Fuite de l'imam Iquioussen: "couac" pour le gouvernement et embarras pour l'État
Alors que le Conseil d'État a validé mardi l'avis d'expulsion vers le Maroc de l'imam Hassan Iquioussen, celui-ci n'était pas présent lors de l'arrivée de la police venue perquisitionner son domicile. Si cette fuite ne révèle pas de faille dans l'application des procédures, elle renvoie l'impression d'une impuissance de l'État.
Le plan de marche était simple. Après que le Conseil d'État a validé l'expulsion de l'imam Hassan Iquioussen, accusé par l'exécutif de tenir des prêches "contraires aux valeurs de la République", les policiers devaient se rendre à son domicile de Lourches, près de Valenciennes, perquisitionner le logement, interpeller le prédicateur, le placer en rétention avant de l'envoyer au Maroc, le pays de ses parents et dont il possède la nationalité. Sauf que Hassan Iquioussen demeure introuvable. Il pourrait être en Belgique d'après une source proche du dossier, citée par l'AFP.
Si les forces de l'ordre s'activent désormais pour lui mettre la main au collet et si l'imam a été immédiatement inscrit au Fichier des personnes recherchées, sa fuite interroge. D'autant que l'homme était dans le viseur des autorités depuis plusieurs semaines - le ministre de l'Intérieur ayant dit sa volonté de lui faire quitter le territoire dès le 28 juillet -, et qu'il était fiché S depuis 18 mois.
Une fuite peut-être vieille de quelques semaines
La perquisition, elle, a bien eu lieu malgré l'absence de l'intéressé. D'après nos informations récoltées à Lourches, elle a duré deux heures, s'achevant à 21h30. Ces investigations ont d'ailleurs permis de constater que Hassan Iquioussen avait laissé son téléphone portable sur place, comme pour échapper à la géolocalisation.
C'est donc une double question qui s'impose: comment a-t-il pu échapper à l'intervention policière et quand a-t-il pris la fuite? En effet, l'un des cinq enfants de l'imam a confié à notre antenne que son père avait voulu prendre du recul depuis quelques semaines.
De plus, tandis que le ressortissant marocain s'était vu notifier un premier avis d'expulsion le 3 mai dernier, la suspension - prononcée le 5 août - de la procédure par le tribunal administratif de Paris a conduit les autorités à émettre un nouveau titre de séjour en sa faveur, un document qu'il devait récupérer, en personne, à la mi-août. Mais, d'après nos éléments, ce sont successivement sa femme et son avocate que Hassan Iquioussen a envoyées à sa place en préfecture, en vain. Lui-même ne s'est jamais présenté.
"Il a fui comme un voyou", nous a lancé une source policière.
Un profil qui n'appelait pas une surveillance permanente
Les modalités de sa cavale peuvent aisément s'expliquer. D'une part, bien que sous le coup d'une procédure d'expulsion, il n'a, à la connaissance de la justice, commis ni crime ni délit. Son profil n'appelait donc pas un régime de surveillance particulier, pas plus d'ailleurs que la fiche S dont il faisait l'objet depuis 18 mois. Les forces de l'ordre ne placent le fiché S sous une vigilance permanente que dans des circonstances sensibles, comme la crainte d'un attentat.
Son inscription sur les registres de la fameuse fiche S aurait en revanche dû entraîner un signalement au ministère de l'Intérieur lors du franchissement d'une frontière - nécessité encore renforcée mardi par l'ajout de son nom au Fichier des personnes recherchées. Mais les contrôles sont loin d'être systématiques au sein de l'espace Schengen, et un départ en voiture vers la Belgique, par exemple, peut parfaitement se faire sans montrer patte blanche.
"Drôle d'impression"
Il n'en reste pas moins que l'affaire est embarrassante pour l'État. "Ça crée une drôle d’impression de couac, ou d’impuissance d’un État qui n’est pas capable d'arrêter celui dont il a validé l’expulsion", a remarqué sur notre plateau ce mercredi, notre journaliste Benjamin Duhamel.
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui avait dit sa "satisfaction" après la décsion du Conseil d'Etat et y avait vu une "victoire pour la République", en est pour ses frais.
"Quand on revoit son discours à l’aune de cette fuite, il y a sans doute un manque de prudence. Si effectivement, il était avéré que dès hier les services de police et de renseignement ne savaient pas où Hassan Iquioussen, sans doute Gérald Darmanin aurait-il dû avoir une phrase expliquant que l’interpellation n’était pas pour tout de suite", explique Benjmain Duhamel.
"On a beaucoup accusé Gérald Darmanin, sur d’autres affaires, de parler un peu trop vite, de représenter souvent un ministère de l’Intérieur plutôt de la parole que des actes", poursuit-il.
La police judiciaire saisie
La justice et la police sont donc sur les charbons ardents pour retrouver le prédicateur. La police judiciaire doit être saisie dans la matinée.
Les enquêteurs pourront également compter sur la coopération européenne induite par la mention de Hassan Iquioussen au Fichier S. Celui-ci encourt désormais trois ans de prison pour s'être soustrait à son interpellation.
Article original publié sur BFMTV.com
VIDÉO - Expulsion d'Hassan Iquioussen : l'imam en fuite a été inscrit au fichier des personnes recherchées