Sciences Po Grenoble : une enquête ouverte après des accusations d'islamophobie contre deux professeurs

Des affiches ont été placardées sur les murs de l'IEP visant deux professeurs qui auraient tenu des propos "islamophobes". L'un d'eux assure à BFMTV qu'il s'agit d'une campagne menée par des "étudiants extrémistes".

Deux professeurs de Sciences Po Grenoble ont vu leur nom placardé sur des collages contre les façades de l'institution vendredi. Ils sont tous les deux accusés d'islamophobie par "des étudiants extrémistes", dénonce l'un d'eux à notre antenne ce samedi, déplorant un contexte dans lequel il n'est plus possible de débattre sur l'islamophobie.

En début de soirée, le parquet de Grenoble précise à BFMTV.com avoir ouvert une enquête pour "injure publique envers un particulier par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique" et "dégradation ou détérioration légère de bien destiné à l'utilité ou la décoration publique par inscription, signe ou dessin". L'enquête a été confiée au commissariat de Grenoble.

L'alignement racisme, islamophobie, antisémitisme contesté

Klaus K., professeur d'allemand à l'IEP de Grenoble depuis 25 ans, explique à BFMTV que la polémique est née à la fin du mois de novembre d'un groupe de travail informel pour préparer la semaine "de l'Égalité et contre les discriminations".

"Je m'étais inscrit pour préparer une journée thématique au titre: racisme, islamophobie, antisémitisme, raconte-t-il. Je contestais dans la discussion avec mes étudiants cet alignement de ces trois termes dans une seule thématique."

La France est alors confinée et les échanges se déroulent par mail. Dans l'un des messages consultés par Marianne, l'enseignant dit à sa collègue également membre du groupe de travail, être "intrigué par l'alignement révélateur de ces trois concepts dont l'un ne devrait certainement pas y figurer (on peut même discuter si ce terme a un vrai sens ou s'il n'est pas simplement l'arme de propagande d’extrémistes plus intelligents que nous)".

Selon lui, "l'immense majorité des cas de discrimination des musulmans aujourd'hui (et ces cas de discrimination existent, évidemment!), n'a que peu ou pas de rapport avec la religion mais relève du racisme pur et simple."

Harcèlement et atteinte morale violente

"Ma collègue m'a vite exclu du groupe de travail car des étudiants se disaient blessés par mes paroles. Le groupe de travail a continué de travailler en vidéo sans moi et moi j'en étais réduit à écrire des mails à ma collègue", déplore-t-il.

Sa collègue est membre du laboratoire de recherche en sciences sociales PACTE, lui-même dépendant du CNRS. Le 7 décembre, ce dernier publie un communiqué officiel dans lequel il accuse Klaus K. de "forme de harcèlement et une atteinte morale violente." "J'ai répondu à ça, pendant quatre-cinq semaines tout était clos", poursuit-il sur notre antenne.

Mais début janvier l'affaire connaît un nouveau rebondissement lorsque le collectif "Sciences Po Grenoble en lutte" publie une série de messages sur Facebook, sans nommer le professeur directement, où il dénonce des propos "inacceptables" et "un discours ancré à l'extrême-droite".

"Les étudiants les plus extrémistes de l'IEP ont rebondi avec une campagne sur Facebook, où mes propos ont été retravaillés, tronqués, refabriqués à leur guise pour faire de moi un extrémiste de droite et un islamophobe", dénonce le professeur d'allemand.

"Balance ton IEP"

À la suite de cette campagne en ligne, des affiches ont donc été collées vendredi sur les murs de l'IEP, sur lesquelles on peut notamment lire "#Sciencesporcs", "Balance ton IEP". Ce collage a été relayé par les pages des réseaux sociaux du syndicat étudiant l'UNEF. Un acte condamné dans un message interne par la direction de l'établissement.

En parallèle, un second professeur, Vincent T., maître de conférences en sciences politiques est également pris pour cible après avoir apporté son soutien à Klaus K. Il présente un cours non obligatoire intitulé: "Islam et musulmans dans la France contemporaine". L'Union syndicale Sciences Po Grenoble a demandé que ce cours soit retiré "des maquettes pédagogiques pour l'année prochaine".

"Je ne nie pas que mon cours comporte une approche critique de l'islamisme. (...) Mais le problème n'est pas dans les problèmes de définition: il est dans l'usage des étiquettes qui, aujourd'hui, on le sait, peuvent tuer", explique-t-il à Marianne.

"Silence assourdissant"

Depuis, Vincent T. a demandé aux étudiants membres de l'Union syndicale Sciences Po Grenoble de quitter son cours. Klaus K. a lui pris des jours de congé, encore sous le choc de cette situation "extrême". Il déplore aussi "le silence assourdissant" des autres professeurs de l'IEP "qui n'ont montré aucun signe de solidarité".

Mes nerfs sont un peu à bout (...) mais je n'ai pas peur. Je continue de défendre la liberté de s'exprimer dans une université, d'avoir le droit de défendre des idées qui ne sont pas celles de mes collègues."

Article original publié sur BFMTV.com

Ce contenu peut également vous intéresser :