Géorgie: le Parlement adopte une loi décriée qui restreint les droits des personnes LGBT+
Un virage conservateur et anti-occidental. Le Parlement géorgien a adopté mardi un texte de loi sur les "valeurs familiales" et contre la "propagande des relations homosexuelles", dénoncé par l'Union européenne, les États-Unis et des organisations de défense des droits humains comme restreignant les droits de la communauté LGBT+.
La législation, similaire à ce qui existe en Russie, a été approuvée par les députés du parti au pouvoir, Le Rêve géorgien, lors d'un vote boycotté par l'opposition. L'adoption du texte pourrait alimenter les tensions dans ce pays du Caucase à l'approche d'élections législatives cruciales prévues le 26 octobre.
Au total, 84 députés ont voté pour et 0 contre, selon un décompte officiel. Le projet de loi avait été voté fin juin en première lecture et a donc été validé définitivement mardi. Il doit désormais être signé par la présidente pro-occidentale Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, ou, si elle refuse, par le président du Parlement.
Le texte interdit "la propagande des relations homosexuelles et de l'inceste" dans les établissements d'enseignement et les émissions de télévision, et restreint aussi les "rassemblements et manifestations". Des groupes de défense des droits ont critiqué cette formulation mettant sur le même plan l'inceste et l'homosexualité.
L'Union européenne avait estimé début septembre qu'il "porte atteinte aux droits fondamentaux des Géorgiens et risque de renforcer la stigmatisation et la discrimination d'une partie de la population".
Le président du Parlement, Chalva Papouachvili, qui a soutenu le projet de loi, a assuré que le texte visait à "renforcer les mécanismes de protection des mineurs et les valeurs familiales fondées sur l'union d'une femme et d'un homme".
Un rapprochement avec la Russie
En Russie, une législation similaire réprimant la "propagande LGBT" a été adoptée il y a une dizaine d'années et considérablement élargie depuis, Moscou ajoutant même le "mouvement international LGBT" sur sa liste des entités déclarées "terroristes et extrémistes", même si aucune organisation ne porte ce nom dans le pays.
Le parti Rêve géorgien a déjà été accusé par ses détracteurs de se tourner de plus en plus vers Moscou, malgré la guerre que la Russie a mené au pays en 2008, et de s'inspirer de législations répressives russes.
La Géorgie a été ainsi secouée ces derniers mois par des manifestations massives contre une loi sur "l'influence étrangère", vertement critiquée en Occident et là encore proche de la législation de la Russie sur les "agents de l'étranger" qui a concouru à la répression de toute opposition dans ce pays.
L'adhésion de la Géorgie à l'Union européenne s'éloigne
Les opposants accusent le parti du Rêve géorgien de mettre en péril l'adhésion espérée de leur pays à l'Union européenne. Mais si à Tbilissi, les manifestations pro-européennes ont remporté un grand succès, le fondateur du Rêve géorgien, l'oligarque Bidzina Ivanichvili, qui exerce des coulisses une grande influence sur la politique de la Géorgie, est révéré dans certaines régions.
Ce pays de confession majoritairement chrétienne orthodoxe a obtenu en décembre 2023 le statut de candidat à l'UE, mais les négociations d'adhésion n'ont pas encore commencé. Le pays aspire également à rejoindre l'Otan. Les dirigeants de l'UE avaient cependant décidé avant l'été d'"un arrêt" "de facto" du processus d'adhésion dans l'attente d'un changement de politique à Tbilissi.
Le parti du Rêve géorgien accuse de son côté l'Occident de saper les "valeurs traditionnelles", une formule également employée régulièrement par le président russe Vladimir Poutine.
Lundi, les Etats-Unis ont annoncé "prendre des mesures supplémentaires pour imposer des restrictions en matière de visas à plus de 60 Géorgiens et aux membres de leur famille qui sont responsables ou complices de l'affaiblissement de la démocratie en Géorgie". "Nous restons préoccupés par les violations des droits humains et les actions antidémocratiques en Géorgie", a déclaré le secrétaire d'Etat Antony Blinken dans un communiqué.