

par Julien Ponthus et Emmanuel Jarry PARIS (Reuters) - La France et l'Allemagne sont une nouvelle fois condamnées à s'entendre pour tenter d'éviter une sortie de la Grèce de la zone euro, au lendemain du "non" massif des Grecs à un plan "aide financière contre réformes" proposé par leurs créanciers. L'issue de la crise dépend dans une large mesure de ce que fera le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, de sa "victoire" et des propositions qu'il présentera mardi à un sommet de la zone euro de la dernière chance réuni à la demande de Paris et Berlin, estiment dirigeants politiques européens et analystes. Mais "la France et l'Allemagne (...) sont les deux premiers copropriétaires de l'euro et il est vital qu'elles continuent à parler d'une seule voix", a déclaré à Reuters l'ex-commissaire européen Michel Barnier. "C'est ce que j'attends de la rencontre entre Angela Merkel et François Hollande" lundi soir. La chancelière et le président, qui se sont entretenus au téléphone dimanche soir, ont décidé que leur première prise de parole publique sur les conséquences du vote grec n'aurait lieu qu'après leur réunion de travail à l'Elysée lundi. Angela Merkel et François Hollande "s'entendent mieux qu'on ne le croit ou qu'on ne le dit", assure Michel Barnier. La victoire du "non" au référendum grec semble cependant avoir accentué les divergences entre les opinions publiques des deux pays, dont les deux dirigeants doivent aussi tenir compte. La crise grecque a en outre une nouvelle fois mis l'accent sur les différences de culture et de vision des deux pays. Les Allemands, ministre des Finances Wolfgang Schäuble en tête, privilégient une vision économique et financière pouvant éventuellement s'accommoder d'une sortie de la Grèce de l'euro, quand les Français prennent également en compte la dimension géopolitique d'une crise aux conséquences imprévisibles. "Si le chaos s'installe dans ce pays, cela aura des conséquences pour la Grèce mais aussi pour les Balkans et pour l'ensemble de l'Union européenne", souligne le directeur de l'Institut Jacques Delors, Yves Bertoncini. "Il faut faire la synthèse de ces deux regards et du coup la réunion de ce soir va être absolument décisive", ajoute-t-il. "BASES D'UN DIALOGUE" François Hollande avait pris mercredi le contre-pied de Berlin en plaidant pour un accord "tout de suite" sous peine de plonger la zone euro "dans le vide". Angela Merkel n'entendait reprendre les discussions avec Athènes qu'après le référendum. Les premières réactions au vote grec montrent combien ce dossier est perçu différemment de part et d'autre du Rhin. "Tsipras a coupé les derniers ponts par lesquels la Grèce et l'Europe auraient pu s'acheminer vers un compromis", a estimé dimanche le ministre allemand de l'Economie, Sigmar Gabriel, un social-démocrate qui a rejoint ainsi la droite de son pays. Le ministre français des Finances, Michel Sapin, a exprimé lundi une position plus prudente. "Il y a sur la table les bases d'un dialogue", a-t-il dit, estimant qu'il appartenait aux Grecs de faire des propositions. Le "non" grec est vu avec une certaine sympathie en France, notamment dans l'aile gauche du Parti socialiste, chez les écologistes et aux deux extrêmes de l'échiquier politique. Ce qui n'exclut pas une vive exaspération des responsables français face aux méthodes de négociation du parti Syriza au pouvoir à Athènes, et même d'une opinion fatiguée de financer la Grèce à perte, selon un récent sondage. Ce qui la rapprocherait en fait de l'opinion allemande et de la majeure partie des pays de l'Union européenne, les plus pauvres compris. La chancelière allemande s'efforce pour sa part de jouer un rôle de modératrice auprès des "faucons" de son gouvernement et des milieux patronaux excédés par le gouvernement grec. François Hollande s'efforcera d'obtenir d'elle les bases d'un compromis équilibré entre promesse de réformes et ouverture de perspectives pour la restructuration de la dette grecque, estime la députée socialiste Elisabeth Guigou. "Je ne pense pas que les Allemands seront totalement fermés à toute idée de restructuration de la dette", a dit à Reuters la présidente de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée. "Ce qui sera très difficile à obtenir de leur part, c'est un troisième plan d'aide" à la Grèce. Un plan sur lequel l'Espagne est pour sa part prête à ouvrir des discussions, selon son ministre de l'Economie. (Avec Robert Muller et Andreas Rinke, édité par Yves Clarisse)