Guerre en Ukraine: pourquoi la Russie menace la Suède et la Finlande
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Un retournement de situation inattendu et un camouflet de plus pour Moscou. Fin février, lorsque Vladimir Poutine a annoncé le début de son opération militaire spéciale en Ukraine, le président de la fédération de Russie avait, en plus de sa volonté d'opérer une "dénazification" du pays, affirmé vouloir empêcher que l'Ukraine n'intègre l'Otan afin d'éviter que l'Alliance ne se retrouve pas directement à sa frontière.
Adhérer rapidement à l'Otan face à la menace russe
Plus de deux mois après le début du conflit, ce scénario honni pourrait bien devenir réalité pour le Kremlin. Ces derniers jours, la Suède et surtout la Finlande ont fait savoir leur volonté de rejoindre l'Otan à très court terme. Ainsi, une majorité (54%) de Suédois seraient désormais partisans d'une adhésion à l'Otan, selon un sondage de l'institut Novus publié récemment.
Les sociaux-démocrates au pouvoir à Stockholm ont annoncé vendredi qu'ils comptaient parvenir à une décision concernant une éventuelle candidature de leur pays à l'Otan d'ici le 24 mai. Une décision qui ne sera pas prise "à la légère", a promis la Première ministre Magdalena Andersson.
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Côté Finlandais, pays frontalier de la Russie, les velléités se font de plus en plus fortes. Ce mercredi, la Première ministre Sanna Marin espèrait une ratification "la plus rapide possible" par les 30 membres de l'Otan de leur candidature pour rejoindre l'alliance.
Mais Helsinki mène aussi des discussions avec les principaux pays de l'alliance pour obtenir des garanties de protection durant la période d'adhésion qui peut durer plusieurs mois, a-t-elle ajouté, citant les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France.
"Si la Finlande et la Suède étaient candidates, la question clé est d'avoir un processus de ratification le plus court possible. Ce serait la meilleure garantie de sécurité que nous pourrions avoir", a-t-elle plaidé. Seuls les membres de l'Otan bénéficient formellement de la protection de l'article 5, le parapluie de sécurité de l'alliance militaire lancée par les Etats-Unis au début de la Guerre froide avec l'Union soviétique.
Fin de la neutralité et du non-alignement
Cette volonté de rejoindre l'Otan revêt une symbolique forte. Depuis plusieurs décennies, ces deux pays connaissaient un non-alignement et une neutralité parfois imposée. "Ce qui est paradoxal, c’est que la Suède, qui est neutre depuis 1814, décide de rallier l’Otan", analyse le consultant défense de BFMTV, le général Jérôme Pellistrandi.
Pour la Finlande, la situation est différente. Durant une large partie du XIXe siècle, le pays était sous influence russe tout en conservant une certaine autonomie. Cepandant, lors de la Seconde guerre mondiale, Helsinki décide d'accointances avec l'Allemagne nazie après une guerre contre l'URSS, appelée Guerre d'Hiver, au début des années 1940.
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Au terme du conflit mondial, la Finlande se voit forcée de compromis avec Moscou et se voit obligé de mettre en place une neutralité active avec les Soviétiques, appelée Finlandisation. "La Finlande qui a été finlandisée, une neutralité imposée par l’Union soviétique en son temps, et elle se sent également maintenant menacée", ajoute Jérôme Pellistrandi.
"La Finlande et la Suède sont confrontés, d’abord à la menace soviétique, et maintenant russe, depuis le début de leur histoire. Ces deux pays neutres ont des armées puissantes au regard de leur population, et son interopérables avec les forces de l’Otan. Si le processus politique est accepté, le processus technique le sera rapidement, et finalement ce que Poutine voulait éviter, que l’Otan se rapproche à ses frontières, il réussit à obtenir ce qu’il ne souhaitait pas", ajoute-t-il.
Pire, cette volonté finlandaise et suédoise de rallier l'Otan est une "défaite stratégique grave" pour Vladimir Poutine, souligne à notre antenne Anthony Bellanger, éditorialiste politique internationale de BFMTV. "La Suède et la Finlande n'avaient pas fourni d'armes à un belligérant depuis 1945. La rapidité avec laquelle ils sortent de leur neutralité est le signe d'une véritable défaite stratégique de Poutine. C'est grave car ce sont des pays mesurés, qui mêlaient leur économie avec celle de la Russie, cette rapidité est stupéfiante."
Menaces et réponses diplomatiques
Du côté du Kremlin, l'hypothèse même d'une adhésion de la Finlande et de la Suède à l'Otan ne passe pas vraiment. "Dans le cas où la Finlande et la Suède rejoignant l’alliance, il y aurait alors une situation tendue avec la Russie, et toutes les conséquences qui peuvent en découler", a ces dernières heures déclaré Maria Zakharova, porte-parole du ministre des Affaires étrangères russe, dans un vocabulaire ambigu, le même utilisé depuis le début de l'invasion ukrainienne pour menacer l'Occident sans réellement le dire.
Malgré les non-dits, le divorce semble inévitable, d'autant que ces derniers jours, plusieurs événements devraient encourager le gouvernement finlandais à s'éloigner de Moscou. Mercredi matin, c'est ainsi un hélicoptère de l'armée russe a violé l'espace aérien finlandais.
C'est la deuxième fois en un mois et la deuxième fois depuis le début de l'année qu'Helsinki dénonce une incursion d'un appareil russe dans son espace aérien, selon le ministère, sur fond de tensions autour de la guerre en Ukraine. Le 8 avril, un appareil de transport civil mais appartenant à l'armée russe était aussi brièvement entré dans l'espace aérien finlandais.
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Samedi passé, la défense suédoise a de son côté annoncé qu'un avion de reconnaissance russe avait brièvement violé vendredi l'espace aérien du pays scandinave. "Nous allons bien sûr protester par la voie diplomatique", avait indiqué le ministre suédois de la Défense, Peter Hultqvist.
Signe des tensions exacerbées, fin avril, le ministère russe des Affaires étrangères a indiqué avoir expulsé plusieurs diplomates suédois en guise de représailles à une mesure similaire prise par Stockholm. Ce même ministère avait indiqué avoir convoqué l'ambassadrice suédoise pour "protester avec force" contre l'expulsion des diplomates russes, début avril, et contre le soutien militaire de Stockholm au gouvernement ukrainien.