Grève du 7 mars : en 1995, les syndicats avaient mis la France à l’arrêt, voici comment
MANIFESTATIONS - L’objectif est affiché depuis plusieurs jours par les représentants de tous les syndicats : mettre « la France à l’arrêt » ce mardi 7 mars pour protester contre la réforme des retraites. Pour cette nouvelle journée d’actions, la sixième depuis le 19 janvier, le gouvernement a demandé aux Français qui le peuvent de télétravailler, signe qu’il entrevoit une mobilisation importante.
Certains syndicats espèrent qu’elle donnera le coup d’envoi d’un mouvement reconductible comme le pays en a connu un en 1995. Cette année-là, en novembre, la réforme des retraites d’Alain Juppé fait descendre dans la rue jusqu’à deux millions de personnes selon le ministère de l’Intérieur et débouche sur un retrait du texte. Une victoire des opposants aux ingrédients bien spécifiques que nous analysons dans la vidéo visible en tête d’article (et qui a été publiée pour la première fois mi-janvier).
Le 15 novembre 1995, Alain Juppé présente le plan Juppé, un plan d’économies avec pêle-mêle, une hausse des tarifs d’accès à l’hôpital, le déremboursement de médicaments mais pas seulement. « Au nom de la justice, nous engagerons la réforme des régimes spéciaux de retraite », annonce le Premier ministre à l’Assemblée nationale.
Il prévoit un allongement de la durée de cotisation pour les fonctionnaires, les salariés d’EDF, de la SNCF, de la RATP ou encore de la Poste, comme ce qui a été fait pour les salariés du privé deux ans plus tôt. Et là, ça ne passe pas. La colère monte vite, et s’organise tout aussi rapidement. Les syndicats, peu consultés, tombent de leurs chaises, tout comme les Français qui ont élu Jacques Chirac pour sa promesse de campagne, c’est-à-dire la lutte contre « la fracture sociale » ; pas contre le déficit.
Coagulation des luttes et grève par procuration
À l’époque, les syndicats, dont le poids et la présence dans les entreprises sont plus importants qu’aujourd’hui, s’unissent dès le début pour organiser, le 24 novembre, la première manifestation à Paris. Et même si le front syndical finit par s’effriter, la coagulation de plusieurs conflits dans le mouvement rassemble les Français.
Car cette réforme des retraites n’est pas le seul dossier explosif : quelques mois plus tôt, Alain Juppé a annoncé le « contrat plan entre la SNCF et l’État », qui prévoit la suppression de plusieurs milliers de kilomètres de chemin de fer et met les cheminots en rogne. Ils rejoignent les agents de la Poste, de la RATP, les enseignants, les salariés du privé et les étudiants pour marcher main dans la main contre le plan Juppé.
Pendant trois semaines, le pays est paralysé, les services publics ne sont plus assurés. À Paris, les transports sont à l’arrêt, d’autant qu’à l’époque, les grévistes ne sont pas obligés de se déclarer 48 heures à l’avance. On met donc des heures pour arriver au travail ou rentrer chez soi, en voiture, en stop, à vélo, ou à pied.
Mais ce qu’Alain Juppé ne voit pas venir à l’époque, c’est la solidarité des Français avec le mouvement, un phénomène qu’on appelle alors la « grève par procuration ». Un paramètre essentiel qui fait durer la mobilisation, avec un pic le 12 décembre.
Trois jours plus tard, Alain Juppé annonce l’abandon de la réforme des retraites et le gel du contrat plan avec la SNCF. Les grévistes crient victoire; cet épisode reste un traumatisme pour la droite et un modèle pour le mouvement social.
À voir également sur Le HuffPost :
Réforme des retraites : Le monde de la culture a fini par s’en emparer