Gouvernement Barnier : les leçons très politiques des ministres sortants à leurs successeurs

Gouvernement Barnier : les leçons très politiques de ces ministres sortants (ici Eric Dupond-Mretti) à leurs successeurs (ici Didier Migaud)
DIMITAR DILKOFF / AFP Gouvernement Barnier : les leçons très politiques de ces ministres sortants (ici Eric Dupond-Mretti) à leurs successeurs (ici Didier Migaud)

POLITIQUE - Trois petits mots et puis s’en vont. Pendant que les nouveaux nommés font leur premier pas au gouvernement, avec un petit-déjeuner à Matignon suivi d’un Conseil des ministres à l’Élysée ce lundi 23 septembre, les ministres sortants retournent à la vie (presque) normale. Non sans mettre en garde, sinon alerter, leurs successeurs sur des sujets de fond ou de méthode.

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Les traditionnelles passations de pouvoir ont effectivement été riches en symboles et messages politiques. Le signe supplémentaire d’une nouvelle ère, marqué par un partage du pouvoir inédit pour le camp présidentiel. Et le reflet d’une certaine inquiétude face à l’arrivée aux affaires de responsables aux positions conservatrices, à Matignon ou ailleurs.

Parmi les ténors forcés de plier bagage, on retrouve Éric Dupond-Moretti. Locataire du ministère de la Justice quatre ans durant, l’avocat devenu garde des Sceaux cède sa place à Didier Migaud, le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Ce dernier, ancien du PS présenté par l’entourage du Premier ministre comme représentant la tendance « divers gauche » au sein du nouvel alliage gouvernemental, est qualifié, par certains, d’unique « prise » au-delà de la droite. Un « statut », qu’Éric Dupond-Moretti lui a rappelé dès les premières minutes de son discours ce lundi, au ministère, en assurant pour sa part n’avoir « jamais cherché à être un marqueur de droite ou un marqueur de gauche. »

Sur le fond, le désormais ex-ministre a prévenu son successeur qu’il lui faudrait sans doute montrer les dents pour préserver la hausse du budget (et des effectifs) qu’il a obtenu au fil de ces années. En ce sens, « il est indispensable » à ses yeux que sa dernière loi de programmation, votée par le Parlement en octobre 2023 et qui prévoit l’embauche de milliers de magistrats, soit « respectée. » « Une trahison de cette loi serait un signal dévastateur adressé à tous ceux qui servent la justice », a-t-il soufflé, à l’heure où les « décisions fortes » à attendre sur le budget font planer le spectre de coupes sévères dans la dépense publique.

Nicole Belloubet : stop les « oukases »

Comme un écho à quelques kilomètres de la Place Vendôme, la ministre sortante de l’Éducation nationale Nicole Belloubet a adressé les mêmes conseils et leçons en quittant la rue de Grenelle sept mois seulement après y être entrée.

Sur les moyens, l’ancienne rectrice (et garde des Sceaux entre 2017 et 2020) a elle aussi réclamé la « sanctuarisation » du budget de l’éducation nationale, « une exigence nécessaire » car « l’école est toujours un investissement pour l’avenir. » Sur le fond et la méthode, elle a rappelé le besoin « d’apaisement » alors que professeurs et personnels ont vu se succéder six ministres (et autant de lignes) en quatre ans.

« Sept mois, ce n’est pas assez pour faire évoluer notre système éducatif qui en a vraiment besoin, mais qui plus que des oukases ou des slogans, mérite des impulsions et inflexions concertées », a-t-elle par exemple avancé, en regrettant notamment le « tourbillon de réformes » qui a pesé sur les enseignants ces dernières années. Autant de messages envoyés à sa successeure, la députée Renaissance Anne Genetet. Mais également au Premier ministre, Michel Barnier.

Sylvie Retailleau et les étudiants étrangers

Dans le contexte actuel, le propos le plus politique était sans doute à trouver du côté d’un ministère moins scruté, celui de l’Enseignement supérieur. En quittant son poste, Sylvie Retailleau a effectivement adressé quelques flèches en direction de la droite sur la question de l’immigration et des étudiants étrangers.

« Je le dis avec force, les étudiants internationaux sont une chance pour la France. Parmi eux, on le sait, se trouve le prochain Léopold Sédar Senghor. Parmi eux se trouve la prochaine Marie Skłodowska Curie », a-t-elle notamment lancé, avant d’ajouter : « Comment ne pas penser à toutes celles et ceux qui ne sont pas français mais qui sont venus étudier en France et qui en sont devenus de véritables ambassadeurs, pétris qu’ils étaient de sa culture, de sa langue, et de sa richesse scientifique ? Ces amoureux de la France que l’on retrouve dans chacun de nos laboratoires. »

À ses côtés, son successeur Patrick Hetzel, député Les Républicains aux positions très conservatrices sur les enjeux migratoires, n’a pas cillé. Il faisait partie des députés LR les plus offensifs sur la dernière loi immigration à l’hiver 2023, désireux d’imposer notamment une caution aux étudiants étrangers à leur arrivée dans l’Hexagone. Cette question avait marqué les débats parlementaires, et suscité l’ire d’une partie de la Macronie. Ce n’était sans doute qu’un début.

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