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Giscard veut une relance de l'intégration, pas d'un "Brexit"

Valéry Giscard d'Estaing, qui fut un des précurseurs de l'Union monétaire, estime que la construction européenne pourra être relancée par les pays qui souhaitent aller de l'avant une fois un accord trouvé avec les Britanniques et après l'élection présidentielle française de 2017. /Photo prise le 11 février 2016/REUTERS/Benoît Tessier

par Paul Taylor, Marc Joanny et Pauline Mevel PARIS (Reuters) - Valéry Giscard d'Estaing souhaite que le Royaume-Uni demeure au sein de l'Union européenne mais estime que Londres ne peut pas demander que les décisions internes à la zone euro soient soumises à son approbation pour prix de son maintien. L'ancien président français (1974-1981), qui fut un des précurseurs de l'Union monétaire, estime que la construction européenne pourra être relancée par les pays qui souhaitent aller de l'avant une fois un accord trouvé avec les Britanniques et après l'élection présidentielle française de 2017. "Je souhaite vivement que les Britanniques restent parce qu'un départ fera du tort à l'Europe et à la Grande-Bretagne", a dit Valéry Giscard d'Estaing à Reuters, lors d'un entretien dans son bureau parisien. "Dans un monde qui se caractérise à l'heure actuelle par la désorganisation et par la violence, ce n'est pas la peine d'ajouter la désorganisation en Europe." Le président du Conseil européen Donald Tusk a présenté au début du mois des propositions pour tenter d'éviter une sortie du Royaume-Uni de l'UE qui prévoient la possibilité pour des pays de refuser de participer à une plus grande intégration sans pour autant leur donner un droit de veto. Elles seront discutées lors du prochain Conseil européen, jeudi et vendredi prochain à Bruxelles. Rappelant que, depuis le début de la construction européenne, "la Grande-Bretagne s'est tournée dans une position un peu latérale par rapport au système", Valéry Giscard d'Estaing déplore "une confusion totale". "Il y a deux projets européens. Il y a le projet de culture anglo-saxonne, qui est le projet à 28, basiquement commercial, et il y a un projet de l'Europe continentale d'une structure politique sur le continent européen." "Ces deux projets sont compatibles, mais ce ne sont pas les mêmes", a-t-il ajouté. "Il y a un groupe de pays qui veulent s'intégrer davantage, ce sont les pays fondateurs de l'UE, mais les autres veulent garder le système qui a besoin d'être réorganisé et simplifié." FISCALITÉ COMMUNE DANS UN DÉLAI DE CINQ ANS Pour l'ancien président, "certains dirigeants européens, notamment britanniques, sont un peu embarrassés de voir une intégration se poursuivre dans leur voisinage et en dehors d'eux". "Il faut être très clair vis-à-vis non seulement des Britanniques mais de tous les pays en dehors de la zone euro, sur le fait que les décisions qui concernent strictement la zone euro, c'est-à-dire des aspects monétaires, budgétaires et peut-être bientôt d'endettement, sont de la compétence de la zone euro." Pour Valéry Giscard d'Estaing, "la Grande-Bretagne ne peut pas demander que les décisions internes à la zone euro soient soumises à son approbation". L'élan vers l'intégration européenne, qui avait franchi une étape très importante avec l'instauration de la monnaie unique, a été cassé avec le rejet en 2005 de la Constitution européenne écrite par une convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing, qui estime aujourd'hui qu'il doit être relancé. "Il peut d'abord être conforté par la décision britannique de rester en Europe et ensuite relancé par la décision de pays de la zone euro, pas tous vraisemblablement, mais ceux qui souhaitent aller de l'avant, de préparer une fiscalité commune applicable dans un délai de cinq ans." Ce projet, dont l'ancien président considère qu'il est soutenu par l'opinion et qui se traduirait par une unification de l'impôt sur les sociétés, sur le revenu sur les patrimoines dans les pays qui le souhaiteront, ne pourra selon lui être lancé qu'après l'élection présidentielle française en 2017. Il suppose une baisse de la pression fiscale en France qui passe par une réduction des dépenses, "ce que le prochain président et le prochain gouvernement s'engageront certainement à faire". 2017, UN RETOUR À L'ESPRIT DE LA CONSTITUTION ? Prié de dire quel serait le candidat à l'élection présidentielle le plus susceptible de porter cette ambition, Valéry Giscard d'Estaing s'en est lui aussi remis au "grand large", cher aux Britanniques. "Je dirais quand même que le groupe des candidats éventuels en France est supérieur par sa qualité au groupe de candidats actuels à la présidence des Etats-Unis." Il a toutefois ajouté qu'un des grands enjeux du scrutin présidentiel sera de savoir si la France va revenir à cette occasion vers son régime politique constitutionnel, "celui de la Ve République, avec une présidence forte et n'intervenant pas dans la vie courante du pays". "Notre constitution donne au président de la République un pouvoir d'arbitrage, ce n'est pas lui qui mène le gouvernement et la politique, c'est le Premier ministre." L'on s'est éloigné de cette conception, avant même l'instauration du quinquennat, estime l'ancien président de 90 ans, membre du conseil constitutionnel. "Je suis partisan de la tradition française où il y a au sommet de l'Etat quelqu'un, détaché du débat politique à court terme, qui prévoit l'avenir et essaye d'orienter un peu le pays." "Est-ce ce type de président qui sera élu ou est-ce que c'est un nouveau Premier ministre ?" s'est interrogé Valéry Giscard d'Estaing. (édité par Yves Clarisse et Henri-Pierre André)