Guerre en Ukraine : Macron a-t-il vraiment changé sur la Russie ?
POLITIQUE - Le choix des mots. Un an après le début de la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron a remisé ses appels à ne pas « humilier » la Russie pour user d’un un champ lexical quelque peu différent. Le président français a affirmé, samedi 18 février, vouloir « la défaite » de Moscou face à Kiev, tout en critiquant ceux qui veulent « avant tout écraser la Russie. »
Dans cette interview accordée au JDD, au Figaro et à France inter dans l’avion qui le ramenait d’Allemagne, où il a participé à la conférence annuelle de Munich sur la sécurité, le président martèle que cette « position » ne sera « jamais » celle de la France. Une mise en garde qui semble d’adresser aux « observateurs », notamment en Europe de l’Est, qui se montrent les plus jusqu’au-boutistes et qui avaient vivement critiqué en mai 2022 ses propos selon lesquels il ne fallait pas « humilier » la Russie.
Un an plus tard, Emmanuel Macron a « changé pour de vrai cette fois », estimait Volodymyr Zelensky, le 8 février dernier, lors de sa venue express à Paris, en référence à cette expression précise. Vraiment ? Force est de constater que si le discours a évolué, le chef de l’État reste fidèle à lui-même sur le fond : il veut donner sa chance à la négociation dès que possible.
Macron veut « la défaite de la Russie en Ukraine »
« C’est son fameux ’en même temps’», expliquait Tatiana Kastouéva-Jean, spécialiste de l’ex-URSS à l’Institut français des relations internationales (Ifri) à l’AFP avant la conférence de Munich. « Son soutien à l’Ukraine est constant. Mais il a aussi cette vision d’une ’puissance d’équilibre’, capable de parler à tout le monde, de trouver des solutions » et qui veut « garder un canal » avec Moscou. Quitte à crisper, parfois, ses partenaires à l’est.
Après son appel à ne pas « humilier » la Russie, lancé quelques semaines après le début du conflit, le président français s’est attiré les critiques en évoquant en décembre dernier les « garanties de sécurité » qu’il faudra bien, selon lui, octroyer un jour à Moscou si l’on veut une paix durable en Europe. « Un des points essentiels, c’est la peur que l’Otan vienne jusqu’à ses portes, c’est le déploiement d’armes qui peuvent menacer la Russie », plaide-t-il, alors.
Mais depuis janvier, à l’heure où une nouvelle offensive russe se précise dans le Donbass, Emmanuel Macron met surtout en avant la nécessaire « victoire » de l’Ukraine. Ou « la défaite de la Russie en Ukraine », comme il le dit clairement dans son interview aux trois médias.
Armer les Ukrainiens… Pour mieux négocier
Il faut dire qu’après les succès militaires de Kiev à l’automne, « on a depuis décembre un changement d’ambiance », selon les mots de Florent Parmentier, maître de conférences à Sciences Po, cités par l’AFP. Les deux camps perdent beaucoup d’hommes, avec un ratio beaucoup plus défavorable à l’Ukraine, trois fois moins peuplée. Le manque de munitions guette aussi le pays.
Pour Jean de Gliniasty, ex-ambassadeur de France à Moscou et directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques, « on sent qu’il va y avoir une bataille qui va définir un rapport de force. » Et « c’est en vue de cette bataille que Macron et les autres sont en train d’armer l’Ukraine pour lui donner le maximum d’atouts dans une négociation que les Ukrainiens ne souhaitent pas. »
Le président de la République ne dit pas autre chose dans son récent entretien. « Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est que l’Ukraine mène une offensive militaire qui perturbe le front russe afin de déclencher le retour aux négociations », a-t-il insisté, de retour d’Allemagne, en réaffirmant vouloir favoriser une issue négociée. Car, selon Emmanuel Macron, « aucun des deux côtés ne peut l’emporter entièrement », « ni l’Ukraine, ni la Russie ». En cela, le locataire de l’Élysée est constant.
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