GBH accusé de faire monter les prix aux Antilles, quel est ce groupe assigné au tribunal ?
Implanté en Martinique et en Guadeloupe, le Groupe Bernard Hayot détient plusieurs enseignes de grande distribution comme Carrefour, Mr Bricolage ou Décathlon.
OUTRE-MER - Ce sont trois lettres qui concentrent la colère de la vie chère aux Antilles : GBH. Si ce nom est presque inconnu en France hexagonale, ce n’est pas le cas en Martinique ou en Guadeloupe. Le Groupe Bernard Hayot détient plusieurs enseignes comme Carrefour, Mr Bricolage ou encore Décathlon, mais est aussi très présent dans le secteur automobile, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête de l’article.
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Et si le groupe est désormais dans le viseur de la justice c’est à cause du mouvement contre la vie chère en Martinique et d’une enquête de Libération qui montre que GBH, derrière un fonctionnement opaque, fait des marges énormes au détriment des habitants.
GBH c’est l’acronyme de Groupe Bernard Hayot, du nom de son fondateur. Bernard Hayot est un béké, c’est-à-dire un blanc créole descendant de famille de colons esclavagistes. Il a commencé à bâtir son empire en Martinique dans les années 1960 avant de s’attaquer à d’autres territoires ultramarins, puis de s’exporter à l’international dans plusieurs pays d’Afrique francophone, d’Amérique centrale, aux États-Unis et allant même jusqu’en Chine.
Un système opaque
GBH est aujourd’hui le leader de la grande distribution aux Antilles. Il fait ainsi partie d’un petit nombre de grands groupes qui ont la mainmise sur le secteur dans les outre-mer. Depuis le mois de novembre, le patron de GBH est assigné devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France pour que le groupe publie ses comptes annuels, comme le veut la loi.
Jusqu’à maintenant, l’entreprise refusait de le faire et préférait s’acquitter d’une amende allant de 1 500 à 3 000 euros en cas de récidive. Une somme dérisoire alors que son chiffre d’affaires est estimé à 4,5 milliards d’euros. L’argument invoqué par GBH, lors d’une audition à l’Assemblée Nationale ? Le secret des affaires. En décembre 2024 et pour la première fois depuis six ans, ils ont cependant publié une partie de leurs comptes... mais seulement une partie.
Ce manque de transparence sur ses comptes permet notamment une chose : une opacité totale sur les marges pratiquées sur des produits qui peuvent être jusqu’à 40% plus chers qu’en Hexagone, selon l’Insee.
Des marges exorbitantes
En 2023, Johnny Hajjar, alors député de la Martinique, a mené un rapport parlementaire sur le coût de la vie en Outre-mer. À l’intérieur, on retrouve plusieurs pistes expliquant pourquoi les prix sont plus élevés, notamment à cause de l’importation des produits. Sur un document fourni par le groupe Créo, on s’aperçoit que lorsqu’il faut trois intermédiaires pour importer des produits en France hexagonale, la Martinique en a de quatorze.
Mais pour Johnny Hajjar, cette explication n’est pas suffisante pour comprendre l’écart de prix et dénonce des marges exorbitantes et injustifiées, du fait d’une concentration verticale de ces groupes. « Les grands groupes s’organisent pour maîtriser la chaîne d’approvisionnement, donc plus de la moitié des 14 intermédiaires qui appartiennent aux mêmes grands groupes », détaille-t-il au HuffPost.
« Ils découpent ensuite les marges par des myriades de petites entreprises pour donner une image extérieure de marges raisonnables. Sauf qu’elles s’accumulent et l’accumulation des marges fait des prix de sortie exorbitants, alors qu’ils devraient pouvoir bénéficier aux usagers en faisant en sorte que ces marges-là soient regroupées dans ces mêmes grands groupes. »
Ce système de concentration verticale dont parle Johnny Hajjar permet des prix largement surévalués, comme le montre une enquête de Libération. « GBH explique que les produits sont plus chers en raison de l’insularité, de l’éloignement des territoires d’outre-mer et notamment en raison de ce qu’on appelle les frais d’approche, qui sont tous les frais liés à l’acheminement des produits depuis la métropole jusqu’à l’outre mer. À nouveau, les documents qu’on a révélés démontrent que ce n’est pas le cas », explique au HuffPost, Emmanuel Fansten, journaliste chez Libération et auteur de l’enquête.
Une position hégémonique
Mais ce que montre aussi l’enquête c’est que dans le secteur de l’automobile, il y a aussi une concentration dite horizontale. « GBH détient une grande partie du secteur de la vente automobile, mais ils détiennent également, en lien avec l’automobile, tout un tas d’activités annexes. Par exemple des centres auto, de la pneumatique ou de la vente de pièces détachées », précise Emmanuel Fansten.
Le problème dans tout ça, c’est que GBH ne publiant pas le détail de ses comptes, on ne connaît même pas le nombre exact d’entreprises détenues par le groupe, ni les marges exactes réalisées grâce à elles. Mais en bout de chaîne, c’est le consommateur qui en paye le prix.
Depuis le 13 janvier, les acteurs de la distribution aux Antilles sont visés par une plainte pour « entente » et « abus de position dominante » au tribunal judiciaire de Fort-de-France. Celle-ci a été déposée par les quatre plaignants ayant déjà entamé une autre procédure contre le Groupe Bernard Hayot en novembre dernier.
De son côté, GBH réfute les accusations sur sa position de dominante dans la grande distribution et déclare que leurs marges « sont très comparables à celles pratiquées dans l’Hexagone ».
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