Guerre en Ukraine : Kiev installe une administration militaire en Russie, Moscou tente de réagir

 Volodymyr Zelensky a lui annoncé que ses forces avaient « libéré » entièrement la ville russe de Soudja (Photo satellite de l’armée russe montrant une attaque de drone ukrainien sur le territoire russe le 15 août 2024)
- / AFP Volodymyr Zelensky a lui annoncé que ses forces avaient « libéré » entièrement la ville russe de Soudja (Photo satellite de l’armée russe montrant une attaque de drone ukrainien sur le territoire russe le 15 août 2024)

GUERRE EN UKRAINE - Kiev continue sa percée en Russie et tente même de s’implanter dans la durée, au neuvième jour de son offensive. L’Ukraine a revendiqué ce jeudi 15 août de nouvelles avancées dans la région russe de Koursk, annonçant notamment la création d’une administration militaire. Une décision tactique, mais aussi symbolique.

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Depuis le début de leur entreprise, le 6 août, les forces ukrainiennes se sont emparées, dans cette région frontalière, de plusieurs dizaines de localités dans le cadre de ce qui est la plus grande opération militaire étrangère en sol russe depuis la Seconde guerre mondiale.

Le commandant de l’armée ukrainienne Oleksandr Syrsky a revendiqué ce jeudi une progression de 35 kilomètres en profondeur pour un contrôle total de 1 150 km2 et de 82 localités, soit huit de plus que mardi.

Un lien historique entre Soudja et l’Ukraine

Le président Volodymyr Zelensky a pour sa part annoncé que ses forces avaient entièrement « libéré » la ville russe de Soudja, une commune de 5 500 habitants située à une dizaine de kilomètres de la frontière, qui représente désormais la principale conquête des forces ukrainiennes dans le cadre de cette offensive.

Signe de l’intention des forces ukrainiennes de s’implanter dans la durée, le général Syrsky a annoncé la création d’une administration militaire dans la région, chargée des affaires courantes, de la logistique et d’assurer la sécurité des populations.

Cette initiative n’a rien d’anodin, car pendant que l’armée ukrainienne avance, Kiev tente d’utiliser la même arme que Moscou sur ses terres : le séparatisme. En effet, selon Courrier International, qui cite le média ukrainien Focus.ua, la ville de Soudja est un symbole tout particulier pour avoir historiquement appartenu à l’Ukraine.

« On entend de plus en plus souvent des théories sur l’appartenance historique et ethnique de ce territoire [à l’Ukraine] », écrit le média ukrainien. La ville a ainsi été majoritairement ukrainophone à la fin de la période tsariste et a été, pendant un mois, la première capitale de la nouvelle république soviétique d’Ukraine, en 1918, complète le média spécialisé Desk Russie. Pour Kiev, la reconquérir aujourd’hui fait ainsi office de symbole de juste retour de ce que la Russie a pu lui prendre. Une manœuvre qui pourrait aussi se révéler utile dans le cadre de futurs échanges de territoires entre les belligérants, s’ils venaient un jour à négocier.

« Inoculer » à la Russie son propre « poison »

Pour le reporter français basé en Ukraine depuis plus d’une décennie Stéphane Siohan, « l’Ukraine est en train d’inoculer à la Russie le poison que la Russie a infligé pendant 30 ans à d’autres (Géorgie, Moldavie, Ukraine) en créant des entités séparatistes, cancers dans le corps social des États nouvellement indépendants », explique-t-il sur X (ex-Twitter).

Il précise toutefois que l’Ukraine n’a « aucune velléité d’invasion ou d’agrandissement », mais pourrait se servir de cette « République de Soudja » comme « le miroir symbolique de la vraie Russie (et non celle des bandits) ». Il compare ainsi cette petite localité à un « mini Taiwan de Poutine ».

D’autant qu’en plus de la symbolique historique, Soudja possède une importance tactique bien concrète. Comme le souligne le Financial Times, jusqu’au 6 août, elle était un centre logistique important pour l’armée russe. Elle abrite également une station de comptage de Gazprom via laquelle transite la totalité du gaz naturel russe vers l’Union européenne.

La Russie continue, elle, d’avancer en Ukraine

Prise au dépourvu face à des groupes motorisés ukrainiens très mobiles et qui ont facilement franchi la frontière, l’armée du Kremlin a depuis assuré avoir mobilisé des renforts et a annoncé jeudi pour la première fois avoir repris un village dans la région, celui de Kroupets.

Le ministre russe de la Défense, Andreï Belooussov, a également fait état jeudi de « l’allocation de forces et de moyens supplémentaires » dans la région de Belgorod, voisine de celle de Koursk. La situation y est « extrêmement tendue », selon son gouverneur Viatcheslav Gladkov.

Dans le même temps, les troupes russes continuent leur offensive de l’autre côté de la frontière. Dans l’Est de l’Ukraine, Moscou a revendiqué ce jeudi la capture du village d’Ivanivka, à une quinzaine de kilomètres de la ville de Pokrovsk, un important nœud logistique.

Selon le commandant de l’armée ukrainienne Oleksandr Syrsky, la situation sur les fronts Est et Sud reste ainsi difficile pour ses troupes, « mais sous contrôle ».

Un « nouveau souffle » pour l’Ukraine

Volodymyr Zelensky, pour qui l’attaque vise à « déplacer » la guerre en Russie, a affirmé que des centaines de soldats russes avaient été fait prisonniers depuis le 6 août.

Les autorités ukrainiennes ont fourni diverses raisons pour expliquer l’assaut contre la Russie : forcer Moscou à retirer ses soldats d’autres parties du front, créer une « zone tampon » en territoire russe contre les bombardements ou encore s’en servir comme monnaie d’échange lors d’éventuelles négociations.

Cette incursion a donné un second souffle à l’armée ukrainienne, qui, depuis l’échec d’une autre contre-offensive à l’été 2023, recule dans la région de Donetsk face à des forces russes plus nombreuses et mieux armées. Mais qui ne s’attendaient visiblement pas à l’opération lancée en plein été par Kiev.

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