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"Gilets jaunes": Un samedi de mobilisation test pour l'exécutif

Des milliers de "Gilets jaunes" ont défilé samedi à Paris et en province lors d'une nouvelle journée de manifestations marquée par une mobilisation stable sur l'ensemble du pays, selon les autorités, mais également par des heurts. /Photo prise le 19 janvier 2019/REUTERS/Charles Platiau

PARIS (Reuters) - Des milliers de "Gilets jaunes" ont défilé samedi à Paris et en province lors d'une nouvelle journée de manifestations marquée par une mobilisation stable sur l'ensemble du pays, selon les autorités, mais également par des heurts.

Le ministère de l'Intérieur fait état de 84.000 manifestants dans toute la France, comme le samedi 12 janvier, dont 7.000 à Paris (un millier de moins que la semaine dernière).

Selon les préfectures ou services de police concernés, ils étaient près de 10.000 à Toulouse, dont Maxime Nicolle, alias Fly Rider, une figure du mouvement, 2.500 à Marseille, 4.000 à Bordeaux, un millier à Lyon, 800 à Nantes.

Ce dixième samedi de mobilisation depuis le 17 novembre faisait figure de test pour l'exécutif, qui mise sur le "grand débat national" lancé cette semaine par Emmanuel Macron pour apaiser cette fronde inédite dans l'histoire récente du pays.

A Paris, où trois manifestations avaient été déclarées, le cortège principal, parti de l'Esplanade des Invalides, dans le VIIe arrondissement, a défilé d'abord dans le calme, derrière une banderole proclamant "Elus, vous rendrez des comptes" et encadré par un service d'ordre de "Gilets jaunes" arborant un brassard blanc, parfois d'allure militaire.

Mais le retour aux Invalides, après une boucle d'une quinzaine de kilomètres, a donné lieu à un face-à-face tendu, à partir de 16h00, entre les manifestants les plus déterminés et les forces de l'ordre, avec jets de projectiles des premiers, usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau des secondes.

Des manifestants ont notamment arraché un feu de circulation et endommagé des voitures. Le parquet de Paris a annoncé un bilan provisoire de 17 gardes à vue à 16h30. La préfecture de police de Paris faisait pour sa part état à 19h00 de 42 interpellations, en majorité pour port d'armes prohibées.

DES CENTAINES DE DÉBATS PROGRAMMÉS

A Lyon, la situation a commencé à se tendre quand les forces de l’ordre ont bloqué à coups de gaz lacrymogènes et de balles de défense des manifestants qui tentaient de pénétrer dans le quartier commerçant de la Presqu’île, très fréquenté en ce week-end de soldes. Les commerces ont baissé leur rideau et les transports en commun desservant ce quartier ont été interrompus.

A Toulouse, où des manifestants ont saccagé une banque, la préfecture a fait état de huit blessés et 23 interpellations.

A Marseille, un policier a été blessé et au moins deux personnes ont été interpellées pour jets de projectiles, a dit la préfecture. A Rouen, au moins un policier et un gendarme ont été blessés. Des voitures et des poubelles incendiées et 49 interpellations ont également été signalées à Bordeaux.

Le ministère de l'Intérieur avait mis en place sur tout le territoire un dispositif de maintien de l'ordre comparable à celui du 12 janvier - 80.000 policiers et gendarmes mobilisés au total, dont 5.000 à Paris.

Le neuvième samedi de manifestations, le 12 janvier, avait connu un regain de mobilisation par rapport à la semaine précédente mais un recul des violences.

Le "grand débat national" auquel le chef de l'Etat a apporté deux fois sa contribution cette semaine en échangeant avec des centaines de maires pendant six heures et demie chaque fois, est censé notamment répondre aux revendications des "Gilets jaunes".

Le gouvernement faisait état vendredi de 788 demandes de référencement de débats locaux sur la plate-forme internet ad hoc. Celle-ci publie une liste de quelque 470 débats déjà programmés jusqu'au 31 mars, dont 31 pour ce seul week-end.

DISSENSIONS ET POLÉMIQUES

Les revendications des "Gilets jaunes" restent hétéroclites, de la démission d'Emmanuel Macron au référendum d'initiative citoyenne en passant par le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dans sa version non allégée.

Des dissensions sont par ailleurs apparues au grand jour entre deux de leurs figures médiatiques, Priscillia Ludosky et Eric Drouet. La première, à l'origine de la pétition contre la hausse des taxes sur le carburant à l'origine du mouvement, a notamment accusé en début de semaine le second, un routier déjà arrêté deux fois à Paris en marge de manifestations, d'user d'"intimidation" de menaces, de mensonges et de "harcèlement".

Ce nouveau samedi de mobilisation s'est aussi déroulé sur fond de polémique sur le recours des policiers à des "lanceurs de balles de défense", cause de multiples blessures, et sur l'agression de journalistes par des "Gilets jaunes".

Selon le ministère de l'Intérieur, la barre des 1.800 manifestants blessés depuis le début du mouvement des "Gilets jaunes" a été dépassée cette semaine. Un millier de policiers et de gendarmes ont aussi été blessés, ajoute-t-on de même source.

Sur l'esplanade des Invalides, des "Gilets jaunes" avaient écrit sur un drapeau tricolore : "Force de l'ordre, ne tirez pas, nous sommes ici pour l'avenir de vos et de nos enfants."

Mais, dans le cortège, d'autres slogans étaient beaucoup moins pacifiques. "Lorsque la justice n'est que violence, la violence du peuple n'est que justice", proclamait ainsi une banderole, près de manifestants brandissant de petits cercueils noirs symbolisant la dizaine de personnes tuées en marge du mouvement, essentiellement lors d'accidents de la route.

Plusieurs dizaines de journalistes s'étaient pour leur part rassemblés en début de matinée place de la République avec des pancartes proclamant : "Libres d'informer".

(Emmanuel Jarry et Noémie Olive, avec les correspondants en province, édité par Jean-Stéphane Brosse, Jean-Philippe Lefief et Danielle Rouquié)