Un gigantesque oléoduc entre Marseille et Paris? Un canular secoue les habitants de plusieurs villes françaises
À Rouen, Marseille, Lyon ou encore Grenoble, le canular n'a pas été du goût de tous les habitants. Aux quatre coins de la France, les riverains sont nombreux à être tombés dans le panneau ces derniers jours: certains ont même été pris de panique en recevant dans leur boîte aux lettres un avis d'expulsion ou en découvrant des permis de démolition affichés ici et là dans leur commune.
C'est le cas de Denise, une Marseillaise de 75 ans qui a cru lundi qu'elle allait devoir quitter sa maison du XIIe arrondissement. Une frayeur telle qu'elle occasionnera un accident de voiture à la septuagénaire, comme le raconte le journal La Provence.
Ce qui a mis la septuagénaire dans cet état, c'est un faux courrier siglé République française expliquant qu'un oléoduc de 1000km allait être construit entre Bruxelles et la Fos-sur-Mer, de manière à acheminer du pétrole de la mer du Nord jusqu'au sud de l'Europe. Sur la lettre, il était précisé que ce projet allait passer par chez elle, et qu'elle avait un mois pour quitter les lieux.
"Prendre les gens aux tripes"
À Rouen aussi, des habitants âgés ont immédiatement été effrayés puis scandalisés par ce canular, rapportent nos confrères de France 3 Normandie. Au total, plus de trois milliers de faux courriers ont été envoyés à des particuliers de cinq villes françaises, ainsi que Bruxelles. Ces lettres annonçaient le (faux) lancement prochain d'un projet de construction d'oléoduc géant à travers la France, construit par Totalenergies.
L'action, revendiquée par un collectif de 150 artistes et militants écologistes baptisé "Le Bruit qui court" basé à Arles, visait en réalité à dénoncer le coût environnemental et social d'un véritable projet d'oléoduc - Eacop, oléoduc du pétrole d’Afrique de l’Est - lancé par le géant du pétrole en Afrique, entre l'Ouganda et la Tanzanie.
"On voulait marquer les esprits et prendre les gens aux tripes", raconte à BFMTV.com Julie Pasquet, cofondatrice de l'association. "On sait que la Tanzanie et l'Ouganda sont très loin de la France, et l'idée était de les ramener dans le quotidien de gens qui ne s'en seraient peut-être jamais préoccupé si on ne leur avait pas mis le nez dessus".
"Des gens étaient en colère"
Pour rendre crédible le canular, les bénévoles du collectif écologiste sont allés loin dans la supercherie. Des faux panneaux de démolition, de construction, des affiches d'avis de travaux et de fausses zones de chantiers ont été installés dans ces cinq villes aux quatre coins de la France. Toutes ces communications renvoyaient même vers un site internet - www.wecop.fr -, une fausse pétition ainsi qu'un faux standard téléphonique.
C'est finalement lundi que le pot aux roses a été révélé par l'association. "Des gens étaient en colère, bien sûr", reconnaît Julie Pasquet. "Mais pour nous, c'est mission réussie. Beaucoup ont admis que notre action était très bien ficelée et qu'ils n'avaient jamais entendu parler du projet d'oléoduc de Total en Afrique".
Car "la pipeline 'Eacop', elle, est bien réelle", rappelle la militante écologiste. "Ça va être le plus gros oléoduc chauffé au monde. Une bombe à la fois sur le plan climatique et social puisqu'il devrait engendrer 34 millions de tonnes de CO2 et qu'il permettra l'acheminement de 200.000 barils de pétrole par jour, sans parler des milliers de personnes qui vont être délogées".
Le maire écologiste de Grenoble Éric Piolle a lui réagi au canular, en publiant une vidéo sur Twitter dans laquelle il dénonce le mégaprojet pétrolier.
Cet oléoduc doit traverser l'Ouganda et la Tanzanie sur plus de 1443 km, l'équivalent d'un trajet entre Paris et Budapest. Au mois de février dernier, la justice française avait jugé "irrecevables" les demandes des associations et ONG environnementales qui demandaient la suspension du projet. Mercredi soir, Totalenergies n'avait toujours pas réagi au canular mis sur pied par "Le Bruit qui court".