Frites, bière et classes populaires : comment Gérald Darmanin veut rester dans le jeu

Le désormais ex-ministre de l'Intérieur réunit ses troupes à Tourcoing ce dimanche. Contraint de se réinventer pour continuer à peser politiquement, Gérald Darmanin veut préempter le vote des classes populaires. Avec pour objectif d'éviter "une traversée du désert" et de prendre date pour 2027.

Une rentrée politique avec le vent de face. Gérald Darmanin est attendu ce dimanche 29 septembre à Tourcoing, où il réunit ses proches, dans une équation politique ardue. Sorti bredouille du nouveau gouvernement, l'ex-locataire de la place Beauvau semble désormais coincé entre Gabriel Attal qui tient le groupe macroniste à l'Assemblée et un exécutif aux accents droitiers. Charge désormais au député du Nord de se réinventer à trois ans de la future présidentielle.

"On a connu des rentrées plus évidentes, c'est sûr. On s'est pris quelques claques ces dernières semaines. On attend que Gérald nous redonne un peu le moral", souffle l'un de ses lieutenants à l'Assemblée nationale auprès de BFMTV.com.

Il faut dire que la comparaison avec son raout en août dernier n'est guère flatteuse. Quelques semaines seulement à peine après avoir raté son arrivée à Matignon, Gérald Darmanin se paie le luxe de voir défiler toute une partie du gouvernement dont la Première ministre Élisabeth Borne qui le recadre alors publiquement.

"Elle lui a fait beaucoup de pub à l'époque. Quand vous avez besoin de dire publiquement à quelqu'un de ne pas lorgner sur votre place, ça montre que vous vous êtes sentis menacé. Aujourd'hui, on ouvre une autre séquence", reconnait un député macroniste.

Loin de la démonstration de force donc, l'ambiance s'annonce toute différente ce dimanche. Si plusieurs ténors du camp présidentiel ont bien été invités comme Gabriel Attal ou Édouard Philippe, charge à celui qui n'est désormais "que" député du Nord d'élaborer une nouvelle stratégie.

"Il a repris sa liberté. Ça lui permet de se préparer, de porter de nouvelles idées et de se lancer dans l'aventure vers l'Élysée", positive l'un de ses proches, le sénateur LR Stéphane Le Rudilier.

À voir. Création avortée d'un nouveau groupe à l'Assemblée, pari raté d'une direction à plusieurs des députés Renaissance, hésitation à se présenter à la tête du parti macroniste... Le nordiste patine ces dernières semaines.

Quant à ses relations avec Michel Barnier, au moment où son ancien parti arrive enfin au pouvoir après des années de disette, elles ne sont pas franchement au beau fixe après une polémique sur les impôts et la menace de Gérald Darmanin de censurer son gouvernement.

"Les relations sont probablement un peu fraîches" avec Matignon, assume l'un de ses proches qui juge cependant que Gérald Darmanin "a marqué son territoire". "Il ne faut pas venir l'emmerder, c'est tout".

En attendant, exit ses proches. Un temps pressenti pour rentrer à Bercy, le député Mathieu Lefèvre qui a été son chef de cabinet au Budget, a été biffé de la liste. Violette Spillebout, pressentie pour arriver à l'Éducation nationale, n'a finalement pas été retenue pour le casting. Seule proche sur la feuille de match: la nouvelle porte-parole Maud Bregeon. Un problème pour parvenir à peser sur les choix politiques du gouvernement.

"Tout cela le replace comme un talent parmi d'autres talents, sans force ministérielle ou parlementaire de plus que d'autres. Il sort un peu de la pole position" pour 2027, analyse le sénateur centriste Olivier Henno, voisin de circonscription.

Ses proches jugent cependant que Gérald Darmanin a une botte secrète pour continuer à occuper les esprits: son positionnement pour défendre "la droite sociale et populaire" qu'il alimente régulièrement en évoquant sa propre famille.

Mère "femme de ménage" avant d'être concierge à la Banque de France, "pas de grandes études" pour celui qui est pourtant passée par Sciences-Po Lille, grand-père tirailleur algérien prénommé Moussa qui lui a donné son second prénom... De quoi, espère l'ex-locataire de la place Beauvau, lui apporter une certaine crédibilité en la matière.

Avec un calcul très simple: conquérir les ouvriers et les employés dont le suffrage pourrait faire basculer la prochaine campagne élyséenne et en guise de modèle Nicolas Sarkozy version 2007.

"C'est assez logique comme positionnement. La droite a toujours gagné en parlant aux plus modestes, que ce soit en 1995 avec 'la fracture sociale' de Jacques Chirac ou le 'travailler plus pour gagner plus'", analyse la députée LR Virginie Duby-Muller.

"Qui, aujourd'hui, parle aux classes populaires sur les sujets qui les concernent comme le pouvoir d'achat, la sécurité, la justice sociale? C'est Darmanin et il est un peu le seul", défend le député LR Alexandre Vincendet.

À l'hiver dernier, Gérald Darmanin évoque même dans les colonnes de Paris Match, entre quelques photos avec sa femme et ses enfants, vouloir retrouver "le bon sens comme boussole", quelques mots aux allures de slogan de campagne. Au risque de parfois agacer.

"Je veux bien qu'il se la joue petit gars du peuple, mais quand il a commencé sa carrière, son adresse était 1 rue du Louvre à Paris. Le dimanche, il allait pêcher dans l'étang de son père près de Valenciennes", tance l'ex-député Christian Vanneste qui a un temps employé Gérald Darmanin comme collaborateur.

"Aujourd'hui, il se dit qu'il a besoin d'aller à gauche, mais c'est un calcul électoral. Ce n'est pas lié à ses origines", critique encore l'ex-parlementaire, évincé de sa circonscription en 2012 par son ex-protégé.

Qu'importe. Autour de saucisses, de frites et de bières, le menu déjà annoncé à la presse, Gérald Darmanin devrait donc développer la question sociale en s'appuyant sur ses lectures récentes du sociologue Pierre Rosanvallon ou du géographe aux analyses controversés Christophe Guilluy.

Suffisant pour marquer les esprits dans une période politique agitée et prendre date sans poste d'envergure nationale?

"Vous savez, avoir une traversée du désert, ça arrive dans une vie politique et ça n'empêche pas de revenir au firmament à un moment. Nicolas Sarkozy peut en témoigner", sourit Alexandre Vincendet.

"Il fait dire qu'il va aller jusqu'au bout de la présidentielle. Moi, je ne sais pas. Je le vois se rapprocher d'Édouard Philippe. Si ça ne décolle pas pour lui dans les sondages, je doute qu'il s'acharne", relativise un député Renaissance.

"Moi, je pense qu'il faut soutenir le mieux placé (pour gagner en 2027) parce que je crois que Madame Le Pen peut gagner l'élection présidentielle", expliquait-il d'ailleurs en décembre dernier à Brut.

Un proche de Gérald Darmanin sourit à l'évocation d'un éventuel retrait en faveur d'Édouard Philippe alors que l'une de ses proches a rejoint son groupe à l'Assemblée et que les deux hommes affectionnent mettre en scène leur proximité.

"Vous savez, l'amitié, ce n'est pas le soutien". Voici l'ex-Premier ministre prévenu.

Article original publié sur BFMTV.com