François Bayrou Premier ministre : cette affaire n'a pas empêché le maire de Pau d'être nommé à Matignon
Le maire de Pau et désormais nouveau Premier ministre avait été relaxé en février dernier dans l'affaire des assistants parlementaires du MoDem, mais le parquet a fait appel.
Une affaire judiciaire embarrassante qui n'a pas empêché François Bayrou d'accéder à Matignon. Plus d'une semaine après la motion de censure qui a provoqué la chute du gouvernement de Michel Barnier, le président du MoDem a finalement été nommé Premier ministre, après un suspense insoutenable.
Une nomination qui intervient alors que François Bayrou n'est pas encore dépêtré d'une affaire judiciaire qui le suit depuis de nombreuses années.
Bayrou et le MoDem jugés pour "détournement de fonds publics européens"
En février dernier, le parquet de Paris a en effet fait appel de la relaxe dont a bénéficié François Bayrou dans l'affaire des assistants parlementaires du MoDem. Initialement accusé de "complicité, par instigation, de détournement de fonds publics européens", l'actuel haut-commissaire au plan devrait donc être à nouveau jugé dans le cadre d'un second procès.
Le premier, qui s'était tenu entre novembre 2023 et février 2024, avait donc débouché sur la relaxe du président du MoDem, mais aussi sur la condamnation de cinq anciens eurodéputés centristes, jugés coupables d'avoir utilisé des fonds européens pour rémunérer des assistants parlementaires travaillant en réalité pour le compte du parti.
Un préjudice total estimé à 293 000 euros
Comme l'explique le site institutionnel Toute l'Europe, chaque eurodéputé dispose en effet d'une enveloppe de "28 696 euros par mois" pour constituer une équipe d'assistants qui devront l'aider "à amender les textes de loi, à rédiger des rapports, ou encore à préparer toute sorte de réunions". Certaines règles encadrent toutefois l'utilisation de cette manne financière, qui doit être exclusivement réservée à cet usage.
En l'occurrence, le parti de François Bayrou (ou plutôt les partis, puisque l'UDF est mis en cause jusqu'à la création du MoDem en 2007) est accusé d'avoir enfreint ces règles et d'avoir, avec l'argent des enveloppes attribuées à plusieurs de ses eurodéputés, rémunéré des personnes travaillant non pas auprès des élus à Strasbourg, mais au siège du parti. Selon Le Monde, la justice a dénoncé un "système frauduleux", en place de 2005 à 2017, qui concernerait pas moins de 11 contrats litigieux, pour un préjudice total estimé à 293 000 euros.
Huit prévenus sur onze condamnés
Comme le précise Didier Rebut, directeur de l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris, dans un article publié par Le Club des Juristes, le parti centriste a été poursuivi à la suite d'une dénonciation d'une eurodéputée du Front National (FN, aujourd'hui Rassemblement National) en 2017. Visé par une enquête pour des faits similaires, le parti d'extrême droite avait en effet mis un point d'honneur à ne pas être la seule formation accusée de détournements de fonds européens.
Alors que le procès du FN se déroule depuis le mois de septembre 2024, celui du MoDem s'est donc tenu il y a quelques mois. Le tribunal correctionnel de Paris a finalement prononcé la culpabilité de huit prévenus sur onze, parmi lesquels figuraient donc cinq eurodéputés. Les peines prononcées vont de dix à dix-huit mois de prison avec sursis, assorties d'amendes de 10 000 à 50 000 euros et de deux ans d’inéligibilité avec sursis. Par ailleurs, l'UDF a été condamné à 150 000 euros d’amende, dont 100 000 euros ferme, et le MoDem à 350 000 euros, dont 300 000 euros ferme.
Bayrou relaxé en raison du manque de preuves de son implication
Si son parti et plusieurs de ses proches ont donc été condamnés dans cette affaire, François Bayrou a pour sa part été relaxé. D'après Didier Rebut, le maire de Pau était initialement poursuivi pour avoir "en sa qualité de Président de l’UDF et MoDem, sollicité des députés européens un engagement à employer comme assistants parlementaires des personnes travaillant en fait pour ces deux partis politiques".
A l'issue du procès, le tribunal a toutefois jugé qu'aucun élément tangible ne prouvait que François Bayrou avait demandé d’employer fictivement des assistants parlementaires, ni même qu'il avait connaissance des contrats frauduleux établis au sein de son parti. L'autorité judiciaire a certes reconnu qu'il était "très probable" que les personnes condamnées aient agi avec l'autorisation du chef du parti, mais s'est refusée à "déduire la culpabilité d’un prévenu d’une hypothèse même si elle est vraisemblable".
Appel en cours
François Bayrou a donc finalement été relaxé "au bénéfice du doute" au début du mois de février. "Pour moi, c’est un cauchemar de sept années qui vient de s’achever par une décision sans contestation du tribunal", avait alors réagi le responsable politique, qui avait notamment été forcé de quitter le poste de ministre de la Justice en 2017, en raison de la polémique créée par cette affaire.
Contrairement à ce que prétend le maire de Pau, la relaxe dont il fait l'objet est toutefois loin d'être "une décision sans contestation". Dans la foulée de l'énoncé du verdict par le tribunal, le parquet de Paris a en effet fait appel de ce jugement. "Le parquet conteste ces relaxes, estime que les faits caractérisent les infractions reprochées et que les preuves de ces délits sont réunies contre tous les prévenus", avait alors souligné la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, dans un communiqué. Pour l'heure, aucune date n'a été fixée pour le nouveau procès.