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Gérardmer: le cinéma de genre français se réveille avec "La Nuée" et "Teddy"

Les affiches de
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Rendez-vous incontournable des fans du genre, le festival du film fantastique de Gérardmer s'ouvre ce mercredi 27 janvier en ligne pour cause de pandémie. Signe d'un nouveau penchant pour l'hémoglobine, deux productions françaises très attendues sont en compétition, Teddy et La Nuée, qui renouvellent le cinéma de genre made in France.

Présenté comme le petit cousin de Petit Paysan et d'Alien, La Nuée impressionne avec ses plans dignes des Oiseaux d'Hitchcock, ses sauterelles carnivores et ses scènes apocalyptiques qui jouent avec les nerfs des spectateurs. Le réalisateur Just Philippot y narre l'histoire d'une agricultrice (Suliane Brahim) qui se lance dans l'élevage de sauterelles. Mais l'affaire va basculer lorsqu'elle se rend compte qu'elle peut stimuler de façon incroyable la croissance des insectes en les nourrissant... de son propre sang.

Mandibules et scènes sanguinolentes

Gros plans angoissants sur les mandibules, scènes sanguinolentes, le cinéaste de 38 ans s'est amusé avec les codes du film d'horreur. Il reconnaît cependant que La Nuée ne fera pas trembler les fans endurcis de cinéma d'horreur américain: "A la base, je ne suis pas du tout un spécialiste du film de genre", s'amuse auprès de l'AFP celui qui voulait "prendre des risques" en faisant à la fois un film "très spectaculaire qui donne du plaisir à voir" tout en portant un véritable discours.

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De fait, La Nuée est une plongée prenante et subtile dans les difficultés d'une famille rurale. Le film, en prise avec le réel, se fait presque documentaire quand il aborde la crise de l'agriculture. "Le film de genre est un super outil pour raconter des histoires" quand "le cinéma français oublie peut-être parfois qu'il faut donner envie aux gens d'aller en salle", relève le réalisateur.

La Nuée, qui doit sortir à la réouverture des cinémas, est à découvrir absolument en salle. Les gros plans des sauterelles, tournées comme un documentaire, avec des techniciens aux aguets, prêts à tout pour obtenir ces images très envoûtantes, justifient à eux seuls de voir ce film inédit dans le paysage cinématographique français.

Renouveau

Depuis quelques années, le CNC lance des appels à projet pour financer le cinéma "de genre" à la française, du fantastique à la comédie musicale. Une façon d'ouvrir les fenêtres d'un cinéma tricolore parfois perçu comme trop psychologique ou trop élitiste. Sans écarter des noms respectés du 7e art: le cinéaste Christophe Honoré a par exemple présidé l'un des jurys, et un projet des frères Larrieu a été sélectionné.

Un renouveau du film de genre, déjà amorcé en 2016 avec Grave de Julia Ducourneau, pourra-t-il attirer un public "qui regarde Netflix avant de regarder la Nouvelle Vague", selon l'expression des frères Ludovic et Zoran Boukherma? Ces réalisateurs, estimant que chaque type de cinéma, populaire comme pointu, peut "nourrir" l'autre, en font le pari avec Teddy.

Le film est un cocktail envoûtant autour de la figure du loup-garou, et un récit sur la différence et les affres de l'adolescence. Porté par Anthony Bajon (Au nom de la terre), Teddy raconte l'histoire d'un jeune garçon sans diplôme qui vit dans un village des Pyrénées avec son oncle adoptif. Un soir de pleine lune, Teddy est griffé par une bête inconnue et découvre en lui des pulsions animales insoupçonnées.

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Comme La Nuée, Teddy n'est pas uniquement un film de genre. La thématique fantastique est comme toujours une métaphore d'un problème de société. A travers la figure du loup-garou, Ludovic et Zoran Boukherma s'intéressent avant tout à l'exclusion et à la marginalisation:

"Ce qui nous intéressait, c’était le parallèle entre l’animal, le loup, qui peut être perçu comme la bête noire dans les villages, et le personnage de Teddy, qui est exclu, pas aimé là où il habite [...] C'est un personnage dont la colère grandit à mesure que son sentiment d’exclusion devient de plus en plus total", expliquaient-ils au Huffington Post en septembre dernier.

Il convient aussi de saluer le travail de The Jokers, société de production et de distribution indépendante derrière La Nuée et Teddy qui se bat, avec aussi Wild Bunch et Capricci, pour développer le cinéma de genre en France.

Leur bonne fortune critique ne fait cependant pas oublier que produire un film français de science-fiction ou d'épouvante continue de relever du parcours d'obstacle. "Pourquoi les Sud-Coréens peuvent-ils faire des films ultra pop et vivifiants, alors qu'en France, quand on veut faire du genre, il faut le faire plus sérieusement, plus socialement?", s'interrogeait le réalisateur Romain Quirot, lors d'une table ronde organisée sur le sujet par Unifrance.

Un décalage sur lequel il a buté lorsqu'il cherchait des aides pour préparer son film de science-fiction Le Dernier Voyage de Paul W.R., qui devrait sortir prochainement. Cette frilosité des financeurs est "liée au manque de succès du genre en salles", analysait son confrère Mathieu Turi. Et celui-ci ne pourra venir "que quand il y aura beaucoup de films de genre" à l'affiche : "le serpent se mort la queue".

Article original publié sur BFMTV.com