Histoires vraies, science-fiction, récits féministes… les BD à ne pas manquer à la rentrée

Les BD de la rentrée - Futuropolis - Ca et là - Dargaud - Atrabile- Glénat - Akata
Les BD de la rentrée - Futuropolis - Ca et là - Dargaud - Atrabile- Glénat - Akata

Comme à chaque rentrée littéraire, les librairies regorgent de nouveautés. Une situation qui n’a pas changé en cette année marquée par la pandémie de coronavirus.

Sont disponibles dans les bacs des BD aux histoires émouvantes ou envoûtantes destinées à faire oublier un présent parfois pesant et à faire entrer lecteurs et lectrices dans des univers imaginaires propices à l’évasion et à la réflexion.

Histoires vraies loufoques, SF politique ou poétique, récits féministes sensuels et révoltés… Voici les BD à ne pas manquer de cette rentrée littéraire.

Une Venise futuriste et fantasmée

Celestia de l’Italien Manuele Fior est un envoûtant récit aux multiples pistes de réflexion. Il suit deux télépathes, Pierrot et Dora, dans une Venise fantasmée et coupée du monde. Ils s’échappent de ce ghetto à ciel ouvert pour rejoindre le continent et y découvrir un monde aux architectures fabuleuses, où les anciens vivent repliés sur eux-mêmes, tandis que les jeunes s’activent pour la renaissance d’une societé qui court à sa perte. L’histoire, en résonance avec l’actualité, a été entièrement improvisée par Manuele Fior, dont le style est l’un des plus appréciés du milieu de la BD. Avec Célestia, il livre son album le plus ambitieux, et tente d’apporter une réponse aux défis que devra relever l’humanité dans le futur proche pour évoluer, ou du moins survivre.

Celestia, Manuele Fior, Atrabile, 272 pages, 30 euros.

Anaïs Nin, hors norme et transgressive

Célèbre pour ses journaux intimes rédigés pendant plusieurs décennies, la romancière Anaïs Nin (1903-1977) est l'une des premières femmes à publier des récits érotiques. Léonie Bischoff raconte dans une BD aux allures de conte surréaliste, fruit de huit ans de travail, la vie de cette personnalité hors norme qui à travers ses actes et ses écrits a passé sa vie à lutter contre les injonctions faites aux femmes. L’autrice déploie ainsi, pour permettre aux lecteurs de saisir toutes les transgressions de l'œuvre d'Anaïs Nin, un impressionnant style graphique qui tire de la symbolique des éléments (eau, astres) et des animaux (papillons) une grande sensualité.

Anaïs Nin. Sur la mer des mensonges, Léonie Bischoff, Casterman, 192 pages, 23,50 euros.

Un conte féministe

C’est une histoire terrible, d’autant plus terrible qu’elle est vraie. Radium Girls de Cy suit le destin dramatique d’un groupe de femmes américaines, engagées en 1918 pour peindre des cadrans de montres avec de la peinture de la marque Undark, dont la matière fluorescente brille dans l’obscurité. Les ouvrières avaient sur le corps, les dents et les ongles de cette substance en réalité mortelle qui contient du radium. Commencent alors pour elles un long martyr et une lente agonie. Les survivantes décident de se battre, mais leur lutte sera rapidement étouffée. Un siècle après, ces culottées oubliées ressuscitent le temps d’un album bouleversant, réalisé à l’aide de teintes pastels, qui permettent à Cy de restituer en un même trait l'insouciance de cette jeunesse sacrifiée et l’aura tragique, voire fantomatique de ces fugaces figures féministes.

Radium Girls, Cy, Glénat, 136 pages, 22 euros.

L'homme qui a dérobé le cerveau d'Einstein

Auteur fasciné par les destins hors normes et loufoques qui en disent long sur la folie humaine, Pierre-Henry Gomont s’est inspiré d’un authentique fait divers pour les besoins de sa nouvelle BD, La Fuite du cerveau. L’auteur retrace à grands renforts d’effets burlesques et de dialogues ciselés le vol du cerveau d’Albert Einstein en 1955 par le pathologiste Thomas Stoltz Harvey. À cela, Pierre-Henry Gomont ajoute une bonne dose de fantastique et de macabre, associant le temps d’une course-poursuite aux USA le voleur de cerveau à Albert Einstein lui-même, qui se promène le crâne trépané dissimulé par une chapka. Au-delà du fait divers, cet album au dessin d’une grande vivacité et à l’humour mordant dénonce la dégénérescence progressive du corps et de l’esprit.

La Fuite du cerveau, Pierre-Henry Gomont, Dargaud, 192 pages, 25 euros. Sortie le 18 septembre.

Une ode à la danse

Âgée de 29 ans, Maurane Mazars publie son premier album, Tanz!, qui était à l’origine son projet de diplôme à la Haute Ecole des Arts du Rhin à Strasbourg. Ce récit initiatique suit au début des années 1950, de Berlin à New York, le parcours d'Uli, danseur gay qui rêve de percer à Broadway. Il découvre aux États-Unis une scène artistique florissante, marquée par une liberté de ton salutaire. Uli assume ouvertement sa sexualité, et noue avec Anthony, un jeune danseur noir, une histoire d’amour que l’on devine rapidement impossible. L’album met en scène l’ambivalence d’une époque qui se rêve progressiste tout en se montrant plus répressive que les précédentes. Seule échappatoire au conservatisme ambiant, la danse est représentée dans de superbes aquarelles qui décomposent le mouvement des corps avec une sensualité et une vivacité étonnantes.

Tanz!, Maurane Mazars, Le Lombard, 248 pages, 19,99 euros.

Dans les coulisses d'un manga

La mangaka Akiko Higashimura, autrice de Princess Jellyfish et du Tigre des neiges, publie cette année en France une nouvelle série de cinq tomes primée au Japan Media Arts Festival et au Prix Manga Taishō. Intitulée Trait pour trait – Dessine et tais-toi! (Akata), elle se présente sous la forme d’une autobiographie à l’humour débridé. Akiko Higashimura y retrace depuis l’enfance jusqu’au début de l’âge adulte la naissance de sa vocation de mangaka et ses débuts dans le milieu - et se moque sans complexe des défauts de sa propre œuvre. L’autrice retranscrit dans ce rare témoignage le parcours du combattant pour devenir mangaka à travers la relation qui se noue entre l’héroïne et son professeur de dessin, un homme bourru et impitoyable prêt à tous les sacrifices pour voir ses élèves réussir.

Trait pour trait, Akiko Higashimura, Akata, 150 pages, 7,95 euros.

À ne pas manquer aussi

B.0 comme un Dieu. Après le succès l’an passé de Préférence système, fable de SF sur l’obsolescence programmée de la culture, Ugo Bienvenu signe pour la collection BD Cul de l’éditeur Les Requins Marteaux une troublante et sensuelle réflexion sur le désir des robots.

Kent State. L’Américain Derf Backderf retrace un des événements les plus marquants des années 1970, la mort de quatre étudiants lors d’une manifestation pacifique réprimée par la Garde nationale. Un récit glaçant, doublé d’une mise en garde contre la violence d’État.

Black Out. Hugues Micol et Loo Hui Phang explorent le racisme hollywoodien à travers la fausse biographie d’un acteur noir. Celui-ci, qui aurait joué dans les plus grands chefs d’œuvre du 7e Art, aurait été effacé de l'Histoire lors de la chasse aux sorcières du maccarthysme dans les années 1950...

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Article original publié sur BFMTV.com