Comment Hidalgo tente de défier Macron en proposant un confinement à Paris

Anne Hidalgo derrière Emmanuel Macron, lors d'une visite consacrée aux JO 2024, le 27 février 2018 - AFP / Ludovic Marin
Anne Hidalgo derrière Emmanuel Macron, lors d'une visite consacrée aux JO 2024, le 27 février 2018 - AFP / Ludovic Marin

À 14 mois de l'élection présidentielle, la crise sanitaire n'interdit plus de faire de la politique. C'est visiblement la règle qu'ont choisi d'observer Anne Hidalgo et son bras droit à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire. Ce dernier s'est exprimé jeudi soir en marge du point d'étape de Jean Castex sur l'épidémie de Covid-19, pour proposer un confinement de trois semaines dans la capitale.

Problème, Emmanuel Grégoire ne peut ignorer qu'à Paris, une telle option nécessiterait d'être étendue à toute l'Île-de-France, étant donné les flux permanents qui relient la capitale à ses départements limitrophes. Le premier adjoint d'Anne Hidalgo l'a admis sur BFMTV, laissant entendre qu'il "faudrait en discuter" avec la présidente du conseil régional, Valérie Pécresse. Laquelle n'est pas une friande du confinement au vu de ses conséquences économiques.

"Elle pense gagner sur tous les tableaux"

Au sommet de l'État, la macronie ne l'est pas davantage. Depuis qu'il a pris la décision fin janvier de ne pas reconfiner le pays entier, le gouvernement répète son mantra: gagner du temps. D'où le choix de tenir autant que possible avec des confinements locaux, comme dans les Alpes-Maritimes ou le Nord, bientôt peut-être la Moselle, où la circulation du virus est élevée et où les hôpitaux sont de plus en plus saturés.

Or l'annonce, ou plutôt "l'hypothèse" d'Emmanuel Grégoire, défend "la perspective de tout rouvrir" au bout de trois semaines de verrouillage. Y compris bars, restaurants et lieux culturels. Une véritable libération pour les Parisiens à l'issue d'un "effort très important". Si Emmanuel Macron venait à l'écarter, ce qui semble être l'option la plus vraisemblable, Anne Hidalgo aurait tout loisir d'invoquer sa volonté de tout essayer pour faire revivre une capitale rendue atone par le couvre-feu.

"Elle pense gagner sur tous les tableaux. Soit on confine et elle pourra dire qu’elle a pris la main et forcé la nôtre. Soit on ne confine pas et elle dira qu’on a des morts sur la conscience. Bref, ça va se voir", constate un macroniste parisien de premier plan, peu inquiet de la suite qui sera donnée à l'initiative.

Pour la maire de Paris, qui se prépare de plus en plus visiblement à une campagne présidentielle, c'est une occasion de se donner le beau rôle à peu de frais car la décision finale d'un confinement de la capitale, a fortiori de toute l'Île-de-France, ne dépend pas d'Anne Hidalgo. Ce qu'elle sait par ailleurs, d'où les précautions de langage d'Emmanuel Grégoire, qui sur Twitter parle de "dialogue large dans les jours à venir".

Lors d'un point presse ce vendredi, le bras droit a même pris soin déminer, se contentant de fustiger "la politique des demi-mesures" menée par l'exécutif et évoquant l'idée, si confinement il devait y avoir, d'un maintien de l'ouverture des écoles.

"Politique politicienne"

C'est précisément l'inverse que lui reprochent pourtant les maires d'arrondissement issus de l'opposition municipale, nombreux à avoir critiqué l'annonce surprise. Aussi bien sur la forme que sur le fond. L'édile du XVIIe, Geoffroy Boulard, a dénoncé sur notre antenne "l'absence d'échanges sur un sujet majeur".

"Le premier adjoint, il engage toute la métropole du Grand Paris, c'est-à-dire 7 millions d'habitants! (...) Je dénonce la méthode, je dis qu'on peut tout mettre sur la table, mais avec des éléments (...) scientifiques, de projection", a décrié le maire Les Républicains jeudi soir.

Ce vendredi, c'est la maire LR du XVe arrondissement, Agnès Evren, qui y est allée de sa riposte, rodée la veille sur Twitter.

"Personne ne doit faire de la politique politicienne sur le dos de la crise sanitaire. (...) La stratégie est à peine masquée: Mme Hidalgo a envoyé son premier adjoint pour se rendre compte, finalement, que si ça ne prend pas dans l'opinion, c'est elle qui pourrait 'remodérer' le propos. (...) Ce n'est pas à la hauteur des enjeux", a-t-elle dénoncé auprès de BFMTV.

"À étudier"

Même son de cloche à la gauche de la maire socialiste de la capitale. Sur BFM Paris ce vendredi, la conseillère municipale insoumise Danielle Simonnet a raillé une annonce faite "sans aucune concertation". Et de rappeler, comme Geoffroy Boulard, qu'il était inenvisageable d'appliquer un confinement à Paris sans inclure la métropole entière.

"Je conteste le fait que trois semaines, ça permettrait ensuite de pouvoir tout rouvrir et (...) vivre normalement, et le coronavirus disparaîtrait par enchantement (...) mais surtout je pense qu'il faut tout faire pour éviter les situations de confinement", a défendu l'ex-candidate LFI à la mairie.

Invité de la matinale de France Inter ce vendredi, Gabriel Attal a tenté d'éviter le piège. S'amusant du fait d'avoir pris connaissance de la mesure via Twitter, le porte-parole du gouvernement a affirmé que "toute proposition mérite d'être étudiée" et que celle-ci le serait "évidemment". Manière d'être en conformité avec la promesse de concertation faite par l'exécutif auprès des élus locaux.

Le silence de Hidalgo

Le ministre, élu à Vanves dans les Hauts-de-Seine, ne s'est toutefois pas retenu de décocher quelques flèches à Anne Hidalgo. "J’entends très peu, voire aucun scientifique, qui dise qu’en trois semaines on peut terrasser le virus et tout rouvrir", a-t-il raillé, évoquant par ailleurs l'Allemagne, où un confinement partiel est toujours en vigueur.

Autre rappel, celui de l'imbrication particulière entre Paris et le reste de la région. Gabriel Attal a insisté sur le fait que la proposition d'Emmanuel Grégoire devrait "se prendre aussi en concertation au niveau de la région. Il n’y a pas de no man’s land derrière le périphérique, il y a des mouvements importants entre les territoires".

La politique répondant à certains impératifs hiérarchiques, reste à savoir ce qu'en pense Anne Hidalgo elle-même. Depuis la sortie de son premier adjoint, la maire de Paris est restée silencieuse. La pédagogie de la mesure se fait attendre. Pour l'heure, aucun des tweets d'Emmanuel Grégoire n'a été relayé sur son compte. Un indice de ce qu'il s'agit avant tout d'un ballon d'essai pour l'édile socialiste.

Article original publié sur BFMTV.com