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Ghazal Firouzi, atteinte de nanisme : "Un chauffeur Uber m'a dit qu'il rêvait de faire l'amour avec une naine"

Changer le regard sur le handicap et transmettre un message fort en faveur de l’inclusion, c’est l’ambition de "Différent.e.s". Pour l’incarner, qui mieux que Salim Ejnaïni : cavalier de Jumping, sportif, conférencier, entrepreneur… et non-voyant ? Comment vit-on avec une "différence", comment apprend-on à s'accepter soi et à accepter le regard de l'autre ? Parcours cabossés, destins contrariés et incroyables leçons de vie : Salim Ejnaïni recueille les témoignages de nos invités extra-ordinaires. Des histoires fortes et inspirantes autour de la résilience et du vivre-ensemble…

Atteinte d’une forme de nanisme appelée pseudoachondroplasie, Ghazal Firouzi n’est jamais allée au bout de sa croissance. Pour "Différent.e.s", le nouveau format de Yahoo, la jeune femme de 24 ans, qui mesure 1m10, a accepté de parler de son handicap et des clichés qui y sont associés. Elle a également expliqué la manière dont elle est parvenue, avec le temps, à se détacher du regard des autres.

Ghazal Firouzi mesure 1m10, une petite taille qu’elle doit à la pseudoachondroplasie, un type de "nanisme" caractérisé par un ralentissement sévère de la croissance associé à certaines déformations. Pour Yahoo, la jeune femme de 24 ans a accepté de se livrer sur son histoire, expliquant notamment la manière dont elle est parvenue à se détacher du regard des autres. Elle s’est également exprimée sur son évolution au sein d’une société où la solidarité et la bienveillance ne sont pas toujours les mots d’ordre (Retrouvez l'intégralité de l'interview en fin d'article).

"Je mesure 1m10, médicalement c’est une lutte au quotidien"

Cette maladie, Ghazal Firouzi l’a depuis la naissance. Rapidement, la jeune fille côtoie de près le milieu hospitalier pour subir diverses opérations, notamment pour redresser ses jambes arquées. À son grand regret, ses hanches s’abiment également très vite et Ghazal n’a d’autres choix que de porter des prothèses, responsables d’importantes douleurs par la suite.

Comme elle l’explique, les médecins ne parviennent pas toujours à la rassurer et à mettre des mots sur son état car "la forme de nanisme la plus reconnue est l’achondroplastie et non la pseudoachondroplasie". "Médicalement, c’est une lutte au quotidien car les médecins n’y sont pas toujours formés, ils ne sont pas au courant de tout et se renvoient tout le temps la balle", regrette-t-elle.

"Je suis en fauteuil depuis mes 17 ans, prendre le bus toute seule est extrêmement compliqué"

Malheureusement pour elle, sa mobilité se restreint à ses 17 ans. "À cet âge-là, j’ai arrêté de marcher totalement pendant quatre ans", une situation qui l’oblige à utiliser son fauteuil roulant quotidiennement. Moralement, Ghazal ne va pas bien et réalise qu’elle se trouve réellement dans une situation de handicap. En parallèle, elle se heurte à d’autres problèmes du quotidien, notamment dans les transports en commun depuis son emménagement à Paris.

"Aujourd’hui, c’est difficile de pouvoir se déplacer à plein temps en fauteuil. C’est le parcours du combattant. Lorsque je veux prendre le bus, il faut souvent que je sois accompagnée, car toute seule c’est extrêmement compliqué. Par exemple, les rampes ne sont pas toujours opérationnelles", déplore-t-elle tout en expliquant avoir toujours eu des problèmes liés à son fauteuil.

"Pour aller à l'école je payais plus de 600 euros de taxi par mois sans aucune aide. J’ai donc voulu y aller en fauteuil car je voulais économiser et ce n’était vraiment pas loin mais mon école a refusé catégoriquement que je laisse mon fauteuil dans l’enceinte de l’établissement sans vraiment trop d’explications".

Déterminée à être indépendante à 100%, Ghazal Firouzi passe donc son permis, qu’elle obtient. Seulement voilà : à son grand dam, elle se retrouve confrontée, cette fois-ci, à un problème financier, les frais d’aménagement étant extrêmement élevés. "Si je veux mettre mon fauteuil à l’arrière du véhicule, il me faut une rampe et un coffre assez large. De plus, des aménagements sont nécessaires au volant car j’ai fait le choix de ne pas conduire avec des pédales surélevés", explique-t-elle, confiant avoir reçu un premier devis à 85 000 euros et un deuxième à 40 000, toujours bien trop cher pour elle.

"Joséphine, ange gardien ? Ça me choque, ça rend le truc drôle, il faudrait supprimer ce genre d'images"

Quant à l’image qu’elle reflète, Ghazal Firouzi n’y prête pas réellement attention mais pointe du doigts certains comportements "Je ne tolère pas du tout de me faire prendre en photo dans la rue. Ça arrive très souvent. Pour certains, c’est un amusement", explique-t-elle tout en regrettant le regard persistant des plus petits. "Ce sont des enfants, ce n’est pas grave mais il faudrait les sensibiliser au sujet".

Comme elle l’explique, la télévision et les téléfilms comme "Joséphine, ange gardien" n’ont en rien aidé à la cause des "nains", un terme auquel elle n'adhère d'ailleurs pas. Elle déplore cette image "mystique" voire "fantastique" créée autour des personnes de petite taille, et a profité de l’occasion pour pousser un coup de gueule contre les nombreux stéréotypes véhiculés par les médias. "Pour que le regard de la société change, il faudrait supprimer ce genre d’images et faire davantage de sensibilisation autour du nanisme".

"Un chauffeur Uber m’a fait comprendre que j’étais son fantasme"

Pour autant, cette image ne l’a pas empêchée de se faire des amis et de trouver l’amour malgré certaines situations déroutantes. "Sur les applications de rencontre, dans ma biographie, je mettais parfois que je mesurais 1m10. Ça passait pour de l’humour alors que ça ne l’était pas", se remémore-t-elle, expliquant avoir également été confrontée à une "sursexualisation" de sa maladie. "Le nanisme peut parfois amener à une curiosité mal placée. "Un jour, un chauffeur Uber m’a fait comprendre que j’étais son fantasme, qu’il avait toujours rêvé de faire l’amour avec une personne de petite taille".

"J’ai toujours voulu être maman mais il y a une chance sur deux que je transmette ma pathologie"

Mais qu’importe les désagréments de ces situations. Aujourd’hui, la jeune femme semble épanouie dans sa vie sentimentale et ose même imaginer une future maternité, un projet qui pourrait se heurter à certains obstacles. "J’ai toujours voulu être maman, c’est un rêve ancré en moi depuis toujours, mais je pense de plus en plus aux difficultés physiques qui accompagnent mon quotidien".

Et comme elle l’explique, il y a concrètement une chance sur deux qu’elle transmette sa pathologie à son enfant, une situation qu’elle ne veut pas envisager. "Je ne veux pas qu’il souffre", confie-t-elle, expliquant en avoir voulu à ses parents de l'avoir mise au monde dans les moments "très difficiles" de sa vie. Mais pour le moment, la jeune femme, qui vient de terminer un bachelor en communication des métiers de la mode, se concentre sur son avenir professionnel. "Dans la mode, ce qui me fascine le plus, c’est le mannequinat et l’image que peut renvoyer les modèles", confie-t-elle, expliquant avoir inconsciemment choisi cette voie pour se mettre elle-même en scène "différemment".

Et si beaucoup estiment que sa petite taille risque de lui mettre des bâtons dans les roues, la jeune femme, persuadée d’être à la hauteur, veut y croire. "Je ne m’arrête pas à ça. J’ai envie de montrer que l’on peut faire ce que l’on veut", confie-t-elle avec détermination. Membre de l’association des personnes de petite taille, elle sensibilise également à la cause en donnant de son temps et de sa personne.

Retrouvez l'interview de Ghazal Firouzi en intégralité :