«Ce groupe vous aidera à passer gratuitement de la Grèce à la Bosnie»: comment des migrants organisent leur exil sur Telegram

Sur ce canal Telegram, des migrants souhaitant tenter la traversée de l'Europe échangent en persan. | Clémence Martin
Sur ce canal Telegram, des migrants souhaitant tenter la traversée de l'Europe échangent en persan. | Clémence Martin

Arrêté et placé en garde à vue puis sous contrôle judiciaire, Pavel Dourov, le patron de la messagerie Telegram, est dans de beaux draps. Depuis plusieurs mois, la plateforme qu'il a fondée en 2013 est dans le viseur de la justice française. La raison? La multitude de canaux de discussion peu, voire pas modérés, qui permettent la diffusion de contenus informels.

À mi-chemin entre des réseaux de solidarité et de passeurs, Telegram est notamment au cœur du «game», c'est-à-dire le passage de frontières pour rejoindre l'Europe. «Faire des parties» ou des «matchs»: le champ lexical du jeu revient sans cesse quand on parcourt les canaux où échangent les exilés qui cherchent à traverser les Balkans. Sur certains de ces groupes, ils sont plusieurs milliers à être inscrits et intéressés pour y participer.

«The Game»

En explorant ces conversations, on pourrait croire qu'il s'agit de prime abord d'un nom de code. En réalité, le «game» est le mot utilisé par les exilés pour désigner «les personnes qui s'organisent seules pour traverser les frontières», explique Théo Lefort, chercheur spécialiste des parcours migratoires des Afghans. Le mot game est «systématiquement utilisé en anglais» par les migrants de toute origine, qu'ils soient turcs, iraniens ou afghans.

Pour le chercheur, c'est un concept «très intéressant» qu'il faut «veiller à ne pas romantiser». Les exilés «ne considèrent pas ça réellement comme un jeu avec un côté ludique. Ils connaissent très bien les risques: ne jamais revoir [leur] famille, mourir, se faire arrêter, frapper…» En effet, les sévices dont les exilés peuvent faire l'objet sont évoqués à de multiples reprises. Le 7 décembre 2023, l'administrateur de l'un de canaux publie une photo où l'on voit les jambes blessées d'une personne: la cheville droite est bandée et le genou gauche couvert d'ecchymoses.

Une photo postée par l'administrateur de l'un des canaux…

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