Qu'est-ce que la glottophobie, cette discrimination dont Jean Castex est victime ?

Qu'est-ce que la glottophobie, cette discrimination dont Jean Castex est victime ?

Depuis sa nomination au poste de Premier ministre, le Gersois Jean Castex est victime de glottophobie sur les réseaux sociaux. Mais qu’est-ce que cette forme de discrimination ?

“Un accent rocailleux genre 3e mi-temps de rugby”, “Ah merde... Il a le même accent que Maïté Jean Castex”, “C’est chelou un ministre avec un accent du sud (ouest)”, “Jean Castex a un accent à téléphoner au 3216”... Voilà ce qu’on peut lire sur les réseaux sociaux depuis la nomination de Jean Castex au poste de Premier ministre. À peine nommé chef du gouvernement, le Gersois a fait l’objet de critiques sur Twitter en raison de son accent du sud-ouest. Cette discrimination a un nom : la glottophobie. S’il s’agit d’une discrimination peu connue, elle existe bel et bien. Il ne faut pas la confondre avec la glossophobie, qui est la peur de parler en public.

Le terme glottophobie a été inventé dans les années 1990 par Philippe Blanchet, linguiste français et professeur à l’université de Rennes, auteur du livre “Discriminations : combattre la glottophobie”, paru en 2016 aux éditions Textuel. Il s’agit d’une discrimination liée à une façon de parler des gens qui ont un accent régional ou qui utilisent des tournures langagières propres à une région. “Rejeter une personne pour sa façon de parler, c’est la même chose que la rejeter pour sa religion, la couleur de sa peau ou son orientation sexuelle, autant de discriminations punies par la loi en France”, estime le sociolinguiste.

Depuis la Révolution française

Cette discrimination ne date pas d’hier. Dans une interview accordé aux Inrocks, Philippe Blanchet souligne qu’elle existe depuis la Révolution française, à partir de la Terreur, lorsque sont mises en places des lois qui imposent le français et interdisent les autres langues. “Ceux qui prennent le pouvoir, la grande bourgeoisie parisienne, imposent comme modèle linguistique leur propre langue, c’est-à-dire le français, et leur façon de le prononcer.” Mais ce n’est qu’un siècle plus tard que le processus est mis en place. La seule façon légitime de parler devient alors le français des classes supérieures parisiennes. Cela sert alors de barrage pour pouvoir “accéder aux sphères de pouvoir, de prestige”.

Suite à la Seconde Guerre mondiale, lorsque les différentes langues de France ont été évincées, la glottophobie s’est accentuée. La majorité des Français parlaient le français, mais “des français variés” comme l’expliquait au Huffington Post le linguiste né à Marseille. À partir de là, les gens qui continuaient à parler un français différent étaient humiliés par les autres. Un type de discrimination qui, plus d’un demi-siècle après la fin de la Seconde Guerre mondiale, n’a semble-t-il toujours pas disparu. Au Premier ministre d’en faire abstraction en s’appuyant par exemple sur les propos de Rousseau qui écrivait : “L’accent est l'âme du discours, il lui donne le sentiment et la vérité”.

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