Guerre en Ukraine: à quoi faut-il désormais s'attendre 1.000 jours après le début de l'invasion russe?

Alors que la guerre en Ukraine a débuté il y a 1.000 jours ce mardi 19 novembre, Volodymyr Zelensky a dit espérer mettre fin au conflit en 2025 par des "moyens diplomatiques". La Russie a pourtant mené une "attaque massive" dimanche en Ukraine, tandis que Washington a donné son feu vert à Kiev pour l'utilisation de missiles longue portée.

Un cap symbolique passé entre risque de nouvelle escalade et espoirs de négociations. Alors que la guerre en Ukraine a débuté il y a tout juste 1.000 jours ce mardi 19 novembre, le conflit entre la Russie et l'Ukraine a connu ces derniers jours de nombreuses évolutions: de la reprise des discussions entre le chancelier allemand et le président russe, à l'autorisation par les États-Unis à l'Ukraine d'utiliser des missiles longue portée en Russie.

Débuté le 22 février 2022, soit il y a près de 33 mois, le conflit s'enlise. La situation pour l'armée ukrainienne reste difficile, alors que les volontaires pour l'armée manquent et que les soldats russes progressent à l'Est.

Dimanche, la Russie a mené une "attaque combinée massive" sur "toutes les régions de l'Ukraine", ciblant en particulier son "infrastructure énergétique" à l'approche de l'hiver, comme l'a dénoncé le président Volodymyr Zelensky.

Mais avec l'arrivée attendue en janvier de Donald Trump à la Maison Blanche, lui qui avait promis de mettre fin à la guerre, et les déclarations récentes de Volodymyr Zelensky sur une possible solution "diplomatique" du conflit, la perspective de négociations dans les prochains mois grandit.

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Le président américain Joe Biden a cependant donné dimanche soir son feu vert à Kiev pour l'utilisation de missiles longue portée de fabrication américaine contre la Russie. Une première et une décision qui "jette de l'huile sur le feu", a accusé lundi le Kremlin. Ces missiles d'une portée de 300 km représente une aide précieuse pour Kiev pour lui permettre d'attaquer la Russie en profondeur.

De quoi laisser craindre une nouvelle escalade du conflit dans les prochains mois? En septembre dernier, Vladimir Poutine mettait en garde les Américains sur de futures livraisons en Ukraine de missiles longue portée. Cela changerait la nature même du conflit, cela signifierait que les pays de l'Otan, les États-Unis sont en guerre contre la Russie", prévenait-il.

Patrick Martin Genier, spécialiste des questions internationales et enseignant à Sciences Po tempère cependant. "Poutine a toujours parlé de ses fameuses lignes rouges et au final dès que l'Ukraine ou l'Otan a pu avancer, il a toujours reculé", explique-t-il à BFMTV.

Pour Guillaume Ancel, Vladimir Poutine considère de toute façon que l'Europe est déjà en guerre contre la Russie. "Ça ne changera rien", juge-t-il. "Quand (Poutine) ose amener des soldats étrangers et qu'il prévient qu'il refuserait l'implication d'autres nations, on voit bien qu'en permanence il joue avec nos nerfs", explique l'ancien militaire, évoquant la présence de soldats nord-coréens sur le front.

"Joe Biden parle le seul langage que comprend Poutine, c'est-à-dire la force", résume Guillaume Ancel.

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Cette décision de Joe Biden est néanmoins "une véritable surprise", souligne Ulysse Gosset, éditorialiste international pour BFMTV, les Ukrainiens ayant commencé à demander ces missiles longue portée en septembre 2022.

"C'est un tournant", estime-t-il, "parce qu'avec ces armes là, les Ukrainiens pourront frapper de façon précise non seulement les Russes, mais aussi les soldats nord-coréens qui ont été engagés sur le front (russe)".

Ces missiles sont en plus "disponibles en centaines d'exemplaires", contrairement aux autres missiles européens, donc "on change d'échelle" pour l'Ukraine, abonde Guillaume Ancel, ancien officier et chroniqueur de guerre.Ces missiles devraient s'avérer "intéressants notamment dans la région de Koursk, où la pression est extrêmement importante", ajoute à BFMTV le général de l'armée de l'air Patrick Dutartre.

Alexandre Quéry nuance cependant l'importance de ces armes. "Ces missiles ne changent pas grand chose face à un vrai problème que rencontre l'armée ukrainienne qui est celui de la mobilisation", mais aussi au fait que "la moitié des armes américaines n'ont pas été livrées et que l'hiver va être extrêmement rude pour les soldats", juge-t-il.

"La question est désormais de savoir quels autres missiles européens, notamment les Scalps, les Storm Shadows et les Taurus, vont emboîter le pas aux États-Unis", note dimanche Alexandre Quéry. Si l'Allemagne se refuse jusqu'à envoyer ses missiles Taurus, elle a annoncé lundi l'envoi prochain de 4.000 drones sophistiqués en Ukraine.

Ce virage stratégique des États-Unis dans la guerre en Ukraine survient alors que Donald Trump, qui a affirmé pendant la campagne qu'il mettrait fin "en 24 heures" à la guerre entre Kiev et Moscou, a remporté la présidentielle américaine début novembre.

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"Joe Biden sait très bien qu'il joue aujourd'hui sa postérité politique" actuellement, estime Patrick Martin Genier.

"Il aura quitté la Maison Blanche dans deux mois, il veut montrer que l'administration Biden est allée jusqu'au bout de ses possibilités" pour soutenir l'Ukraine autant que possible, avance ce spécialiste des questions internationales.

Attendu pour prendre les commandes à la Maison Blanche à partir du 20 janvier 2025, l'arrivée prochaine de Donald Trump au pouvoir inquiète l'Ukraine. Cette a en effet bénéficié plus de 60 milliards de dollars en aide militaire depuis l'invasion russe en février 2022.

"On est à une période charnière. Que va faire la nouvelle administration de Donald Trump? Va-t-elle céder à ce que souhaite Vladimir Poutine?", souligne le général Jérôme Pellistrandi, consultant Défense pour BFMTV.

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Conscient de l'enjeu, Volodymyr Zelensky n'avait pas tardé à féliciter l'Américain pour sa victoire début novembre et à soutenir que "la guerre se terminera plus tôt" sous la présidence de Donald Trump. Samedi, il a également assuré vouloir "tout faire" pour obtenir la fin de la guerre dans son pays en 2025 par "des moyens diplomatiques", alors qu'il rejetait auparavant d'éventuelles négociations avec Vladimir Poutine.

Pour Nicolas Tenzer, professeur à Sciences Po, spécialiste de l'Ukraine et de la Russie, il faut là aussi voir dans cette déclaration "un message qui est surtout adressé à Donald Trump". Une façon de tendre la main au futur président avant sa prise de fonction, alors que le président américain veut à tout prix tenir sa promesse de campagne et pouvoir dire "Je suis l'homme qui a arrêté la guerre", selon Guillaume Ancel.

Sur le terrain, Vladimir Poutine ne montre pas de signe qu'il est prêt à arrêter les combats. Lundi, une frappe russe a fait au moins dix morts et des dizaines de blessés à Odessa.

Alors que le Kremlin redouble d'efforts contre l'Ukraine, le président Joe Biden a décidé d'aider autant que possible Kiev, pendant qu'il en a encore le pouvoir, selon plusieurs experts. Le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, s'est dit prêt à utiliser l'enveloppe de six milliards de dollars pour aider Kiev d'ici la fin du mandat de Joe Biden.

"Biden a très bien compris que Trump allait imposer une négociation", juge Guillaume Ancel. Et "il veut permettre aux Ukrainiens d'y arriver avec des cartes en main". "Poutine va certainement vouloir jouer l'échanger de Koursk contre une partie du Dombass, ça donne à l'Ukraine une capacité de négociation", abonde également Ulysse Gosset.

Pour Guillaume Ancel, négocier un arrêt temporaire des combats aurait aussi un intérêt. "C'est tout à l'avantage de Poutine s'il peut dire: 'j'ai une première victoire' (...) et que par ailleurs lui, pendant ce temps, peut profiter de ces années pour reconstituer tout ce dont il a besoin pour relancer cette guerre", juge Guillaume Ancel.

D'autant que, quelles que soient les promesses de Trump, les prochains mois s'annoncent incertains pour Kiev. "L'administration Trump est imprévisible, il faut s'attendre à tout", rappelle notre éditorialiste Ulysse Gosset.

Article original publié sur BFMTV.com