Gap: un chirurgien accusé d'avoir utilisé une méthode "non conforme" sur ses patients sans les en informer

Le chirurgien exerce au centre hospitalier intercommunal de Gap. - Google streetview
Le chirurgien exerce au centre hospitalier intercommunal de Gap. - Google streetview

L'un des chirurgiens orthopédiques de l'hôpital de Gap a-t-il joué à "l'apprenti sorcier", comme l'un de ses collègues l'affirme? C'est la question au coeur de l'enquête ouverte au début de l'année 2019 par le parquet de Gap pour "recherche biomédicale sans obtention de l’avis favorable du comité de protection des personnes et de l’autorisation de l’ANSM" et "recherche biomédicale sur une personne sans son consentement conforme", a appris BFMTV.

Cette enquête a été ouverte à la suite des dénonciations d'un autre chirurgien du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, précise encore le parquet de Gap. Selon le récit que ce praticien en fait dans le Parisien et sur RTL, il a dénoncé les agissements de son confrère au début de l'année 2018. Alors chef du service orthopédique de l'hôpital, il explique avoir découvert à cette époque que cet autre chirurgien avait mené "une étude entre 2015 et 2017" sur "87 patients".

"Risque vital"

Cette étude, toujours selon l'ancien chef de service, consistait à injecter du ciment dans les disques de la colonne vertébrale, sorte d'amortisseurs entre les vertèbres. Cette technique, appelée cimentoplastie, est encadrée en France lorsque ces injections se font dans les vertèbres, pas dans les disques. Alerté par cette méthode, qui présente selon lui des dangers, le médecin avait alors prévenu sa direction, l'Agence régionale de Santé, hiérarchie des praticiens hospitaliers, et le conseil de l'Ordre. Il avait également fait un signalement au procureur.

"Il peut y avoir des fuites de ciment et des complications au niveau des nerfs, des artères, détaille le Dr Raouf Hammami dans le Parisien. Avec un risque vital en cas d'hémorragie."

Ce signalement a été pris au sérieux par les autorités puisque l'ARS a demandé une expertise à deux professeurs de médecine de Nancy. Les deux experts ont conclu que le chirurgien orthopédique mis en cause avait utilisé "une technique non conforme aux données de la science au moment des faits". Ils déplorent également que le praticien n'ait pas informé ses patients de l'utilisation de cette méthode, comme le préconise la loi française. Désormais, c'est l'antenne marseillaise de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique qui est en charge des investigations dans le cadre de l'enquête préliminaire.

Deux plaintes devant le conseil de l'Ordre

A l'heure actuelle, selon nos informations, aucun patient n'a porté plainte contre ce chirurgien. Ce dernier, par la voix de son avocat, rejette les accusations "d'apprenti sorcier".

"Mon client considère que la technique de la cimentoplastie discale n'était pas innovante, qu'elle a été utilisée par d'autres confrères, notamment à l'étranger, mais aussi présentée dans des congrès médicaux", fait savoir Me Alexis Chabert, son avocat, auprès de nos confrères.

Le chirurgien mis en cause par son collègue continue d'exercer. A l'inverse, le lanceur d'alerte a été suspendu, en raison de "menaces" exercées par lui, selon la direction de l'hôpital de Gap. Selon nos informations, une audience devant le conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur de l'Ordre des médecins a eu lieu le 4 septembre dernier après que le signalement a été transféré par l'instance départementale. Chacun des chirurgiens a porté plainte contre l'autre. L'Ordre a jusqu'au 4 décembre pour trancher et décider ou non d'une suspension d'un ou des deux médecins dans le cadre de leur activité libérale.

Article original publié sur BFMTV.com