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Glyphosate, loup : Ursula von der Leyen se met à dos les écolos pour la fin de son mandat

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, ici le 13 septembre 2023 lors de son discours sur l’État de l’Union.
picture alliance / dpa/picture alliance via Getty I La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, ici le 13 septembre 2023 lors de son discours sur l’État de l’Union.

UNION EUROPÉENNE - Serait-ce la fin de la lune de miel entre Ursula von der Leyen et l’écologie ? Malgré son image « verte », la présidente de la Commission européenne a surpris ses dernières semaines par ses prises de position, s’attirant les foudres des eurodéputés écolos et des associations de protection de l’environnement.

Le premier épisode remonte au 4 septembre dernier. Un an après la mort de son vieux poney Dolly, tué par un canidé dans sa maison familiale en Allemagne, elle a mis en garde contre le « danger réel » que représentait « la concentration de meutes de loups (...) pour le bétail et, potentiellement, pour l’homme ».

Elle a appelé toutes les parties concernées à soumettre « des données actualisées sur les populations de loups et leurs impacts », données qui permettront à la Commission de décider « d’une proposition visant à modifier, le cas échéant, le statut de protection du loup au sein de l’UE et à mettre à jour le cadre juridique ».

Leonie Vestering, une députée néerlandaise, a exprimé sa colère en commission parlementaire, rapporte le site spécialiste de l’actualité européenne Euractiv. « Allons-nous permettre à la présidente de la Commission d’abuser de son pouvoir pour se venger personnellement parce qu’un de ses poneys a été victime d’un loup ? », a-t-elle fustigé. « Si le loup n’est plus protégé, il y a de fortes chances qu’il soit exterminé par la chasse, comme au XIXe siècle », a-t-elle souligné.

Le glyphosate, dix ans de plus ?

« Lance-t-elle une vindicte personnelle contre le loup suite à la mort de son poney en septembre 2022 ou utilise-t-elle l’animal comme manœuvre politique pour s’assurer le renouvellement de son mandat en 2024 ? », s’est de son côté demandé l’association Ferus, qui défend les animaux, dans un communiqué.

Et ce mercredi 20 septembre, c’est un autre sujet inflammable qui a fait bondir les élus écologistes : la possible prolongation de l’autorisation du glyphosate dans l’UE pendant dix ans sous conditions. Proposition faite, une fois encore, par la Commission européenne d’Ursula von der Leyen après un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), estimant que le niveau de risque ne justifiait pas d’interdire cet herbicide controversé.

C’est une « aberration totale », a fustigé sur Twitter Marie Toussaint, eurodéputée tête de liste EELV pour les prochaines élections européennes. « Sa réapprobation et pour une telle durée constituerait une violation des droits humains à la vie et la santé, et des droits du vivant », a-t-elle ajouté. Même indignation de son collègue Benoît Biteau : « Quel scandale ! Les études scientifiques pointent la toxicité à long terme de cette substance. Et même avec ça, la Commission européenne persiste et signe. Kafkaïen ! »

C’est donc peu dire qu’Ursula von der Leyen ne s’est pas fait que des amis du côté des Verts. Élue en 2019 par les parlementaires européens, cette membre du parti conservateur allemand CDU avait pourtant de grandes ambitions en matière d’écologie. La preuve avec le « Pacte vert » européen, un plan d’action d’urgence pour le climat dont l’objectif est d’atteindre la neutralité climatique sur le continent d’ici à 2050.

Le Pacte vert comme priorité

Si ce Green Deal a abouti à la fin programmée de la vente des véhicules thermiques d’ici à 2035 et à la loi climat (objectif de baisser de 55 % des émissions de CO2 d’ici à 2030), le Pacte vert reste inachevé avec 37 textes encore en négociations. Dans son discours sur l’État de l’Union le 13 septembre, le dernier de son mandat, Ursula von der Leyen a malgré tout assuré vouloir « garder le cap » et « terminer le travail ».

Pas de quoi rassurer les écolos comme David Cormand, cité par Public Sénat. « Elle a parlé du Pacte vert pour le mettre au crédit de son bilan. C’était un discours timoré, vide, d’un membre du PPE [groupe qui rassemble les partis de droite et dont Ursula von der Leyen fait partie, NDLR] qui considère la transition écologique comme un handicap à la compétitivité », a-t-il regretté.

Associations et eurodéputés s’accordent : le discours plus modéré de la présidente de la Commission européenne s’explique par l’approche des élections européennes de juin 2024. Ursula von der Leyen n’a pas encore annoncé officiellement sa candidature, mais elle pourrait bien être tentée de rempiler pour cinq ans.

La droite du PPE en tête des sondages

Pour cela, il lui faut convaincre l’aile la plus droitière de son groupe. « Elle est obligée de tenir compte du fait que nous entrons dans le dur de la transition écologique, avec un certain nombre d’acteurs, à commencer par le PPE, disant : “n’allons pas trop vite, pas trop loin” », a en effet pointé le président de la commission Environnement du Parlement européen, le macroniste Pascal Canfin, dans un entretien accordé à l’AFP.

La proposition sur le glyphosate lui permet de « donne(r) des gages à la partie la plus conservatrice du PPE », a-t-il aussi expliqué dans Le Monde. Par extension, elle attire ainsi le vote rural qui sera crucial pour les élections. La même stratégie est utilisée concernant les loups. Sa volonté de revoir le statut de protection du canidé n’est pas (uniquement) liée à son poney Dolly, mais est en réalité « un coup politique » pour « regagner la confiance de son parti », a estimé Barbara Herrero, membre de l’ONG BirdLife Europe interrogée par Politico.

Même un membre du PPE a affirmé, sous couvert d’anonymat que l’évolution de sa position sur les loups « était un signe très clair envers le PPE et la communauté des agriculteurs ». « Nous demandions cela depuis des années, je ne pense pas que le timing choisi soit une coïncidence », a-t-il ajouté auprès de Politico. Selon un sondage d’Euroactiv, la droite du PPE sortira vainqueure des élections européennes. Les Verts restent –pour l’instant– loin derrière. Malgré leurs critiques, Ursula von der Leyen pourrait donc bien rester leur meilleur choix pour les cinq ans à venir.

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