Guerre en Ukraine : comment la Russie réagit face à la percée ukrainienne sur son territoire
INTERNATIONAL - En réponse à l’incursion ukrainienne en Russie qui dure maintenant depuis cinq jours, Moscou a décidé de réagir en conséquence. Le Kremlin a ainsi instauré samedi 10 août un régime « antiterroriste » dans trois régions frontalières de l’Ukraine : Koursk
Belgorod et Briansk.
La percée de Kiev a eu lieu dans la région de Koursk. Plus de 76.000 personnes vivant dans les zones frontalières ont été « provisoirement » évacuées vers des « lieux sûrs », a quant à lui fait savoir samedi un représentant du ministère russe des Situations d’urgence.
Face à cette « tentative sans précédent de déstabiliser la situation », les autorités russes ont annoncé dans la nuit de vendredi à samedi la mise en place du « régime d’opération antiterroriste ». Cette mesure implique notamment des « restrictions dans la circulation des véhicules et des piétons dans les rues, sur les routes » et dans l’utilisation des moyens de communication.
Pour sa part, sur Telegram, le ministère de la Défense du Bélarus, un pays allié de Moscou mais dont les militaires ne participent pas directement aux hostilités, a déclaré renforcer son dispositif dans la région méridionale de Gomel, frontalière de l’Ukraine, en y déployant des troupes et des missiles supplémentaires afin de « réagir à toute possible provocation ». Sur les réseaux sociaux, la diplomatie bélarusse a fustigé une « aventure insensée » des forces de Kiev et affirmé que des drones ukrainiens avaient été abattus pendant la nuit au-dessus du Bélarus, dénonçant un « incident très sérieux ».
« Déplacer » la guerre sur le territoire russe
Samedi, le ministère russe de la Défense a assuré qu’il continuait à « repousser la tentative d’incursion frontalière des forces armées ukrainiennes » dans la région de Koursk, en recourant à l’aviation et à l’artillerie. Il avait annoncé la veille l’envoi de renforts.
L’agence russe de l’énergie atomique Rosatom a averti que « les actions de l’armée ukrainienne » faisaient peser « une menace directe » sur la centrale nucléaire de Koursk. Les autorités russes avaient affirmé mardi que l’incursion avait fait cinq morts et 55 blessés parmi les civils mais n’ont pas fourni depuis de nouveau bilan.
L’offensive ukrainienne a commencé mardi matin lorsque des unités militaires ont traversé la frontière et pénétré dans la région de Koursk, y avançant de plusieurs dizaines de kilomètres, d’après des analystes indépendants.
Jusqu’à présent, Kiev s’était abstenu de commentaires explicites sur cette attaque mais, dans la soirée, Volodymyr Zelensky a reconnu pour la première fois des actions pour « déplacer la guerre » sur le territoire russe. « L’Ukraine prouve qu’elle peut rendre justice et exercer la pression nécessaire : la pression sur l’agresseur », a poursuivi le président ukrainien dans son allocution quotidienne.
Faire diversion pour contraindre la Russie à bouger ses pions
L’armée russe a confirmé vendredi que les soldats ukrainiens avaient atteint Soudja, une cité de 5.500 habitants à une dizaine de kilomètres de la frontière où se trouve un nœud de transit pour le gaz fournissant toujours l’Europe -la Hongrie, la Slovaquie- via l’Ukraine.
La progression et les effectifs des troupes ukrainiennes qui participent à cette attaque ne sont toutefois pas connus. Celle-ci a pris de court l’armée russe, qui dispose pourtant de ressources supérieures en hommes et en armements à celles de l’Ukraine et avait pris l’initiative sur le front fin 2023, à la suite de l’échec de la contre-offensive estivale ukrainienne.
Des analystes militaires et les responsables ukrainiens s’accordent à dire, qu’en l’état, l’armée russe ne peut pénétrer en profondeur les lignes de défense ukrainiennes. L’ouverture d’un nouveau front sur son propre territoire pourrait contraindre la Russie à rapatrier une partie de ses troupes ou à ralentir ses attaques dans le Donbass.
Sans compter qu’après des mois de retards, l’Ukraine a commencé à recevoir à nouveau des livraisons cruciales d’armes occidentales et devrait déployer prochainement de nouvelles recrues mobilisées ces derniers mois.
Une percée qui a « remonté le moral » des Ukrainiens
« L’objectif est d’étirer les positions de l’ennemi, de lui infliger des pertes maximums, de déstabiliser la situation en Russie -car ils sont incapables de protéger leur propres frontières- et de transférer la guerre sur le territoire russe », a déclaré samedi soir à l’AFP un responsable ukrainien du secteur de la sécurité, s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Toutefois, pour l’instant, la tactique, qui mobilise des « milliers de soldats ukrainiens », n’a pas pour l’instant entraîné d’affaiblissement de l’offensive russe dans l’est de l’Ukraine, même si « l’intensité d’attaques russes dans l’Est a un tout petit peu baissé », a ajouté ce responsable.
Cela dit, cette percée a eu un autre effet : elle « a pris les Russes au dépourvu » et « a vraiment renforcé notre moral, celui de l’armée ukrainienne, de l’État et de la société », a ajouté cette source. Après des mois de retraites sur le front Est, « cette opération a montré que nous pouvons attaquer et avancer ».
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