Grondements de foule au Caire

Dans «les Derniers Jours d’une ville», Tamer El Said suit avec mélancolie les prémices de la révolution de 2011.

Les Derniers Jours d’une ville, de Tamer El Said, tourné dans les rues du Caire, a beaucoup de traits communs avec un autre film, Mémoires du sous-développement (1968) du cinéaste cubain Tomás Gutiérrez Alea, tourné dans les rues de La Havane. Chacun des deux est le portrait d’une ville, mêlé à celui d’un homme qui pourrait bien être un alter ego de l’auteur, étant avant tout un avatar de spectateur : qui assiste au spectacle d’une ville comme au spectacle de sa propre vie, sur laquelle il n’a pas prise. Et chacun des deux reconstitue, à quelques années de distance, un moment précis, courant sur quelques mois, de l’histoire récente de son pays : chez Gutiérrez Alea, les soubresauts géopolitiques de 1961-1962, filmés moins d’une décennie plus tard - et pour Tamer El Said aujourd’hui, Le Caire à partir de la fin 2009, sous le régime de Moubarak déjà contesté par des manifestations qui prendront de l’ampleur dans les années suivantes, et conduiront à sa chute pendant la révolution.

Enfin les deux films partagent, à même leur forme, les symptômes d’une mélancolie aiguë qui s’exprime par une esthétique de la confusion, dans le suspens caniculaire qui affecte les plans et les paroles, et dans la constante réflexivité de l’œuvre sur elle-même.

Si Mémoires du sous-développement était un chef-d’œuvre de tension dialectique entre les éléments contraires mis en contact par son montage, les Derniers Jours d’une ville, sans doute moins directement politique, ne produit pas le même effet (un choc) - mais celui qu’il produit perdure pourtant après la projection, nous laissant physiquement prisonniers de son style de «captation» en apesanteur, et de sa bande-son envahie par une sorte de surdité.

Son personnage principal, Khalid le cinéaste, n’en finit pas de travailler à un film qui est peut-être aussi celui que nous regardons, où tous les pans de son existence (le travail, (...)

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