Après un an d'offensive, le gouvernement d'entente nationale a le contrôle total de Tripoli

par Ayman al-Sahili

TRIPOLI (Reuters) - Les forces du gouvernement d'entente nationale (GEN) en Libye, reconnu par la communauté internationale, ont annoncé jeudi avoir repris le contrôle total de Tripoli, mettant fin à l'offensive lancée l'an dernier sur la capitale par l'Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar.

Dans les faubourgs sud de la ville, théâtre des plus récents combats, des cadavres gisaient encore sur la chaussée tandis que des combattants brandissaient les armes abandonnées par les forces du maréchal Haftar, a pu voir un journaliste de Reuters.

Dans le centre de la capitale, les civils se réjouissaient de la fin des combats. "C'est un sentiment incroyable. Les gens peuvent maintenant retourner chez eux et il n'y a plus de bombardements", a dit un habitant du quartier d'Aïn Zara, l'un des secteurs de la ville dernièrement repris par les forces gouvernementales.

Dans un communiqué, l'état-major des forces du GEN a assuré qu'il contrôlait toutes les limites administratives de la ville. Une source militaire au sein des forces adverses a indiqué de son côté que les troupes du maréchal Khalifa Haftar étaient en train de se retirer.

Cela constitue un revers cinglant pour le maréchal Haftar, qui avait lancé en avril 2019 une offensive sur Tripoli en promettant d'unir la Libye après des années de chaos consécutives au renversement de Mouammar Kadhafi en 2011.

Le soutien de la Russie, de l'Egypte et des Emirats arabes unis à l'ANL signifie cependant que le GEN a peu de chances de porter le conflit armé vers l'est du pays, que contrôlent les forces d'Haftar.

ARRIVÉE D'ARMEMENTS LOURDS

Pour l'heure, les deux parties ont accepté de reprendre les négociations sur un cessez-le-feu sous l'égide des Nations unies mais de nouveaux fronts pourraient encore surgir sur le plan militaire, notamment en raison de l'arrivée d'armements lourds, qui, selon les Etats-Unis, incluent une flotte d'avions russes.

Les principales puissances étrangères impliquées, au moins indirectement, dans le conflit libyen ont accueilli favorablement la décision de reprendre les négociations de cessez-le-feu et soutenu publiquement une résolution politique. Mais il reste encore à savoir si elles parviendront à trouver un accord.

L'ambassadeur des Etats-Unis en Libye, Richard Norland, a déclaré jeudi à la presse que la défaite du maréchal Haftar à Tripoli fournissait une opportunité pour mettre fin aux combats.

"Les participants ont le choix entre voir cela dégénérer en une guerre régionale totale ou finalement apaiser (la situation)", a-t-il dit.

Après avoir reçu jeudi à Ankara le Premier ministre du GEN, Fayez al Sarraj, le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que la Turquie allait accroître son soutien au gouvernement de Tripoli.

Un responsable turc a insisté sur l'importance des progrès du GEN sur le terrain avant d'éventuelles négociations de paix.

"Tout le monde veut s'asseoir à la table sans perdre de territoire mais le territoire que vous tenez renforce votre position à la table", a-t-il dit.

La semaine dernière, la France, qui a largement soutenu le maréchal Haftar, a prévenu que le conflit en Libye risquait de reproduire le scénario de la Syrie, où la rivalité entre la Turquie et la Russie a plongé le pays dans une guerre d'usure marquée par des bombardements et des frappes aériennes incessants.

Par ailleurs, le Conseil de sécurité n'a toujours pas trouvé de remplaçant permanent à Ghassan Salamé, qui a démissionné en mars de son poste d'envoyé en Libye des Nations unies.

(Rédaction libyenne, avec Orhan Coskun et Tuvan Gumrukcu à Ankara, Mahmoud Mourad au Caire; version française Jean-Stéphane Brosse, Blandine Hénault et Bertrand Boucey, édité par Henri-Pierre André)