"Gilets jaunes": L'exécutif muscle sa riposte aux violences

L'exécutif a dévoilé lundi sa riposte sécuritaire pour tenter d'endiguer la violence lors des manifestations des "Gilets jaunes" qui menace de faire dérailler l'issue "du grand débat national" conçu comme une réponse à quatre mois de mobilisation. /Photo prise le 16 mars 2019/REUTERS/Benoît Tessier

PARIS (Reuters) - L'exécutif a dévoilé lundi sa riposte sécuritaire pour tenter d'endiguer la violence lors des manifestations des "Gilets jaunes" qui menace de faire dérailler l'issue "du grand débat national" conçu comme une réponse à quatre mois de mobilisation.

"Les évènements survenus à Paris samedi dernier sont intolérables", a déclaré le Premier ministre Edouard Philippe à la presse à Matignon. "Il ne s'agissait pas de manifestants mais d'émeutiers dont l'unique intention était de piller, d'incendier, de détruire, de blesser. Ces actes sont des actes criminels, la réponse doit donc être forte."

Dès samedi prochain, les manifestations dans les quartiers les plus touchés par les violences, comme les Champs-Elysées à Paris, la place Pey-Berland à Bordeaux et la place du Capitole à Toulouse, seront donc interdites si des éléments radicaux sont présents. Les forces de l'ordre "procéderont à la dispersion immédiate de tous les attroupements", a dit Edouard Philippe.

Le montant de la contravention encourue pour participation à une manifestation interdite, 38 euros actuellement, sera quant à lui "nettement augmenté".

Concernant la doctrine de maintien de l'ordre, qui avait déjà été modifiée après les violences du 1er décembre sur les Champs-Elysées, elle n'a "pas été correctement exécutée", a reconnu Edouard Philippe, et sera donc renforcée.

"Pour obtenir l'efficacité sur le terrain que nous n'avons pas obtenue samedi", le maintien de l'ordre va être "réorganisé en accordant une plus grande autonomie aux forces sur le terrain qui seront à Paris "placées sous un commandement unifié et dotées d'une large capacité d'initiative", a-t-il précisé.

Les détachements d'action rapide vont être transformés en unités anticasseurs "dotées d'une capacité de dispersion et d'interpellation" susceptible d'intervenir rapidement.

DELPUECH LIMOGÉ

Afin de procéder à davantage d'interpellations, des officiers de police judiciaire vont être déployés "au plus près du terrain" et des "moyens supplémentaires de transport" vont être mis en place, a poursuivi Edouard Philippe, évoquant également le recours aux drones et aux produits marquants.

Le préfet de Paris Michel Delpuech, sur la sellette depuis plusieurs mois en raison des manifestations, va être remplacé pour par Didier Lallement, préfet de Nouvelle-Aquitaine.

"Nous avons constaté samedi soir que les consignes qui relevaient de la stratégie que nous avions définie à la suite du 1er décembre n'avaient pas été correctement mises en oeuvre", a expliqué Edouard Philippe au journal de 20h00 de France 2, précisant, à la demande de la journaliste, que la démission du ministre de l'Intérieur n'avait pas été envisagée.

"On va utiliser tous les moyens de droit et toute la mobilité, tout le dynamisme dont nous pouvons faire preuve, pour répondre à ceux qui viennent mettre en cause les forces de l'ordre ou la propriété privée", a-t-il ajouté.

L'exécutif avait promis des "mesures fortes" face aux critiques de l'opposition de droite fustigeant un "laxisme sécuritaire" et de commerçants "exaspérés".

En quarante-huit heures, les réunions de crise se sont multipliées - dimanche à Matignon, lundi matin à l'Elysée autour d'Emmanuel Macron, rentré samedi soir de la station de ski de La Mongie, en présence des ministre et secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Christophe Castaner et Laurent Nunez, et de la garde des Sceaux Nicole Belloubet.

A Bercy, le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a pour sa part reçu lundi les organisations professionnelles pour évaluer les conséquences économiques du mouvement, évaluées à 170 millions d'euros depuis le 17 novembre, sans compter samedi dernier.

"Trop de commerçants depuis mi-novembre ont vu leur outil de travail saccagé", a déclaré Edouard Philippe, annonçant un "renforcement" du plan de soutien déjà mis en place.

MOMENT DÉLICAT POUR L'EXÉCUTIF

Les annonces du Premier ministre, notamment le limogeage du préfet de Paris, ont été accueillies avec scepticisme par l'opposition de droite.

Pour Damien Abad, vice-président des Républicains, "celui dont la responsabilité doit être engagée, c'est le ministre de l'Intérieur, ce n'est pas le préfet de police de Paris, qui est fusible idéal, un lampiste".

"Comme d’habitude, le gouvernement cherche à se défausser de sa responsabilité ! Le préfet de police n’est qu’un fusible censé couvrir l’incompétence flagrante de Castaner", a abondé sur Twitter Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national pour les élections européennes.

Ces violences arrivent à un moment délicat pour l'exécutif qui, après avoir été pris de court le 17 novembre par l'éruption du mouvement des "Gilets jaunes", espère pouvoir tourner définitivement la page de la crise à la faveur du "grand débat national" qui a pris fin vendredi.

Multipliant les débats sur le terrain avec des élus, le chef de l'Etat a notamment repris des couleurs dans les sondages et s'apprête, après une dernière phase de conférences régionales citoyennes, à annoncer une série de mesures "disruptives" et "précises" à partir du mois d'avr8il .

"Ce n'est pas un hasard si les casseurs se remobilisent alors que le débat est un succès", a estimé Edouard Philippe. "Ce qu'ils veulent ce n'est pas les dialogue, leur seule revendication c'est la violence. Les manifestants pacifiques doivent prendre leur distance."

(Marine Pennetier avec Elizabeth Pineau et Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)