Guerre en Ukraine : pourquoi de nombreux pays d'Afrique sont au bord de la famine ?

En Tunisie, les rayons des supermarchés sont de plus en plus vides à cause des pénuries alimentaires provoquées par la guerre en Ukraine.

Depuis l'invasion de la Russie en Ukraine, le prix des matières premières explose et des pénuries se font ressentir dans certains pays d'Afrique. Explications.

La guerre en Ukraine a un impact économique important et perturbe le marché international. Si l'économie de la zone euro devrait encore connaître une croissance robuste en 2022 et que l'inflation connait actuellement une forte hausse, notamment à cause des prix de l'énergie, des problèmes bien plus graves touchent déjà certains pays. Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a alerté que cette guerre "pourrait déclencher un ouragan de famine". Il évoque un effondrement du système alimentaire mondial dont l'Afrique serait la première victime.

De nombreux pays d'Afrique dépendants des importations de blé ukrainien et russe, qui subissent déjà de profondes crises économiques et sociales, subissent les effets collatéraux de la guerre provoquée par la Russie de Vladimir Poutine. Nombre d'entre eux importent au moins un tiers de leur blé en provenance de ces deux pays et compte tenu du cours du blé, actuellement à 400 euros la tonne, la céréale devient inabordable pour les pays les plus pauvres.

Une situation catastrophique en Tunisie

La Tunisie est particulièrement frappée par ce fléau et les pénuries se font déjà sentir. Ce pays qui fait déjà face à une crise économique et une inflation supérieure à 6% est très dépendant des importations car il produit moins de la moitié de ses besoins nationaux. La Tunisie importe quasiment 50% des besoins de sa consommation en blé et importe également du maïs, de l'orge et du soja, indispensables pour l'alimentation du bétail. En 2021, les importations en céréales dans le pays représentent 3,7 millions de tonnes, avec 47,7 % du blé importé qui vient d’Ukraine et 3,97 % de Russie. Concernant le maïs, plusieurs commandes à l'Ukraine ont été annulées et la Tunisie peine à trouver des marchés alternatifs.

Depuis plusieurs semaines, le pays fait déjà face à des pénuries de semoule, de farine et d'huile végétale. Des produits subventionnés par l'État qui se font de plus en plus rares dans les magasins et qui sont souvent récupérés par le marché noir face à l'augmentation de la demande.

Cité par Médiapart, Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour les régions Afrique du Nord et Moyen-Orient, a déclaré que la Tunisie pourrait être l'une des économies les "plus durement affectées", notamment au niveau des petits agriculteurs, dont le métier représente l'unique source de revenu familial.

Premier importateur mondial de blé, l'Égypte s'inquiète également des conséquences économiques de cette guerre. 85% des importations de blé égyptiennes viennent d'Ukraine et de Russie et à ce jour, mais le pays possède 4 mois de consommation nationale de stock de blé. Pour le moment, les Égyptiens payent moins cher que le prix réel leurs céréales, car l'État subventionne une grande partie du prix local mais cette subvention pèse beaucoup sur l'économie du pays. Si les prix continuent d'augmenter, l'Égypte pourrait bientôt être dans l'incapacité d'en acheter davantage.

En réponse aux risques de rupture ou de baisse des importations en provenance d'Ukraine et de Russie, l'Algérie a annoncé le week-end dernier l'interdiction des exportations de plusieurs produits alimentaires dont la matière première est importée par le pays.

45 pays menacés

Dans des pays comme le Yémen ou le Soudan du Sud, qui sont dévastés par la guerre, la famine menace également les habitants. Si c'est bien les guerres civiles qui sont d'abord responsables de cette famine, au Yémen, 5 fois plus de personnes risquent de souffrir de la faim cette année à cause des problèmes d'approvisionnement provoqués par la guerre en Ukraine, ont indiqué l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l’Agriculture (FAO), le fonds pour l'enfance UNICEF et le Programme alimentaire mondial (PAM). En effet, plus de 40% des importations de céréales du pays proviennent d'Ukraine et de Russie.

D'après le chef de l'ONU, pas moins de "45 pays africains et pays les moins avancés importent au moins un tiers de leur blé d'Ukraine ou de Russie et 18 de ces pays en importent au moins 50%. Cela comprend des pays comme le Burkina Faso, l'Egypte, la République démocratique du Congo, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et le Yémen."

L'Europe doit "assumer sa mission nourricière"

La situation est d'autant plus préoccupante qu'avec l'arrivée du printemps, la période des semis devrait bientôt débuter en Ukraine et que rien n'indique qu'elle pourra se tenir, le tout à 3 semaines du début du ramadan. "Les balles et les bombes en Ukraine peuvent amener la crise alimentaire mondiale à des niveaux jamais vus auparavant", résume le Programme alimentaire mondial (PAM).

Pour apporter une alternative à ces pays dépendants du blé russe et ukrainien, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie appelle à produire plus au niveau européen en indiquant que le Vieux continent doit "assumer sa mission nourricière." "Il faut que l'Europe produise plus, elle bénéficie des terres parmi les plus fertiles au monde, il faut que l'Europe ait une capacité à produire plus pour pouvoir également accompagner d'autres pays qui n'ont rien à voir avec le conflit mais qui se voient impactés dans leur possibilité d'accès à l'alimentation, notamment sur le continent africain et en particulier en Afrique du nord".

VIDÉO - La Tunisie subit de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine