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Hollande entendu dans l'affaire des journalistes tués au Mali

François Hollande a été entendu en tant que témoin dans l'enquête sur l'assassinat de deux journalistes de Radio France Internationale (RFI) en 2013 au Mali, a-t-on appris lundi dans l'entourage de l'ancien président. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau

PARIS (Reuters) - François Hollande a été entendu en tant que témoin dans l'enquête sur l'assassinat de deux journalistes de Radio France Internationale (RFI) en 2013 au Mali, a-t-on appris lundi dans l'entourage de l'ancien président.

"Il a été entendu en tant que témoin à la demande des familles", a précisé cette source, confirmant une information de France 24. L'audition a eu lieu le 11 janvier.

L'ancien patron de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) française, Bernard Bajolet, avait été entendu en décembre par le même juge d'instruction, également à la demande des familles des deux journalistes.

L'un et l'autre ont notamment été interrogés sur l'existence d'une écoute entre un commanditaire présumé et un ravisseur de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, enlevés puis tués par balles en novembre 2013 dans la région de Kidal, dans le nord du Mali.

Les deux journalistes venaient alors de réaliser une interview avec un représentant des rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).

François Hollande avait fait état à l'époque, devant un autre journaliste, dont le témoignage a été versé au dossier, d'une conversation interceptée dans laquelle le commanditaire présumé reprochait à un ravisseur d'avoir mal rempli sa "mission" et d'avoir, en substance, "gâché la marchandise".

Bernard Bajolet avait confirmé ultérieurement au même journaliste de RFI et à deux confrères l'existence de cette écoute et de son contenu, ce qui a aussi été versé au dossier, selon des sources proches des familles des victimes.

Mais lors de leur audition par le juge, ils sont revenus sur leurs propos, dit-on de mêmes sources. L'ancien chef de l'Etat a ainsi dit ne pas s'en souvenir et l'ex-patron de la DGSE a catégoriquement nié l'existence de l'écoute, précisent-elles.

ZONES D'OMBRES

"On a vraiment le sentiment qu'on nous prend pour des imbéciles (...) C'est insupportable parce que ça fait cinq ans que ça dure", a dit à Reuters le porte-parole de l'Association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, Pierre-Yves Schneider. "On est très surpris qu'à la fois François Hollande et Bernard Bajolet ne se souviennent de rien."

Les proches des deux journalistes et leur avocate, Marie Dosé, s'interrogent sur une éventuelle volonté de dissimulation de François Hollande et Bernard Bajolet, dans un dossier où les zones d'ombre foisonnent.

"On a deux hypothèses", commente Pierre-Yves Schneider : "Soit il s'agit d'une écoute faite par les services américains (et qui avait donc vocation à rester secrète) (...), soit le contenu de l'écoute est explosif et l'un des deux interlocuteurs ne doit pas apparaître dans le dossier ou la conversation révèle une information qui doit rester cachée."

Dans son livre d'entretiens avec deux journalistes du Monde, "Un président ne devrait jamais dire ça", François Hollande a notamment confié que les ravisseurs des deux journalistes de RFI étaient "sans doute" les mêmes que ceux de Serge Lazarevic et Philippe Verdon, enlevé en novembre 2011 dans le nord du Mali.

Le premier a été libéré en décembre 2014, alors que le second a été exécuté par ses ravisseurs.

L'ancien ministre de la Défense de François Hollande, Jean-Yves Le Drian, aujourd'hui ministre des Affaires étrangères, avait pour sa part estimé que Ghislaine Dupont et Claude Verlon avaient pu être "trahis", sans en dire plus.

(Elizabeth Pineau et Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)