Bruxelles minimise les révélations de Greenpeace sur le TTIP

par Caroline Copley BERLIN (Reuters) - La Commission européenne a assuré lundi qu'elle défendait le principe de précaution dans les négociations pour la conclusion d'un partenariat commercial transatlantique (TTIP) entre l'UE et les Etats-Unis, contrairement aux allégations de Greenpeace. L'organisation non gouvernementale affirme que le TTIP - Tafta en français - altérerait les normes de sécurité alimentaire et environnementale européennes en faveur des multinationales, s'appuyant sur des documents confidentiels portant sur une partie des négociations. Greenpeace Pays-Bas a publié lundi 248 pages de "textes consolidés" qui portent sur 13 chapitres, soit près de la moitié de l'accord, sur le site TTIP-leaks.org. Ces documents datent de début avril et ont été rédigés avant un cycle de négociations organisé la semaine dernière à New York. "Nous avons fait cela pour lancer le débat", a expliqué Jürgen Knirsch, spécialiste des traités commerciaux chez Greenpeace, lors d'une conférence de presse, ajoutant que les documents démontraient qu'il fallait suspendre les négociations. "La meilleure chose que la Commission européenne puisse faire, c'est dire : 'désolé, nous avons fait une erreur'." "TEMPÊTE DANS UN VERRE D'EAU" Pour la Commission européenne, ces documents reflètent les positions des négociateurs et pas la conclusion des tractations. Cecilia Malmström, commissaire européenne au Commerce, a jugé que les révélations de Greenpeace étaient une "tempête dans un verre d'eau" et assuré que les Européens ne renonceraient à aucun de leurs principes dans le seul but de signer un accord avec les Etats-Unis avant la fin du mandat de Barack Obama. "Aucun accord commercial de l’Union européenne ne viendra jamais abaisser le niveau de protection des consommateurs, pas plus que de la sécurité alimentaire ou de l’environnement", dit-elle dans un communiqué. "Les accords commerciaux n’affecteront pas notre législation sur les OGM, ou notre mode de protection de viande bovine en toute sécurité, ou nos moyens de protection de l’environnement." "Aucun accord commercial ne limitera notre capacité à réglementer pour protéger nos citoyens ou notre environnement dans l’avenir", ajoute-t-elle. "Là où nos positions sont trop éloignées, les négociations ne produiront simplement pas de résultat." Le représentant américain au Commerce a lui aussi rejeté les conclusions tirées des divulgations de Greenpeace, qui sont, selon son porte-parole, au mieux "trompeuses", au pire "tout à fait erronées". Le gouvernement français avait, avant même la publication de documents par Greenpeace, menacé de bloquer la négociation menée au nom des Vingt-Huit par la Commission européenne. Pour le Premier ministre Manuel Valls, les positions de l'Union européenne et des Etats-Unis sont encore trop éloignées pour conclure un accord avant la fin de l'année, objectif affiché par Barack Obama et l'exécutif européen. MANDAT CLAIR DE NÉGOCIATION La délégation socialiste au Parlement européen a estimé que les documents publiés par Greenpeace, notamment sur l'abandon présumé du principe de précaution, devaient inciter les Européens, et la France, à prendre leurs responsabilités. "L'Union européenne, dès lors, doit s’interroger et envisager de suspendre les négociations", dit-elle dans un communiqué, jugeant que la Commission avait "démissionné". Pour le Parti de gauche, en campagne contre le projet de traité depuis des années, la preuve est faite que les garanties données par l'exécutif européen ne sont pas respectées. "Les négociations doivent s'arrêter et ce traité être abandonné", peut-on lire dans un communiqué. "Le climat, la biodiversité, la justice sociale ne sont pas compatibles avec ces règles de libre marché que les oligarchies veulent imposer sur toute la planète." Les négociateurs se sont fixé pour objectif d'élaborer les textes consolidés d'ici juillet avant d'aborder les questions les plus délicates dans le courant du deuxième semestre. Cecilia Malmström a expliqué que les Etats membres de l'UE auraient de toute manière le dernier mot, comme le Congrès aux Etats-Unis, où le TTIP est aussi très contesté. "Ma mission n’est pas d’abaisser les normes. Je dispose d’un mandat clair de négociation, donné à la Commission par 28 gouvernements européens", a-t-elle souligné. "Et comme toujours, le résultat final d’une négociation ne pourra devenir réalité qu’après son approbation par ces 28 États membres et par le Parlement européen." (Avec la contribition d'Yves Clarisse, Nicolas Delame pour le service français)