"Un héros doit toujours savoir mourir": pourquoi Alain Delon adorait mourir au cinéma
Dans "Le Samouraï", "Le Cercle rouge" mais aussi "Monsieur Klein" ou encore "Deux Hommes dans la ville", les héros joués par Alain Delon ont souvent rencontré un destin tragique.
Avant de mourir, Alain Delon est mort des dizaines de fois au cinéma. Dans Le Samouraï, Le Cercle rouge mais aussi La Veuve Couderc, Monsieur Klein ou encore Deux Hommes dans la ville, Mort d'un pourri et L'Insoumis, les héros joués par Alain Delon ont souvent rencontré un destin tragique.
Interrogé en 2018 par Le Monde sur cet élément récurrent de ses films, Alain Delon avait répondu: "Oui, les gens me disaient tout le temps : 'On vous voit mourir dans tous vos films.' On me voit mourir, car je sais mourir. Un héros doit toujours savoir mourir. J'adorais mourir, car c'est un point final."
Alain Delon, qui "vivait" ses rôles, avait "une personnalité assez autodestructrice et à la recherche de sa propre identité", décryptait aussi Joseph Losey, le réalisateur de Monsieur Klein en 1976. "Il est une tragédie", écrivait encore le réalisateur dans une lettre à sa femme.
Au contact de la mort
Alain Delon a vécu au contact de la mort toute sa vie. Dans les colonnes du Monde, en 2018, il répétait à plusieurs reprises qu'il "aurait dû mourir à 23 ans, à Pigalle" avant de faire du cinéma. Fasciné par les milieux interlopes, il est d'ailleurs persuadé de mourir à son retour de la guerre d'Indochine "car (il est) un voyou".
Alain Delon adorait le film noir Quand la ville dort (1950) et en particulier sa fin, lorsque le truand tente de rentrer chez lui et meurt dans un champ, entouré par des chevaux. "La fin de Quand la ville dort est l'une des choses qui m’ont le plus bouleversé de ma vie. Cette fin… je me dis que je veux mourir comme ça. Je suis par terre et je pleure."
Alain Delon était fasciné par ces personnages vivant en marge de la société et au destin tragique. Dans Plein soleil, le film qui l'a révélé, il joue Tom Ripley, personnage machiavélique qui tue un riche fêtard et lui vole son identité pour vivre sa vie de rêve en Italie. Un de ses rôles favoris.
Peine de mort
Dans Le Samouraï, il incarne un tueur à gages taiseux, obsédé par la maîtrise, qui se sacrifie par amour. Dans Monsieur Klein, son personnage est un riche marchand d'art qui, en 1942, rachète des oeuvres détenues par des juifs. Jusqu'à ce que la découverte d'un homonyme (juif) le précipite dans une descente aux enfers.
Pourtant favorable à la peine de la mort, Alain Delon avait aussi produit en 1973 un film en dénonçant son inhumanité. Dans Deux hommes dans la ville, réalisé par José Giovanni, lui-même condamné à mort puis gracié, Alain Delon joue un ancien truand qui va replonger dans le crime et finira condamné à mort sur l'échafaud.
Le film se termine avec la longue mise à mort de son personnage. Une scène glaçante saluée par Robert Badinter, qui avait été bouleversé par le regard d'Alain Delon avant de mourir à l'écran. Ces scènes de mort ont rendu éternel cet acteur qui détestait être réduit à son statut de simple sex-symbol et s'est rêvé toute sa vie en héros tragique.