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Guerre de succession fratricide à Cannes

par Matthias Galante CANNES (Reuters) - La succession du maire sortant UMP de Cannes a déclenché des hostilités sans précédent au sein de la droite locale, où Philippe Tabarot et David Lisnard ont réveillé les douloureux souvenirs du duel entre Jean-François Copé et François Fillon. David Lisnard, 45 ans, premier adjoint sortant, président du Palais des Festivals et des Congrès et conseiller général, a été adoubé par Bernard Brochand. A 75 ans, l’ancien publicitaire, ami de Jacques Chirac, qui dirige Cannes depuis 2001, occupe le 17e rang sur la liste de son protégé et ne mâche pas ses mots contre l’adversaire commun, Philippe Tabarot. Ce conseiller municipal "copéiste" de 44 ans, également conseiller général, est le frère de Michèle Tabarot, députée-maire de la commune voisine du Cannet et secrétaire générale de l’UMP. Battu de 1.070 suffrages lors des municipales de 2008 par Bernard Brochand, il est animé d'un sentiment de revanche. "Cette fois, je gagnerai de mille voix", affirme celui qui a été élu pour la première fois à l’âge de 18 ans. Entre les deux camps, l’antagonisme est plus que palpable. Lors des conseils municipaux, les joutes verbales n’ont jamais manqué. "C’est notre opposition la plus bruyante", ironise David Lisnard. DES CANDIDATS SANS INVESTITURE Rien de commun non plus dans leurs programmes. Le premier adjoint prône la création d’un campus universitaire et la lutte contre l’incivisme qui sanctionnerait par exemple les jets de papiers en dehors des poubelles. Son adversaire promet de "rendre Cannes aux Cannois" en tirant à boulets rouges sur le bilan des sortants et en promettant de baisser les impôts locaux de 10%. Fait exceptionnel dans un bastion imperdable pour l’UMP, ni l’un ni l’autre n’a reçu l’investiture officielle. Le parti n’a pas réussi à trancher le 15 octobre dernier lors d’une commission spéciale à Paris où l'opposition entre Jean-François Copé et François Fillon a resurgi. Soutenant respectivement Philippe Tabarot et David Lisnard, les rivaux et leurs lieutenants ont finalement privilégié le statu quo. "J’avais tous les critères pour avoir l'investiture, il y a eu tentative de captation, mais c’est derrière moi maintenant", confie David Lisnard, amer. Son investiture – symbolique -, le premier adjoint l’a peut-être gagnée le 14 février dernier. Ce jour-là, Nicolas Sarkozy s’est affiché ostensiblement à ses côtés à l’occasion d’un concert de son épouse au Palais des Festivals, suivi d’un dîner en ville avec photo "impromptue" à la sortie du restaurant. "DUPONT ET DUPONT" Face aux deux ogres, la concurrence tente de surnager. "S’ils n’ont pas d’investiture, c’est peut-être qu’ils sont trop mauvais", assène la candidate du Front national Catherine Dorten. Des sondages prédisent une quadrangulaire au second tour, avec la candidate socialiste Anne Majri et les candidats UMP. Dominique Henrot, le candidat du Front de Gauche, ne se fait pas d'illusions : "Quel que soit le résultat, l’UMP, avec ses Dupont et Dupont, gagnera". Il rappelle que Philippe Tabarot fut conseiller municipal sous Michel Mouillot, maire de Cannes de 1989 à 1997 et condamné notamment à six ans de prison ferme pour corruption. "A l’époque, j’étais encore à la fac' de Nice et loin d’être la personnalité marquante de la municipalité", se défend Philippe Tabarot. "Concrètement, l’actualité est plus sur la municipalité actuelle", glisse-t-il, dans une allusion à une nouvelle affaire judiciaire qui alourdit un peu plus encore le climat. Plusieurs fonctionnaires et le deuxième adjoint au maire ont en effet été mis en examen par un juge d’instruction qui enquête sur le financement de l’association "Les amis de Cannes". Bernard Brochand, dont des proches sont concernés, crie au complot en dénonçant "la troublante concordance de cette instruction avec la campagne électorale à Cannes". David Lisnard parle "d’une instruction circonstancielle qui ne (le) concerne pas directement". "Qu’on donne des responsables en pâture s’il y en a et que la municipalité s’explique car son silence est assourdissant", accuse Philippe Tabarot. "Ce sont souvent les guerres fratricides qui sont les plus violentes." (Edité par Sophie Louet)