Guerre à Gaza : pourquoi la mort du chef du Hamas risque d'enterrer un accord de cessez-le-feu

Le chef de la branche politique du Hamas Ismaïl Haniyeh a été tué dans une frappe aérienne alors qu'il se trouvait à Téhéran. La mort du responsable devrait mettre aux discussions concernant un possible cessez-le-feu avec Israël, déjà compromises.

Un assassinat aux lourdes conséquences pour la guerre à Gaza? Le chef de la branche politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a été tué dans une frappe aérienne alors qu'il était en visite diplomatique à Téhéran, en Iran, loin du Qatar et de la Turquie où il est habituellement exilé, a annoncé l'organisation islamiste ce mercredi 31 juillet.

Le Hamas, responsable de la mort de près de 1 200 personnes et de l'enlèvement de 251 personnes lors des attaques du 7 octobre en Israël, restait jusqu'ici en discussions régulières avec l'État hébreu, via divers intermédiaires, dont le Qatar, concernant un accord de cessez-le-feu et des possibles libérations d'otages. Ismaïl Haniyeh apparaissait dans ce contexte comme le négociateur en chef du Hamas.

Mais depuis plusieurs semaines, les négociations sont de plus en plus crispées, dans un contexte de multiplications des déclarations va-t-en-guerre de part et d'autre, et d'affrontements localisés, notamment au nord du pays, à la frontière libanaise et dans le Golan occupé par Israël.

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Une situation que la mort d'Ismaïl Haniyeh ne devrait pas arranger, peu importe qui prendra sa suite à la tête de la branche politique du Hamas par la suite.

Ce mercredi, le Qatar, principal intermédiaire entre le Hamas et Israël, s'interroge sur la possibilité même de pouvoir continuer à mener toute négociation. "Les assassinats politiques et le fait que des civils continuent d'être pris pour cible à Gaza (...) Nous amènent à nous demander comment une médiation peut réussir lorsqu'une partie assassine le négociateur de l'autre partie", a déclaré le Premier ministre Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani.

"La paix a besoin de partenaires sérieux", a-t-il tancé.

Les États-Unis, par la voix du secrétaire d'État Anthony Blinken, ont souligné "l'impératif" de parvenir à un cessez-le-feu. "Bien sûr, j'ai vu les informations et tout ce que je peux vous dire pour l'instant, c'est que rien ne remet en question l'importance de parvenir à un cessez-le-feu", a dit le chef de la diplomatie américaine lors d'un forum de discussion à Singapour.

Jusqu'ici, le chef du bureau politique du Hamas tenait une position claire sur le volet des négociations: l'organisation islamiste libérerait l'intégralité des otages qu'en cas de fin définitive des combats à Gaza.

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Une condition inacceptable pour Benjamin Netanyahu qui continue d'afficher deux objectifs qu'il présente comme indissociables et qu'il a érigé en promesses faites aux Israéliens: la libération des otages et l'éradication du Hamas.

Alors que la guerre à Gaza dure depuis près de 10 mois, les derniers otages libérés par le Hamas l'ont été le 30 novembre. Depuis, les négociations bloquent et les tensions se sont intensifiés, notamment récemment avec les frappes revendiquées par le Hezbollah libanais, allié du Hamas, sur le plateau du Golan syrien occupé par Israël. Cette escalade a continué à miner les discussions autour d'une possible trêve.

La branche armée du Hamas a assuré ce mardi que l'"assassinat" d'Ismaïl Haniyeh aura des "conséquences énormes pour la région".

Dans le contexte des attaques croisées entre le Hezbollah et Israël et alors que la situation des Gazaouis est de plus en plus critique, plusieurs acteurs de la région avaient déjà tenu des discours particulièrement hostiles à l'égard de l'État hébreu.

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Dimanche, le président turc Recep Tayyip Erdogan a évoqué la possibilité d'une intervention de l'armée turque en Israël, à l'image des opérations passées "au Karabakh", dans le cadre du conflit opposante l'Arménie à l'Azerbaïdjan, ou "en Libye", où la Turquie a également des intérêts.

Mardi soir, avant l'annonce de l'assassinat, l'armée israélienne a ainsi affirmé vouloir éviter tout "conflit élargi" avec le Hezbollah libanais, mais a également assuré que ses forces sont prêtes à "tous les scénarios".

Après l'annonce de la mort d'Ismaïl Haniyeh, le guide suprême iranien Ali Khamenei a déclaré que l'Iran le "devoir de venger" le responsable du Hamas, et a promis à Israël un "châtiment sévère", sans en préciser la nature. L'Iran forme avec le Hamas, le Hezbollah, les Houthis yéménites, les milices chiites en Iran et en Syrie, un "axe" de résistance" armée contre Israël.

Malgré ses promesses vengeresses, "l'Iran ne veut pas tomber dans une guerre totale avec Israël car (les responsables iraniens) savent que ce serait une guerre avec les États-Unis", estime sur BFMTV le chercheur spécialiste de l'Iran à l'IRIS Thierry Coville.

Dans ce contexte, Téhéran pourrait donc chercher à mobiliser les groupes avec qui il est allié pour éviter une escalade que son armée ne pourrait pas tenir. Et pousser pour que le Hamas se venge lui aussi, quitte à enterrer la possibilité d'un accord de trêve à court terme.

Article original publié sur BFMTV.com