France: La "prime de précarité" du Medef mal reçue par les syndicats

La proposition du patronat d'étendre la "prime de précarité" sur les contrats de travail courts a été rejetée jeudi par les syndicats, qui se disent prêts à suspendre les négociations sur la réforme de l'assurance chômage sans nouvelles suggestions. /Photo d'archives/REUTERS/Charles Platiau

PARIS (Reuters) - La proposition du patronat d'étendre la "prime de précarité" sur les contrats de travail courts a été rejetée jeudi par les syndicats, qui se disent prêts à suspendre les négociations sur la réforme de l'assurance chômage sans nouvelles suggestions.

Les partenaires sociaux ont repris jeudi ces négociations après trois semaines d'interruption provoquée par l'appui apporté par le gouvernement au mécanisme du "bonus-malus" pour moduler les cotisations patronales afin de décourager ces contrats courts, en se basant pour la première fois sur un projet d'accord rédigé par le patronat.

"On pense que le bonus-malus est une très mauvaise solution à un problème qu'on ne nie pas", a déclaré jeudi matin le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, à France Inter.

"Ce qu'on propose, c'est que les salariés qui enchaînent plusieurs contrats courts avec le même employeur et dans le même mois se voient payer, à partir d'un certain nombre de contrats courts, une prime dite de précarité", a-t-il ajouté.

La proposition patronale concerne les contrats dits d'usage, utilisés pour des missions courtes dans certains secteurs comme l'hôtellerie et la restauration et représentent, selon Geoffroy Roux de Bézieux, la majorité des contrat à durée déterminée (CDD) de moins d’un mois.

Une telle prime de précarité existe déjà pour les autres CDD et les contrats d'intérim, afin de compenser l'absence de sécurité de l'emploi. Versée avec le dernier salaire, elle est équivalente à 10% de la rémunération brute totale versée pendant le contrat.

La prime proposée par le patronat pour les contrats d'usage sera aussi payée par l'employeur à chaque fin de contrat, dès lors que le salarié aura bénéficié d'au moins quatre CDD d'usage au cours des six mois qui précèdent la date de l'embauche. Le montant de la prime n'est pas pour l'instant précisé.

PROPOSITION "INDIGENTE"

"La proposition patronale est totalement indigente sur les contrats courts et ne se compare pas aux efforts qui sont demandés sur la partie salariale au niveau des économies", a déclaré le négociateur pour la CFE-CGC, Jean-François Foucard, au moment d'entrer en réunion.

Pour la CFDT, il s'agit d'une "avancée plus que timide du Medef qui est largement insuffisante pour se dire qu'on a la base pour négocier". Force ouvrière parle de "fausse proposition", la CGT de "mesurette pour essayer de faire semblant d'améliorer les droits".

L'ensemble des syndicats précisent que les CDD d'usage ne concernent que 30% des contrats courts, ce qui laisse les 70% des contrats précaires "dans l'ombre".

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, interrogée sur cette proposition par franceinfo, est restée sur la réserve.

"Ce qu'on demande aux partenaires sociaux dans cette négociation, c'est d'avoir une ambition forte et des démarches vigoureuses pour baisser les contrats courts en France", a-t-elle déclaré. "Quand on a un chômage de masse, on ne peut pas se permettre des mesures cosmétiques."

"S'il y a une mesure forte et aussi efficace (que le bonus-malus), on n'est pas fermés, mais il faut que ce soit aussi fort et efficace", a-t-elle ajouté. "C'est aux partenaires sociaux d'abord d'en discuter mais nous, on sera exigeants."

DES "MESURES CHOC", DIT LAURENT BERGER

Interrogé par RTL, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a pour sa part estimé que le système proposé par le patronat n'était pas satisfaisant "à l'heure qu'il est".

"On va voir (...) s'ils évoluent. Si ce n'est pas le cas, il faudra qu'on assume le fait qu'il n'y a pas d'accord possible avec le patronat", a-t-il ajouté.

Pour Laurent Berger, le patronat ne peut revenir à la table des négociations qu'avec des "mesures choc". "Si ce sont des mesures cosmétiques qui, en gros, visent à donner un peu plus à ceux qui subissent la précarité, quelques miettes, et pas à s'ancrer vraiment dans une lutte contre les contrats très courts, ça sera niet", a-t-il déclaré.

Le dirigeant de la CFDT a dit être pessimiste.

"Je crois qu'un certain nombre de branches professionnelles aujourd'hui font une espèce de pression sur le patronat, sur l'ensemble des acteurs", a-t-il expliqué.

Muriel Pénicaud a rappelé que neuf offres d'emploi sur 10 étaient aujourd'hui en contrat à durée déterminé ou en intérim et que 80% des CDD étaient des contrats de moins d'un mois.

"Un tiers, c'est moins d'un jour", a-t-elle souligné. "Je considère qu'on a réinventé les journaliers."

(Emmanuel Jarry, avec Caroline Pailliez édité par Yves Clarisse)