France-Israël : comment le match de football a viré à l’affrontement politique
Avec le conflit israélo-palestinien en toile de fond, la rencontre s’est transformée en duel idéologique, entre tribune de soutien à Israël et accusations d’antisémitisme.
« Ne pas politiser le sport », et en même temps... Le match France-Israël qui se disputera ce jeudi 14 novembre au stade de France ne peut être considéré comme un simple événement sportif. Tant dans le contexte des récents heurts à Amsterdam qu’au vu du dispositif de sécurité hors norme et du nombre de responsables politiques qui assisteront à la rencontre, parmi lesquels le président de la République.
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Le ministre des Sports Gil Avérous a eu beau assurer sur CNews à la veille de la rencontre qu’il s’agissait « avant tout d’un événement sportif », le message est difficilement audible. Il faut dire que sur le plan sportif, l’enjeu pour les Bleus est faible : après leur large victoire (4-1) lors du match aller en Hongrie, un simple match nul face à une nation qui ne figure qu’à la 81e place du classement Fifa assurera leur qualification en quarts de finale de Ligue des Nations. Preuve de ce faible intérêt ? Le nombre de places vendues - 25 000 à la date de mercredi matin, selon le ministre des Sports, un peu moins d’après la presse - qui fait craindre un nouveau record de la plus faible affluence enregistrée par les Bleus au stade de France.
À l’inverse, les tribunes regorgeront de personnalités politiques. Le président de la République Emmanuel Macron et son Premier ministre Michel Barnier, les deux ex-chefs d’État Nicolas Sarkozy et François Hollande ou encore la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse ont annoncé leur présence. Car il y a bien autre chose en jeu qu’une qualification pour la suite de la dernière compétition inventée par l’UEFA.
« Le football a toujours été du côté des opprimés »
Le match entre les Bleus et l’équipe nationale israélienne occupe en effet les esprits depuis plusieurs semaines. Dès la mi-octobre, la France insoumise, par la voix du député Louis Boyard, en a réclamé l’annulation. Principale raison avancée : la nécessité pour la France de marquer son opposition à la stratégie du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, que La France insoumise n’a de cesse de dénoncer. « Devant le génocide à Gaza, les Bleus ne doivent pas accueillir Israël au stade de France », écrivait ainsi le député du Val-de-Marne sur X.
🇵🇸 Le football a toujours été du côté des opprimés.
Le 11 de l'indépendance en Algérie, le combat de Socrates contre la dictature au Brésil, les clubs des townships en Afrique du sud.
Devant le génocide à Gaza, les bleus ne doivent pas accueillir Israël au stade de France.… pic.twitter.com/2d2H6qnMnN— Louis Boyard (@LouisBoyard) October 30, 2024
Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon n’est d’ailleurs pas le seul à profiter de la rencontre pour faire valoir sa position. Au Rassemblement national, il s’agit de poursuivre dans la réhabilitation du parti fondé entre autres par d’ancien collaborateurs auprès des populations juives. En témoigne la demande du député de l’Yonne Julien Odoul d’organiser la rencontre en Corse, « une terre où il n’y a pas d’antisémitisme, de provocations pro-Hamas, où la sécurité est assurée » . Et, ajoutait-il sur RMC le 7 novembre, « une terre qui a un lien particulier avec nos compatriotes de confession juive. » Une référence à l’histoire de la Corse, département où aucun juif n’a été arrêté ou déporté pendant la Shoah.
Ces demandes auraient pu rester lettre morte, le préfet de police de Paris Laurent Nunez ayant coupé court aux débats sur une possible délocalisation et un huis clos dès la mi-octobre. Mais ça, c’était avant la nuit du 7 au 8 novembre et les violences survenues en marge du match entre le Maccabi Tel-Aviv et l’Ajax d’Amsterdam aux Pays-Bas.
Une question de principe et « d’union nationale »
Dimanche 10 novembre, l’Élysée annonce la présence Emmanuel Macron à la rencontre. Si le président de la République est féru de football et assiste chaque année à certaines rencontres des Bleus, sa venue pour un match sans réel enjeu sportif a de quoi surprendre. Auprès de l’AFP, son entourage assume le lien avec les incidents d’Amsterdam : le déplacement n’était pas prévu, mais Emmanuel Macron veut « envoyer un message de fraternité et de solidarité après les actes antisémites intolérables » aux Pays-Bas, fait-on savoir.
Idem pour ses deux prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande. Auprès du Parisien, l’entourage de l’ex-dirigeant socialiste fait savoir qu’il a annulé « un engagement prévu de longue date » pour se libérer. « Le président a tout à fait conscience de la dimension que prend le match en termes d’enjeu. Un symbole qui incarne la lutte contre l’antisémitisme pour laquelle il est et sera toujours engagé », explique son cabinet à nos confrères. Un argument avancé à l’identique du côté de Nicolas Sarkozy.
En dépit de cette symbolique assumée autour de leur venue, le ministre Gil Avérous, lui, campe pourtant sur son argument et l’assure : « la présence des anciens présidents de la République démontre qu’avant tout, on va aller soutenir notre équipe de France qui a un enjeu sportif ». Tout juste, nuance-t-il, s’agit-il « aussi démontrer qu’en France, il y a une union nationale et qu’on ne se laisse pas intimider par des groupes de pression. » Son collègue de l’Intérieur Bruno Retailleau avait lui fait du maintien du match au Stade de France une question de principe et « d’ordre républicain ». « Maintenir le match sur place, c’est démontrer à celles et ceux qui veulent faire peur à la population, qui veulent mener un combat contre une catégorie de la population, que l’État français s’opposera à eux avec détermination », abonde Gil Avérous. Un tacle pur et simple au Rassemblement national et à La France insoumise. Une action de plus, aussi, à se dérouler loin du terrain.
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