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Guerre en Ukraine : à la télévision russe, un ancien militaire met en doute la victoire de son armée

Selon Mikhail Kodoryonok, Kiev peut, dans un futur proche, avoir à disposition un million de soldats bien mieux entraînés que ceux de l'armée russe.

Le changement de ton est aussi inattendu que soudain. Ces derniers jours à la télévision russe, et en particulier sur l'antenne de la pourtant très pro-Kremlin Rossiya-1, plusieurs voix dissonantes se sont fait entendre sur l'invasion de l'Ukraine, toujours nommée "opération militaire spéciale" par Moscou.

Seulement, si ces critiques semblaient auparavant viser l'enlisement des soldats russes en Ukraine, plusieurs invités mettent désormais très sérieusement en doute le scénario d'une victoire de la Russie.

Déséquilibre militaire

Parmi eux, Mikhail Kodoryonok, un ancien général russe à la retraite fréquemment invité sur le plateau de Rossiya-1. Ce lundi, il a une nouvelle fois fait part de ses doutes les plus profonds, arguant que l'armée ukrainienne était bien mieux préparée.

"La situation d’un point de vue stratégique est que les forces armées ukrainiennes sont capables d’armer un million de personnes. Ils le disent eux-mêmes: 'Pour nous, il n’y a pas de problèmes à mobiliser un million de personnes'. Le vrai problème est qu’ils sont capables de fournir des armes et du matériel militaire moderne", assure-t-il, pointant du doigt les livraisons d'armes ultra-modernes par les pays occidentaux.

Pour Kodoryonok, la question du professionalisme de l'armée de Kiev ne se pose pas non plus. "Cela doit être vu comme une réalité dans un futur très proche. Une armée de conscrits peut être très professionnel également. La manière dont une armée est recrutée ne détermine jamais son niveau de professionnalisme", martèle-t-il encore.

Une étonnante liberté de ton

Dans son propos, le général en retraite a également pointé du doigt la propagande mise en place par les médias russes, qui selon lui donnerait une réalité différente que celle du terrain.

"Il ne faut pas se faire de faux espoirs. Parfois, l’information est répandue que l’armée ukrainienne a une baisse de moral, mais ce sont des cas isolés, il faut prendre le problème dans son ensemble. Le désir de protéger son pays, comme il existe en Ukraine, va faire qu’ils vont se battre jusqu’au dernier homme."

Sur BFMTV, le général Nicolas Richoux, ancien commandant de la 7e brigade blindée, s'étonne de cette sortie. "Cette liberté de ton est étonnante. Est-elle téléguidée par le Kremlin? Probablement. Mais c’est une liberté de ton sidérante par rapport aux dernières outrances", dit-il, pointant les menaces nucléaires contre plusieurs capitales européennes faites par plusieurs invités de ce même programme.

Car en réalité, depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, ce programme, qui préserve encore et toujours Vladimir Poutine, est également utilisé par le pouvoir en place pour faire passer des messages clairs.

La semaine dernière, des généraux étaient ouvertement critiqués pour l'immobilisme de l'armée dans l'est-ukrainien et son incapacité à obtenir des victoires significatives. Cette fois-ci, c'est la diplomatie russe qui semble être prise pour cible.

"Nous sommes isolés"

Une critique encore plus aiguisée alors que Mikhail Kodoryonok aborde le thème de l'Otan. Lundi, alors que la Suède a emboîté le pas de la Finlande et officiellement demandé son adhésion à cette Alliance, Moscou avait répliqué, assurant que ces adhésions "ne resteraient pas sans réponses." Selon le militaire, la situation doit être prise au sérieux, son pays étant déjà isolé sur la scène internationale.

"L’important est de maintenir une espèce de réalisme politico-militaire, si vous allez au-delà, tôt ou tard la réalité historique va vous frapper tellement fort que vous allez le regretter. Il ne faut pas faire peur avec des missiles en direction de la Finlande même si cela peut sembler amusant. Nous sommes isolés géographiquement et, même si nous avons du mal à nous l’admettre, le monde entier est virtuellement contre nous. C’est une situation de laquelle nous devons sortir", avertit-il.

Ce n'est pas la première fois que Mikhail Kodoryonok prend des positions qui détonnent. Début mai, c'est déjà lui qui avait fait le constat du réel état de l'armée russe. "Envoyer des équipes avec de vieilles armes faire une guerre au XXIe siècle, se battre contre les armes aux normes de l’Otan, ne serait pas la chose à faire", avait-il prévenu.

"Tout ira bien" pour le Kremlin

Des avertissements finalement sans réels effets. Ce mardi lors d'une prise de parole, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré que "l'opération spéciale" russe en Ukraine allait arriver à ses fins.

"Nous sommes convaincus que tout ira bien, que nous atteindrons nos objectifs", a-t-il assuré, soulignant une nouvelle fois que pour lui, les crimes de Boutcha étaient une mise en scène ukrainienne.

Quelques minutes plus tard, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov s'en est pris à l'Otan, qui n'aurait selon lui pas respecté ses promesses de limiter son élargissement.

Article original publié sur BFMTV.com

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