Hécatombe militaire, vie impossible pour les civils: Bakhmout, ville martyre dans l'est ukrainien

Bakhmout, dans le Donbass, est soumise au feu roulant de la Russie depuis le début du mois d'août. Mais le Kremlin, aux abois et avide d'une victoire, enfin, sur le front ukrainien, y a encore intensifié ses efforts ces derniers jours. Aujourd'hui, on compte de 100 à 200 morts par jour parmi les soldats, au milieu d'une ville désormais détruite.

Irpin, Kharkiv, Kherson mais surtout Marioupol. L'Ukraine a connu son lot de villes martyres sous les coups de l'invasion russe. Désormais, c'est sur la ville de Bakhmout, dans l'est du pays, que Moscou a décidé de s'acharner. Depuis le 1er août dernier, le Kremlin et son armée pilonnent cette agglomération du Donbass. Mais devant sa résistance et les humiliations subies du fait de la contre-offensive ukrainienne, la Russie y a encore décuplé ses efforts meurtriers au cours des dernières semaines.

BFMTV.com fait le point sur la situation dans cette ville devenue le principal abcès sur le front russo-ukrainien et le symbole le plus éloquent de la guerre.

Un témoignage effroyable

Dans le grec dont il est issu, le mot "martyr" signifie "témoin". Et c'est bien un témoignage que l'Ukraine a adressé au monde mardi, en diffusant les images de Bakhmout, après des mois d'assaut russe. Bakhmout, ou plutôt ce qu'il en reste: car sur les plans ainsi dévoilés, on découvre une ville ravagée, aux édifices effondrés, aux bâtiments et aux routes éventrés, aux murs noircis par les bombardements.

En plateau ce mercredi, Patrick Sauce, notre éditorialiste pour les questions internationales, a commenté ces vues aériennes accablantes: "Cette volonté russe de prendre la ville nous apparaît d’autant plus aberrante. Il n’y a rien à gagner à part mettre un drapeau russe sur la carte."

La fuite en avant des Russes

Une commune peut-être bien être rayée de la carte, mais qui n'en est pas pour autant une ville-fantôme. Certes, elle s'est en bonne partie vidée des 77.000 personnes qui y habitaient avant la guerre, mais d'après notre correspondant sur place, ils sont encore des milliers à y vivre, terrés dans les caves et les abris collectifs.

Les quelques passants croisés par notre équipe ont raconté un quotidien intenable - sans électricité, ni eau courante dans certains quartiers - encore aggravé par les rigueurs d'un hiver gelant jusqu'aux bouteilles d'eau.

Dans nos studios mardi soir, Alexandre Makogonov, porte-parole de l'ambassade de Russie en France, a rejeté la faute de ce marasme humain sur les Ukrainiens.

Il interroge ainsi: "Si ces soi-disant défenseurs ukrainiens qui défendent leur pays, leur peuple, s’en souciaient vraiment pourquoi ils ne déploient pas leurs armements en-dehors des grandes villes? Pourquoi ils ne se battent pas dans les champs? Pourquoi ils se cachent dans les bâtiments résidentiels, en provoquant le feu de riposte pour que tout soit détruit?"

Car le diplomate n'en démord pas: Bakhmout n'est pas un caprice du Kremlin, ou pour mieux dire, une folie. Non, pour lui, la localité revient de droit à la Russie. "Ça appartient au Donbass qui est juridiquement la terre russe", a-t-il dit. "On défend cette terre qui est la nôtre, et on défend les gens qui y habitent", a encore avancé Alexandre Makogonov. Ce dernier a enfin esquissé l'importance stratégique revêtue par l'endroit: "Bakhmout ouvre le chemin vers d’autres villes, comme Kramatorsk, Slaviansk."

Zelensky salue la "résilience" de la région

Entre des Russes obsédés par une prise qui serait leur première victoire depuis des mois et des forces ukrainiennes déterminées à ne rien lâcher à l'ennemi, la ville s'affirme plus que jamais comme le point de fixation, de crispations des combats.

Et les preuves du caractère crucial de la bataille abondent ces derniers jours. Le bilan humain, tragiquement lourd, le montre assez: d'après nos éléments, de 100 à 200 soldats tombent quotidiennement fauchés par les bombes et les balles. Signe supplémentaire: Volodymyr Zelensky a fait le déplacement dans la région.

Mardi, le président ukrainien s'est rendu à 45 km de Bakhmout. Au moment d'y décorer ses troupes, il a d'ailleurs reconnu: "L'est de l'Ukraine est l'axe (du front) le plus difficile". "Merci pour votre résilience", a-t-il ajouté à l'attention des militaires.

Marche funèbre pour Wagner

Pour les Russes, Bakhmout n'est pas qu'une affaire de frappes. L'envahisseur y déploie désormais au sol l'infanterie mercenaire de l'entrepreneur et activiste ultra-nationaliste, Evgueny Prigojine, le fameux "groupe Wagner". Sans succès pour le moment.

Les Ukrainiens qui leur font face ont même expliqué devant nos caméras que ces miliciens étaient expédiés au front en pure perte: "Les Russes les envoient comme de la chair à canon. Ils ne les considèrent pas comme des humains. Ils les envoient par vagues à l’abattoir." Un nouveau massacre à ciel ouvert.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - "C'est une boucherie": ce médecin franco-ukrainien, qui a opéré à Bakhmout, témoigne sur BFMTV