Le Havre - PSG : Streaming, IPTV… Le foot français toujours en guerre contre le piratage
FOOTBALL - C’est un « en même temps » aux airs de ligne de crête. Alors que la Ligue 1 reprend ce vendredi 16 août avec le déplacement du Paris Saint-Germain au Havre, ce n’est pas l’aspect sportif qui fait le plus parler ces temps-ci. Plutôt le montant prohibitif de l’abonnement à DAZN, nouveau diffuseur du championnat avec BeIN Sports, qui s’accompagne d’une lutte féroce menée en parallèle par les instances du foot français contre le piratage en tout genre.
Après un début d’été qui a vu Kylian Mbappé rejoindre le Real Madrid puis les Bleuets de Thierry Henry glaner une belle médaille d’argent aux Jeux olympiques, la reprise du football de clubs s’accompagne ainsi d’un méchant rappel à la réalité et d’une vaste grogne chez les supporters et passionnés.
Payer plus pour voir moins (et moins bien)
Pour avoir accès à tous les matches du championnat, il faudra débourser cette année au moins 45 euros mensuels : 29,99 pour DAZN avec un engagement de 12 mois (pour voir 8 matches par journée) plus 15 euros pour BeIN Sports (qui diffusera le neuvième match, souvent la plus belle affiche de la journée). Une somme conséquente à mettre en regard de l’offre à moins de 20 euros que proposait Téléfoot en 2020… qui n’a pas suffi à la chaîne éphémère de Mediapro pour durer plus de quelques mois.
Et encore, si le prix était la seule critique… Car depuis l’annonce (tardive) de l’identité du diffuseur de la Ligue 1 pour la saison 2024/25, les signaux d’alerte se multiplient. Dernier exemple en date : les publications de DAZN sur les réseaux sociaux. Pêle-mêle, on y retrouve un générique réalisé avec des images générées par intelligence artificielle sans aucune espèce d’âme, la promotion d’un match axée sur un joueur qui sera absent de la rencontre en question, des tweets qui parlent de « médians » plutôt que de « milieux de terrain » comme on le fait d’ordinaire dans la langue de Molière, laissant penser à une gestion des réseaux sous-traitée à l’étranger, et ainsi de suite.
🚨 OFFICIEL ! Voici le GÉNÉRIQUE de la Ligue 1 pour cette saison 2024-2025 ! 🇫🇷
🎥@Ligue1 pic.twitter.com/GJZlg6kgco— Actu Ligue 1 (@ActuL1_) August 12, 2024
On peut aussi évoquer la couverture largement dégradée annoncée par DAZN. Dans une logique de rentabilité, plus d’un match sur deux sera commenté par un seul journaliste sans consultant à ses côtés, il n’y aura plus d’émission bilan après chaque journée, pas de diffusion en très haute qualité d’image, pas de multiplex. Et cela sans même évoquer le fait que DAZN soit le premier acteur à ne proposer que la Ligue 1, sans aucune autre compétition d’ampleur pour enrichir son offre.
« @LFP, une bonne IPTV à me conseiller ? »
Résultat : depuis quelques jours, chaque publication sur les réseaux sociaux de la Ligue de Football professionnel (instance qui gère le championnat) a droit à une vague de réponses du même acabit, « @LFPfr, une bonne IPTV à me conseiller ? ». Les fans de foot font ainsi savoir avec ironie qu’ils ont bien l’intention de regarder la Ligue 1, mais en toute illégalité.
Derrière ces quatre lettres, se cache une technologie qui n’a au départ rien de spécifique au football. Il s’agit simplement d’un moyen de distribuer beaucoup de chaînes de télévision via Internet, comme le fait par exemple un fournisseur d’accès avec sa box. Mais chez les fans de foot, cela signifie surtout un accès illimité, très peu coûteux et illicite à des chaînes d’ordinaire payantes. En quelques clics et pour quelques dizaines d’euros par an, on obtient ainsi des milliers de chaînes du monde entier sur sa télévision connectée. Y compris DAZN et BeIN Sports.
Une menace qui s’ajoute à celle du streaming illégal. Depuis plus d’une décennie, et moyennant quelques minutes à fouiller Internet, on voit se multiplier les sites qui proposent des diffusions à partir d’internautes qui partagent leur propre écran ou relaient la version, russe, turque ou roumaine des matches. Et cela sans évoquer les VPN, qui permettent de faire croire que l’on est en Belgique ou au Brésil (où la Ligue 1 est diffusée gratuitement sur YouTube), et ainsi avoir accès à d’autres offres pour visionner à moindres frais le championnat de France.
Victoire judiciaire à la Pyrrhus pour la LFP ?
Autant de stratégies de contournement contre lesquelles la LFP (et avec elle DAZN) tente de lutter. Le 2 août, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné avant même le début de la saison le blocage de sites de streaming et de services IPTV, à la demande de la Ligue. Cette dernière pourra en outre saisir l’Arcom tout au long de l’année pour ajouter d’autres noms à la liste, à mesure que de nouveaux sites verront le jour. Une victoire pour la LFP, de façade du moins.
Le Président du Tribunal judiciaire de Paris a ordonné le blocage par les FAI français de l'accès à des sites de streaming en direct et à des services IPTV majeurs diffusant sans autorisation la @Ligue1 et la @Ligue2BKT.https://t.co/9Y9V3wqPyQ
— Ligue de Football Professionnel (@LFPfr) August 12, 2024
Car le risque est réel de voir la LFP engagée dans un jeu du chat et de la souris perdant pour elle face à des fraudeurs qui ont toujours réussi à innover entre recours aux VPN, clone des sites pour échapper aux mesures de censures ou inventivité des fournisseurs d’IPTV. Sans compter les moins téméraires qui ont tout simplement arrêté de suivre la Ligue 1.
Ainsi, entre le coût et la faiblesse de l’offre de DAZN, et cette lutte frénétique contre les accès pirates, la LFP risque avant tout de se retrouver avec une Ligue 1 dépourvue d’attractivité. Alors que le montant des droits télé a déjà plongé, si le sponsoring (les marques qui paient pour avoir de la visibilité en s’affichant sur les maillots de clubs par exemple) venait à en faire de même, le football français pourrait rapidement se retrouver face à un péril mortel. C’est le risque que sont en train de prendre les dirigeants du ballon rond.
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