Guerre à Gaza : après la mort de Yahya Sinouar, peut-on vraiment parler du « début de la fin » du conflit ?

Des bâtiments détruits à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 17 octobre 2024.
BASHAR TALEB / AFP Des bâtiments détruits à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 17 octobre 2024.

PROCHE-ORIENT - Après des mois d’enlisement, la guerre à Gaza pourrait avoir connu un tournant décisif jeudi 17 octobre. Considéré comme l’architecte des attaques du 7 octobre 2023, le chef du Hamas Yahya Sinouar a été tué lors d’une opération de l’armée israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Cet homme de 61 ans dirigeait depuis 2017 le mouvement terroriste palestinien, avant d’être nommé début août chef politique du Hamas après la mort d’Ismaïl Haniyeh.

Ce que la mort de Yahya Sinouar peut changer dans la guerre Israël-Hamas

« Yahya Sinouar est mort », s’est aussitôt félicité Benjamin Netanyahu dans un message vidéo en anglais diffusé dans la nuit. « Ceci ne signifie pas la fin de la guerre à Gaza, mais le début de la fin », a souligné le Premier ministre israélien.

En France, le président Emmanuel Macron a affirmé que la mort de Yahya Sinouar « (était) un tournant » et une occasion à saisir pour que la guerre soit « enfin arrêtée ». Même son de cloche de la part du président américain Joe Biden ou du chancelier allemand Olaf Scholz. « Je constate une inflexion dans le discours de Benyamin Netanyahu qui hier, (...) a annoncé (...) le début de la fin » de la guerre à Gaza, a salué de son côté le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot.

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Si les mots de « fin » ou de « début de la fin » de la guerre à Gaza reviennent beaucoup sur la table depuis jeudi soir, notamment dans la bouche de grands dirigeants, certains analystes géopolitiques restent plus mesurés.

À la tête du Hamas, Mohammed Sinouar désormais pressenti

« La structure politico-militaire du Hamas est en voie de désintégration, ce qui ne veut pas dire que le Hamas va disparaître. On ne fait pas disparaître une idéologie par magie », commente ainsi auprès du HuffPost David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques.

Avant Yahya Sinouar, d’autres têtes importantes du Hamas sont tombées cet été. Chef du bureau politique du mouvement exilé en Iran, Ismaïl Haniyeh a ainsi été tué dans une frappe à Téhéran fin juillet. Il s’agissait d’un des plus hauts dirigeants du Hamas au cours des deux dernières décennies. Quelques heures plus tard, le Hamas avait perdu un autre de ses grands noms, Mohammed Deif, le chef de la branche armée du mouvement terroriste, lors d’une frappe dans la bande de Gaza. Il était l’un des hommes les plus recherchés par Israël depuis près de trente ans.

Mohammed Sinouar, le frère cadet de Yahya Sinouar, « va (désormais) avoir des velléités de reprendre ce qu’il reste de la structure du Hamas », mais avec « un risque d’éparpillement, de chaos, de cellules qui fonctionnent de manière autonome », ajoute-t-il. Après avoir rejoint les rangs du Hamas à l’adolescence, Mohammed Sinouar, âgé d’une cinquantaine d’années, est le chef des brigades Izz al-Din al-Qassam, la branche militaire de l’organisation terroriste.

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Pierre Lellouche, ancien Secrétaire d’État aux Affaires européennes et spécialiste en géopolitique des conflits, voit, lui, tout un symbole dans la mort de Yahya Sinouar, dont les derniers instants ont été filmés par un drone dans un bâtiment de Gaza. « Même les conditions de sa mort, les armes à la main, sont vécues comme la preuve que c’était un vrai martyr (...) et je pense qu’il va faire des émules, il est clair que le Hamas n’est pas fini », avance l’homme politique de droite sur Europe 1 ce vendredi.

« D’un point de vue stratégique, le Hamas ne veut pas en finir [dans ce conflit] avec les conditions imposées par Israël, mais pour des raisons tactiques, il est peut-être plus enclin à envisager une pause qui l’aiderait à se regrouper et qui serait populaire auprès des Palestiniens », anticipe de son côté Alan Pino, ancien officier de la CIA et du Conseil national du renseignement pour le Moyen-Orient, auprès du Middle East Eye.

« Le martyr de notre chef Yahya al-Sinouar (...) ne fera que renforcer notre mouvement et notre résistance », a affirmé le Hamas vendredi. Le mouvement est « vivant et le restera », a assuré samedi le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei.

La question centrale des otages israéliens

Surtout, le sort des 97 otages israéliens toujours captifs à Gaza, dont 34 sont déclarés morts par Tsahal, reste au centre des enjeux dans l’enclave palestinienne, pour Benjamin Netanyahu.

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« La question des otages n’est pas réglée et c’est un problème majeur pour Netanyahu, car il en avait fait un des buts de guerre. Tant qu’ils ne sont pas libérés, pour les Israéliens, ce n’est pas fini », rappelle David Rigoulet-Roze. « Et après l’élimination de Sinouar, est-ce qu’il ne va pas y avoir des actes de vengeance ? », se demande le chercheur.

David Rigoulet-Roze souligne aussi « un gros point d’interrogation » sur la gestion des otages par le Hamas. « On pensait, à tort ou à raison, que Yahya Sinouar était, pour sa sécurité dans les tunnels, entouré par quelques otages clés comme assurance-vie. Manifestement, ce n’était pas tout le temps le cas car il était sorti des tunnels avec vraisemblablement deux gardes du corps et il a été éliminé en surface (jeudi), or il n’y avait pas d’otages autour de lui. »

Après la mort de Sinouar, le chef d’état-major de l’armée israélienne, le général Herzi Halevi, a affirmé que la guerre « ne s’arrêterait pas » avant la capture de tous les auteurs du 7-Octobre et le retour de « tous les otages » retenus à Gaza. Ce à quoi le Hamas a répliqué ce vendredi : les otages « ne reviendront pas (...) tant que l’agression contre notre peuple à Gaza ne cessera pas, qu’il n’y aura pas un retrait complet du territoire et que nos prisonniers héroïques ne seront pas libérés des prisons de l’occupation ».

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