Guerre en Ukraine: ce que l'on sait de l'"intrusion ukrainienne" dans la région russe de Koursk

Des nouvelles du front. Depuis le mardi 6 août, les combats se poursuivent dans la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, théâtre depuis la veille d'une incursion de troupes ukrainiennes, qui a entraîné l'évacuation de milliers de personnes des deux côtés de la frontière.

Jeudi 8 août, le ministère de la Défense a affirmé que les combats dans la zone se poursuivaient.

• Une incursion terrestre des forces ukrainiennes

Depuis plusieurs jours, la région est sous forte tension. À plusieurs reprises, les autorités russes ont affirmé avoir intercepté ou détruit plusieurs dizaines de drones envoyés depuis l'Ukraine, qui avaient pour cible des dépôts de pétrole et d'autres infrastructures militaires. L'un de ces dépôts, atteint par un projectile, a nécessité deux jours d'intervention afin d'éteindre l'incendie qui s'était déclaré.

Mardi, la situation a pris une nouvelle tournure. Ce jour-là, Moscou a affirmé lutter contre une incursion, terrestre cette fois-ci, de l'armée ukrainienne dans cette région frontalière. Au moins cinq civils ont été tués dans la journée par des frappes ukrainiennes dans cette région russe, a par ailleurs annoncé sur Telegram son gouverneur par intérim, Alexeï Smirnov.

Dans un message antérieur diffusé sur la même plateforme, le ministère assurait que les forces ukrainiennes étaient en train d'être repoussées du sol russe, affirmation qui a disparu dans le dernier communiqué.

Plus tôt, la Russie avait aussi annoncé avoir envoyé des forces de réserve pour contrecarrer l'intrusion des forces ukrainiennes fortes, selon elle, de quelque 300 soldats, 11 chars et une vingtaine d'autres véhicules blindés.

• Plusieurs milliers de personnes évacuées

Mercredi, la situation était bien loin du retour au calme. La région de Koursk a de nouveau été visée par des attaques de missiles et de drones. "Deux missiles ukrainiens ont été abattus par les systèmes de défense antiaérienne dans la région de Koursk", a écrit, toujours sur Telegram, Alexeï Smirnov.

En conséquence, les autorités régionales ont indiqué ce même jour avoir procédé à l'évacuation de plusieurs milliers de personnes de la zone de bombardement. Dans la soirée, le gouverneur local a instauré mercredi soir l'état d'urgence dans la région, en indiquant que la situation opérationnelle restait "difficile dans les zones frontalières".

L'ampleur des avancées ukrainiennes n'est pas claire. Selon la chaîne Telegram Rybar, proche de l'armée russe, les militaires ukrainiens se sont emparés de plusieurs villages et auraient atteint le sud de Soudja, une ville de 5.500 habitants située à environ 10 kilomètres de la frontière.

Au total, le ministère russe de la Santé estime que 31 personnes, dont six enfants, ont été blessées à la suite des bombardements ukrainiens.

• Silence des autorités israéliennes

Selon Serguiï Zgourets, un expert militaire ukrainien contacté par l'AFP, il est possible que ces incursions répétées dans cette zone cherche à détourner les forces russes d'autres secteurs du front, où elles poussent depuis plusieurs mois.

"Je pense que l'un des objectifs (de Kiev) est de retirer les réserves (russes), de simplifier les actions de nos militaires dans le secteur de Kharkiv (nord-est) et peut-être dans d'autres régions", a-t-il déclaré à l'AFP.

La géographie de cette zone en Russie permet de "mener de façon efficace ce type d'actions dissuasives contre l'ennemi avec un dispositif réduit et c'est ce que fait probablement l'armée ukrainienne", a-t-il ajouté.

À BFMTV, Guillaume Ancel, ancien officier et chroniqueur de guerre, estime pour sa part que "l'incursion ukrainienne a surpris l’armée de Poutine."

"Elle est destinée à attirer l’attention des médias alors que nous ne parlions plus que de la probable riposte iranienne sur Israël. Ce n'est pas destiné à envahir la Russie, mais ça fragilise le discours officiel de l’état russe", dit-il.

Pour sa part, notre consultant défense, Jérôme Pellistrandi, a insisté sur "l'effet psychologique sur le commandement russe" d'une telle incursion. "C’est aussi un message envoyé par Kiev, on est capable de vous infliger des dégâts, à l’opinion publique, on est capables de faire souffrir ce qui nous agressent", analyse-t-il.

Les autorités ukrainiennes observent depuis mardi un silence quasi total sur la situation. Plusieurs hauts responsables ukrainiens se sont refusés à tout commentaire.

Auprès de l'agence de presse russe Ria Novosti, Vitaly Slashchev, maire de Koursk, a pour sa part indiqué que la ville n'était actuellement pas sous le contrôle des forces armées ukrainiennes.

• Poutine dénonce une "provocation à grande échelle"

Le président Vladimir Poutine a dénoncé une "provocation à grande échelle", accusant les forces ukrainiennes de "tirer de manière aveugle avec différents types d'armes, y compris des roquettes, sur des bâtiments civils, des habitations et des ambulances".

Il s'est également entretenu avec les responsables des forces de sécurité et de l'armée, ordonnant aux autorités locales de "fournir l'assistance nécessaire" à la population.

En parallèle, plusieurs comptes influents d'analystes militaires russes ont reproché mercredi au commandement militaire du pays d'échouer à contrer l'incursion ukrainienne.

"L'ennemi a accumulé des forces depuis deux mois" pour cette attaque, a estimé la chaîne Telegram Rybar, suivie par plus d'un million d'utilisateurs et réputée proche des forces russes.

Selon cette source, le commandement militaire n'a pas tiré les leçons des tentatives d'incursion menées en mars dernier dans la région de Belgorod, voisine de celle de Koursk.

Pour leur part, les autorités américaines ont fait savoir qu'elles contacteraient Kiev afin d'en savoir plus sur les "objectifs" de cette incursion. "Nous allons contacter l'armée ukrainienne pour en savoir plus sur ses objectifs", a déclaré la porte-parole Karine Jean-Pierre.

Article original publié sur BFMTV.com